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TAFTA : combien d'emplois le prochain traité transatlantique pourrait-il créer ?
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Bonnes feuilles

Aujourd’hui à Bruxelles et aux États-Unis, se joue la signature d’un traité qui risque de changer radicalement la vie de centaines de millions de citoyens américains et européens. Son nom, TAFTA. Son but, abaisser le plus possible les barrières du commerce – notamment les normes – entre nos deux continents pour faciliter les échanges. Extrait de "TAFTA -L'accord du plus fort", de Thomas Porcher et Frédéric Farah, publié chez Max Milo.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Frédéric Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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Pourtant, des études plus concrètes sur le comportement du consommateur en 2013 montrent qu’il boude les produits malins (soldes, prix compétitifs, etc.) et se réfugie vers des valeurs simples et durables31. Il est clair que les consommateurs des États-Unis, comme des pays européens ont des comportements bien plus hétérogènes et complexes (humeur, effet de mode…) que l’hypothèse d’agent représentatif utilisé dans ces modèles.

Bernard Guerrien, docteur en économie et en mathématiques, qualifie toute approche par l’agent représentatif « d’aberration » et « d’absurdité ». Il qualifie également les modèles d’équilibre général calculable de « fables », que l’on peut aménager en fonction des politiques que l’on souhaite promouvoir32.

À côté des hypothèses propres au fonctionnement du modèle, il y a les hypothèses retenues par les auteurs qui sont le lien causal entre les variables (comment les variables doivent être liées entre elles) et la période d’analyse. Concernant le lien causal, les auteurs des études partent d’une hypothèse d’une réduction de 25 % des barrières non tarifaires et de 100 % des barrières tarifaires pour mesurer les impacts sur les PIB américain et européen, les exportations, les salaires et l’emploi. Mais c’est là que se trouve tout le double discours autour des négociations de TAFTA : d’un côté, on nous assure qu’il n’y aura pas un abaissement des normes et de l’autre, on nous promet des créations d’emplois et de la croissance à condition qu’il y ait une réduction des barrières non tarifaires de 25 %. Pour les auteurs, il y a donc une articulation entre baisse des normes et gains économiques. Et avec une réduction de 25 % des barrières non tarifaires, autant dire qu’il va falloir trancher dans le vif sur les normes sanitaires et alimentaires. D’ailleurs, il convient de noter que si d’un côté la baisse des barrières non tarifaires est élevée, de l’autre, les résultats sur la croissance sont assez faibles, même dans les scénarios les plus optimistes : 1,31 % d’augmentation du PIB sur le long terme pour l’Europe, et pour la majorité des études le gain est inférieur à 1 %.

Concernant la période d’analyse (qui détermine le terme de la prévision), hormis l’étude Ecorys, l’ensemble des modèles table sur des prévisions de long terme, de dix ans minimum. En l’occurrence, l’étude qui prévoit la création de deux millions d’emplois est sur un horizon de dix à vingt ans. Autant dire que TAFTA, même s’il avait des effets positifs sur l’emploi, ne répond en rien à l’urgence des 25 millions de chômeurs actuels en Europe.

À cela, il faut ajouter la fragilité des prévisions de long terme qui se basent sur une évolution extrêmement conventionnelle du monde (l’ensemble des paramètres sont constants) et néglige les coûts d’ajustement de moyen et court terme. Par exemple, les modèles ne considèrent aucune possibilité de changement de politiques ou de paramètres. Ils prévoient à politiques, règles de droit et comportements constants.

Or, l’histoire montre qu’il peut y avoir des surprises (même quand elles n’étaient pas si imprévisibles). Par exemple, au début des années 2000, aucune prévision de long terme n’a pris en compte la crise des subprimes ou la montée en puissance des pays émergents. Or, ces changements structurels ont bouleversé les prévisions notamment sur l’emploi, la croissance, la dette où les prix des matières premières.

Au final, pour que la prévision de deux millions d’emplois, comme les impacts sur la croissance ou les exportations, se réalise, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Premièrement que les hypothèses des modèles, tout comme celles retenues par les auteurs, collent à la réalité – ce qui, comme nous l’avons vu précédemment, semble peu probable – et deuxièmement, qu’il n’y ait pas de surprise venant perturber la prévision c’est-à-dire qu’elle se fasse selon la célèbre formule « toutes choses étant égales par ailleurs ». Dans un monde réel, il y a peu de chances que ces prévisions se réalisent et on comprend mieux pourquoi les prévisions économiques du marché unique en Europe ou de NAFTA ont été si éloignées de la réalité. Car, trop souvent, les raisonnements économiques ne servent pas à éclairer les politiques mais seulement à les légitimer ; comme dans notre cas, où ces études sont avant tout des armes idéologiques pour promouvoir TAFTA.

Extrait de "TAFTA -L'accord du plus fort", de  Thomas Porcher et Frédéric Farah, publié chez Max Milo. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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