"La France, un pays fini" : petite histoire des grands classiques du French bashing<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le barde du héros de la bande dessinée Astérix représenté sur un timbre.
Le barde du héros de la bande dessinée Astérix représenté sur un timbre.
©Reuters

Critiques à tout va

Manuel Valls s'est rendu lundi à Londres avec pour objectif avoué de mettre fin au "french bashing" qui sévit actuellement outre-Manche. Dernier exemple en date : Andy Street, le directeur des grands magasins John Lewis, a jugé la semaine passée que la France, où "rien ne marche", était "finie", avant de s'excuser.

Se moquer des Français, de leur président et de leurs 35 heures, c'est presque devenu un sport national au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Si ce ressentiment anti-français, ce dénigrement systématique date de plusieurs années, il semble s'intensifier ces derniers mois. En clair, les Français (ou les Froggies) seraient des éternels paresseux et tout le temps en vacances. Un "French bashing" auquel Manuel Valls veut mettre fin. Le Premier ministre était au Royaume-Uni lundi avec comme objectif de vanter "la politique de réformes mise en œuvre par le gouvernement français pour rétablir la compétitivité, la croissance et les comptes publics" et "souligner la nécessité d'une action concertée, à l'échelon européen, pour relancer la croissance et l'emploi à travers des politiques d'investissement dynamiques".

Il faut dire que les Britanniques ont la critique facile envers les Français. Récemment encore, comme le relaie Quartz, Andy Street, le directeur de la chaîne des grands magasins John Lewis, avait jugé que la France, où "rien ne marche", était "un pays en déclin", "fini", conseillant à ses interlocuteurs "d'arrêter tout de suite d'y investir". Dans des propos cités par The Times, ce patron s'était montré particulièrement virulent à l'encontre de l'Hexagone. "Je n'ai jamais visité un pays aussi mal à l'aise", "rien ne marche et, pire, ça n'inquiète personne", avait-il déclaré.

Et le directeur de John Lewis d'estimer aussi que la différence  avec Londres était "extrême" : "Vous montez dans l'Eurostar [...] depuis un trou de misère en pleine Europe, la gare du Nord, et descendez à une gare moderne, tournée vers l'avenir." "Chaque fois que je me rends sur place, je pense ceci : que Dieu aide la France." Depuis Andry Street a présenté ses excuses : "Mes remarques étaient censées être humoristiques et sur le ton de la plaisanterie. A la réflexion, je suis clairement allé trop loin. Je regrette ces propos et présente des excuses sans réserve". Des regrets qui ne doivent pas faire oublier que la pratique du "French bashing" est monnaie courante chez les Anglo-saxons. 

Ainsi, en février 2013, Maurice Taylor patron du groupe américain de pneumatique Titan adressait une lettre particulièrement incisive à Arnaud Montebourg, à l'époque ministre du Redressement productif qui négociait alors pour éviter la fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord. "J'ai visité cette usine plusieurs fois. Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l'ai dit en face aux syndicalistes français. Ils m'ont répondu que c'était comme ça en France (...). Monsieur, votre lettre signale que vous voulez que Titan démarre une discussion. Vous pensez que nous sommes si stupides que ça ? Titan est celui qui a l'argent et le savoir-faire pour produire des pneus. Qu'a le syndicat fou ? Il a le gouvernement français. (...) Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l'heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. Vous pouvez garder les soi-disant ouvriers" écrivait-il dans une lettre que s'était procurée Les Echos.

