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L'inquiétante "Haute autorité des primaires citoyennes" du PS
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Leviathan socialiste

Le premier tour de la primaire socialiste se déroulera le 9 octobre prochain, dans moins d'un mois. Dans l'indifférence générale, une "Haute autorité" s'occupe de faire respecter les règles de cette élection. Il y a pourtant beaucoup à dire...

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Les "primaires citoyennes" - le mot citoyen est au parti socialiste ce que la tarte à la crème est à la pâtisserie fine - vont donc leur petit train, entre petites phrases et petites idées. Les querelles picrocholines des six candidats n'étonneront personne. Ce qui est plus troublant, c'est l'institution d'une "Haute autorité des primaires" dont la légitimité, les objectifs et le fonctionnement ne semblent choquer quiconque.

Il y a pourtant de quoi s'inquiéter si l'on considère que ce genre d'innovation pourrait préfigurer la façon dont les socialistes envisagent le fonctionnement de la justice ou des autorités administratives indépendantes en cas de retour au gouvernement.

Les règles les plus élémentaires du droit négligées

Tout d'abord, au regard de son fonctionnement au sein des instances socialistes, ce triumvirat désigné par "les instances dirigeantes du parti" (nous dit-on sans beaucoup de précision) se voit conférer des pouvoirs exorbitants sans aucun contrôle.

Selon son soi-disant règlement intérieur : "La Haute Autorité des Primaires citoyennes émet des communications et des recommandations, prend des décisions et prononce des avertissements. Les communications, décisions, avertissements et recommandations de la Haute Autorité des Primaires citoyennes sont rendus par les trois membres composant celle-ci, réunis en formation collégiale. Les communications, recommandations, décisions et avertissements de la Haute Autorité des Primaires citoyennes ne sont susceptibles d’aucun recours.Ils s’imposent à l’ensemble des candidats et aux instances organisatrices des primaires citoyennes".

Fouchtra ! Des décisions, des avertissements ... sans aucun recours ! Voilà qui est contraire aux principes les plus élémentaires du droit du commun des mortels. Mais il est vrai que nous sommes ici dans un parti tout ce qu'il y a de plus démocratique.

Cet autoritarisme sans recours va jusqu'à s'appliquer aux esprits les mieux formés si l'on en juge par le sort réservé au "collège d'experts" dont la Haute autorité peut d'adjoindre les savoirs : "Un collège d’experts est constitué auprès de la Haute Autorité des Primaires citoyennes. Il est composé de magistrats, d’avocats, de professeurs de droit et de hauts fonctionnaires. Les membres de ce collège sont librement choisis et révoqués par la Haute Autorité des Primaires citoyennes."

Des magistrats, professeurs de droit et hauts fonctionnaires librement choisis et révoqués ! Ces catégories socio-professionnelles sont-elles prévenues de ce qui les attend dans la vie rêvée des hautes autorités indépendantes socialistes ?

Mais trêve de taquinerie. Après tout, seuls les masochistes adhérents au dit parti seront victimes de ces dérives potentielles. Ce qui est plus gênant, c'est bien la façon dont cette aréopage de poche entend user de ses pouvoirs vis-à-vis de l'extérieur, de la vraie vie, du monde réel quoi.

Le champ du pouvoir de la Haute autorité en question

Certes, il ne prétend s'adresser aux non-socialistes que par voie de recommandation. Mais enfin, la formulation des dites recommandations et le fait même que les membres de cette autorité aient pu envisager d'en formuler à des gens qui n'ont en rien à répondre de leur comportement vis-à-vis du parti socialiste sont troublants.

L'"affaire" des sondages de Ségolène vient d'en apporter l'illustration. On sait que cette dernière s'est plainte, auprès de la "ototorité", du méchant traitement et des résultats pitoyables que les instituts de sondage lui réservent dans leurs publications. Au lieu de répondre le plus simplement et légalement à cette pauvre victime qu'elle n'a aucun pouvoir pour empêcher, ni même s'immiscer dans la façon dont les instituts de sondage font leur travail, qu'a cru pouvoir faire la "ototorité" ?

Après avoir rappelé aux candidats qu'ils peuvent saisir la Commission des sondages instituée par l’État s'ils veulent dénoncer des manipulations, elle expose que : "En ce qui concerne la période de publication des sondages, l’art. 11 de la loi n°77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion interdit la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage la veille de chaque tour de scrutin. Si ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer lors des primaires citoyennes, la Haute Autorité des Primaires citoyennes en appelle cependant à la responsabilité de chacun pour qu’un moratoire soit observé la veille de chaque tour de scrutin. Elle publiera une communication en ce sens sur son site."

Voilà donc les brebis sondagières galeuses dûment chapitrées : aucun texte ne leur interdit de publier leurs chiffres quand la « ototorité » ne le souhaite pas, mais ils seront quand même sous sa surveillance et ses rappels à la responsabilité. Ah ? Et à quel titre ?

Mais notre trio de choc va plus loin encore : " Enfin, (la Haute autorité) estime tout à fait contraire à la déontologie de l’information d’une société démocratique de ne révéler qu’une partie d’un sondage en omettant les résultats obtenus par tous les candidats et pas seulement de celles et ceux, souvent trois et parfois deux, qui bénéficient d’une sélection favorable, et parfaitement discrétionnaire, des médias."

Brr ... Voilà donc une innovation supplémentaire : "la déontologie de l'information d'une société démocratique", concept vasouillard qui ouvre le chemin à des définitions inquiétantes.

Faut-il s'inquiéter ?

Et dire que ces mêmes socialistes passent leur temps à s'émouvoir des moindres faits et gestes d'Hadopi en s'insurgeant qu'une autorité administrative indépendante puisse se pencher sur l'épaule des Internautes téléchargeant illégalement de la musique ! Là, les libertés fondamentales sont menacées. Chez eux, "la déontologie de l'information d'une société démocratique" vous surveille.

Sachant que ces primaires vont peut-être, dans le silence absolu de la constitution et des lois de la République sur ce sujet, décider du résultat des élections présidentielles, il y a de quoi être soucieux.

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