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Face à l’État islamique, les États-Unis ressortent la stratégie du containment des cartons de la Guerre froide
©Reuters

Bis repetita

Pour tenter d'éradiquer la menace djihadiste en Irak, les États-Unis emploient la stratégie du containment, utilisée contre l'URSS lors de la Guerre froide.

Valls Macron

Quentin Michaud

Quentin Michaud est journaliste spécialisé dans les questions de défense et de stratégie. Il a été formé à l'Ecole de guerre économique.

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Atlantico : Les ambitions de la coalition menée par les Etats-Unis peuvent être séparées en deux : éradiquer la menace djihadiste en Irak, et l'affaiblir en Syrie. Dans quelle mesure peut comparer ce dernier objectif à la stratégie du containment pratiquée par les Etats-Unis pendant la Guerre froide ? En quoi ce concept consistait-il ?

Quentin Michaud : Les ambitions sont différentes en Syrie et en Irak mais elles sont complémentaires. L'objectif de toucher les implantations stratégiques djihadistes se remplit de la même façon. En Syrie, les Etats-Unis n'ont aucune solution politique à proposer et ils ne peuvent se permettre d'afficher quelconque forme de coopération avec le régime de Bachar Al Assad. En Irak, les bombardements laissent la place aux Peshmergas ou à l'armée irakienne. Ces deux protagonistes se battent pour des intérêts divergents. Là aussi, la solution n'est donc pas optimale.

Comme au temps de la guerre froide, les Etats-Unis sont effectivement dans une stratégie de containment face au djihadisme en Syrie et en Irak, c'est-à-dire de mobiliser tous les moyens politiques, économiques, diplomatiques ou militaires disponibles pour contenir une menace. Même si le contexte est complètement différent et qu'il est difficile de faire un parallèle sur ces deux époques totalement antagonistes, il est intéressant de comparer quelques points d'analyse.

Au début de la guerre froide, les Etats-Unis n'étaient pas engagés militairement de façon directe contre l'URSS. Les deux blocs s'affrontaient indirectement. Souvent, le soft power américain permettait de contrecarrer les actions d'influence et de contre-influence soviétiques en Europe ou sur d'autres continents. Aujourd'hui, c'est le hard power, la puissance dure américaine qui est à l'oeuvre pour détruire les implantations des djihadistes en Syrie et en Irak en répondant à un appel à l'aide de ces deux pays.

Face à  un ennemi plus insaisissable que du temps de l'ère soviétique, cette stratégie de l'endiguement est-elle plus difficile à mettre en place ?

Cette stratégie est plus complexe à mettre en oeuvre sur le terrain pour différentes raisons. L'ennemi est mobile, il s'adapte en permanence pour éviter d'être repéré par les drones ou les avions de reconnaissance. Ce ne sont plus de longues colonnes de pick-up qui se déplacent pour traverser la frontière mais des petits groupes extrêmment bien armés disposant des ressources suffisantes en vivres et en munitions pour se battre en totale autonomie.

Autre problème pour les pays occidentaux intervenant en Syrie et en Irak : ils sont malgré eux dans une position budgétaire très difficile limitant leur force de frappe. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les armées britanniques et françaises disposent de moyens aériens ultra-modernes qui peuvent être utilisés uniquement de façon ponctuelle. Leur coût d'utilisation sont exorbitants face à des budgets militaires en baisse

D'ailleurs, la stratégie du containment avait-elle été payante pour les Etats-Unis, ou sont-ce davantage les événements historiques que les actions de soutien militaire qui ont contribué à faire chuter l'ennemi soviétique ?

Quelques actions de guérilla et de contre-guérilla ont permis aux Etats-Unis d'accroître leur influence en Europe de l'est, avant la chute du Mur de Berlin. Des échecs existent aussi comme ce fut le cas dans la baie des cochons en 1961. Mais l'URSS a été globalement mise en échec par un essoufflement de sa machine militaire. L'idéologie soviétique n'a pas suivi également l'évolution des moeurs de la population en ex-URSS. Quelques jours avant la chute du Mur, des responsables du Kremlin ne croyaient pas à l'éclatement du bloc soviétique avant plusieurs années.

De nos jours, le contexte est complètement différent. Cette stratégie visant à contenir voire à anéantir l'écheveau du terrorisme au Moyen-Orient exacerbe le risque terroriste sur le sol des pays impliqués dans ces opérations militaires. Jamais le risque d'un attentat terroriste ne semble avoir été aussi important en France. Les conséquences de notre lutte contre Daesh, surnommé aussi Etat islamique, peuvent donc être très concrètes et immédiates.  

Le soutien opérationnel apporté à des groupes tels que l'armée syrienne libre en Syrie ou les Peshmergas en Irak par des livraisons d'armes, de la formation et du partage de renseignement reste limité. Les avancées sur le terrain sont plutôt du côté des djihadistes qui asseoient leur zone d'influence aussi bien dans la région syro-irakienne que sur notre propre sol. Le djihadisme 2.0 est une arme qui embrigade beaucoup de jeunes aujourd'hui par la seule force des réseaux sociaux. Les Etats semblent bien démunis face à ce phénomène très inquiétant, malgré une mobilisation totale des services de renseignement.

Plus globalement, la coalition donne-t-elle le sentiment d'avoir élaboré une réelle stratégie ? L'histoire a-t-elle démontré qu'il était nécessaire de suivre une certaine philosophie de guerre pour l'emporter ?

Avons-nous réellement changé de stratégie ou nous sommes-nous simplement adapté à l'urgence de la situation pour tenter d'y répondre purement et simplement par la voie militaire ? Depuis le 11 septembre 2001, la machine de guerre américaine s'est essoufflée à contenir des foyers terroristes en Afghanistan et en Irak. Plus récemment, c'est en Libye et au Mali que les pays occidentaux, dont la France en tête, ont du intervenir pour tordre le cou à toute volonté de dresser un Etat islamique.

Demain, ce sera peut-être au Nigeria, en Libye ou en Egypte qu'il faudra à nouveau engager des opérations aériennes pour refouler une menace encore en pleine mutation. Au sol, le travail des militaires est toujours le même de devoir « finir le travail ». Mais cela n'a visiblement pas suffit comme on le voit aujourd'hui au Mali, où plusieurs phénomènes de résurgence de la menace terroriste sont apparus depuis la fin de l'opération Serval. L'Histoire montre surtout que nous n'avons pas encore assez de recul pour mesurer toutes les conséquences de ces récentes interventions militaires et que l'horizon s'annonce sombre et complexe.

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