Ce n'est pas tout. En début d'année, dans une publicité pour sa nouvelle voiture électrique, Cadillac mettait en scène l'acteur Neal McDonough se demandant au bord de sa piscine pourquoi les Américains travaillent tant alors que d'autres ont le temps de se reposer à la terrasse d'un café avant de rentrer chez eux et prennent des vacances durant tout le mois d'août. "Les autres pays pensent que nous sommes fous. Et alors ?" Et de poursuivre en faisant référence aux frères Wright, à Bill Gates, Les Paul et Mohamed Ali. "Est-ce que nous étions fous quand nous avons décidé d'aller sur la Lune ? Tout à fait. Nous y sommes allés et vous savez ce qui s'est passé ? Nous nous en sommes lassés. Alors nous sommes partis en laissant une voiture avec les clés sur le contact. Vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes les seuls à pouvoir retourner là-haut, voilà pourquoi", assure l'acteur. "C'est simple, continue-t-il. Vous travaillez dur, vous créez votre propre chance et vous n'avez plus qu'à croire que tout est possible." Avant de conclure que "les biens matériels, c'est le bon côté de ne prendre que quinze jours de vacances en août", le tout en finissant par un "n'est-ce pas?", en français dans le texte qui ne laisse aucun doute contre qui se dirige cette attaque.

Parler de "French bashing" nécessite forcément d'évoquer une nouvelle fois le dossier polémique de Newsweek sur "la chute de la France" du mois de janvier. Un article qui décrivait de manière peu flatteuse (et avec de nombreux clichés) ce qui se passe dans notre pays. Pour elle, "ce qui se passe aujourd'hui en France est comparable à la révocation de l'édit de Nantes de 1685". Cette année-là, écrivait la journaliste les huguenots fuient la France, "ils partirent sans argent, mais prirent avec eux leurs nombreuses compétences". Aujourd'hui, ce sont les "talents" qui quittent la France. "Les meilleurs penseurs de France ont quitté le pays. Ce qui reste n'est que médiocrité". Et d'estimer que "la France se meurt lentement. Le socialisme est en train de la tuer."

En novembre 2012, l'hebdomadaire britannique The Economist publiait un dossier spécial de 14 pages sur la situation économique française. Selon le journal libéral, "la France pourrait devenir le plus grand danger pour la monnaie unique européenne", et "la crise pourrait frapper dès l'an prochain". The Economist se montrait particulièrement virulent à l'encontre de François Hollande et de son Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault. "Ni M. Hollande ni M. Ayrault ne semblent être le genre de dirigeants suffisamment courageux, capables d'imposer des réformes à l'encontre d'une opposition généralisée" était-il écrit.

Mais les critiques ne viennent pas que des Etats-Unis du Royaume-Uni. Ainsi, en juillet 2013, le journal suisse Le Matin Dimanche rapporte que les recruteurs suisses préfèrent éviter les Français, jugés "paresseux", "arrogants", "râleurs" et "revendicateurs". "Ils étaient souvent malades le lundi et le vendredi. Il ya toujours un problème. C'est totalement différent avec les Espagnols et les Portugais", rapportait également la responsable du recrutement d'une PME. 

Mais les critiques viennent parfois de l'intérieur. Ainsi, Quartz rappelle le constat établit par un immigrant chinois en France. Dans un portrait dressé par Reuters, l'homme se montrait quelque peu critique à propos des 35 heures. "Comme je le constate : ici quand vous travaillez, vous êtes payé. Alors pourquoi s'arrêter à 35 heures ? ". Toujours à l'agence de presse américaine, un autre immigrant déclarait : "Nous, Chinois, pensons que s'il y a tant de chômage c'est parce que les gens ne peuvent pas travailler suffisamment."

Comme le souligne Quartz, l'histoire du "French bashing" est très ancienne. Ainsi, l'écrivain et journaliste français Jules Huret après avoir visité l'Allemagne, écrit en 1908 "De Hambourg aux marches de Pologne : en Allemagne". Dans ce document, il cite le chef d'une banque allemande : "On bavarde trop chez vous dans les bureaux d'affaires, dans les grands comme dans les petits. Nous sommes toujours étonnés, quand nous allons à Paris pour traiter une affaire, du temps perdu à "causer". Rendez-vous est pris pour 10 heures. On se salue. On se congratule. On "cause". (…) A partir de 11h30, les gens regardent leur montre et il se trouve toujours quelqu'un pour s'écrier : "Ah ! Si on allait déjeuner à présent ! Nous discuterions mieux à table!". Ça n'a pas beaucoup changé depuis. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !