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Etat islamique : les humanitaires dans la gueule du loup ?
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Tribune

Une tribune de Jean-Yves Troy, directeur général de Solidarités international.

Jean-Yves  Troy

Jean-Yves Troy

Jean-Yves Troy est Directeur Géneral de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. Diplomé en gestion des entreprises dans les pays en développement, il a effectué sa première mission humanitaire en 1988 en Irak. Après un bref passage au sein de BFM Business en 1999, il devient responsable géographique pour l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique puis directeur des opérations au sein d’une ONG d’urgence. Il a rejoint SOLIDARITÉS INTERNATIONAL en janvier 2014.
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"Mais pourquoi vous allez vous fourrer dans la gueule du loup ?". C’est ce que l’on m’a récemment  renvoyé  après l’assassinat de David Haines, humanitaire britannique travaillant pour une ONG française, assassiné le 14 septembre 2014 en Syrie.

Parfois je me pose la question, le temps de quelques secondes. Puis elle est vite évacuée. Tout simplement parce qu’elle touche à notre raison d’être. A ce qui, chaque jour, nous anime : venir en aide aux plus fragiles, aux plus vulnérables, aux plus démunis face aux conséquences dramatiques d’un conflit. Secourir à la mesure des souffrances, en priorité aux détresses les plus urgentes, sans distinction de race, de nationalité, de religion, de condition sociale ou d’affiliation politique. Faire savoir et continuer à prouver qu’il existe bel et bien une aide désintéressé déconnectée des calendriers politique, économique ou judicaire. Ces principes fondamentaux qui régissent l’humanitaire depuis la création de la Croix-Rouge doivent continuer à vivre. Parce qu’ils sont aussi un pilier du "vivre ensemble" de la constitution d’un Etat, d’une société.

Intégrer cette menace

En tant qu’organisation d’aide humanitaire dans des situations d’urgence, oui nous sommes proches de la gueule du loup. Les humanitaires, comme les journalistes, sont les plus ciblés, parce qu’ils continuent de parcourir ces zones et d’être au contact de ceux qui n’ont d’autre choix que de subir. Nos objectifs sont différents : témoigner d’un côté, aider de l’autre, mais ils sont complémentaires. Alors quand nous sommes parmi les derniers sur ces terrains les menaces peuvent se faire plus fortes. Et quand la France entre en guerre en Irak, une menace s’ajoute alors à celles déjà identifiées.

Hervé Gourdel, randonneur, a été assassiné en Algérie 10 jours après David Haines. Il a été assassiné parce qu’il était français. Cette nouvelle donnée dans notre analyse ne doit à aucun moment nous faire céder à la panique. Nous devons intégrer cette menace dans nos façons de faire, dans notre discours, dans nos actions au quotidien, avec pour seul objectif de continuer à rester opérationnels auprès des populations les plus vulnérables. Continuer à travailler sur notre connaissance et notre analyse des contextes, adopter des règles de sécurité, mais surtout nous adapter en permanence pour minimiser notre exposition. Trouver de nouvelles voies pour continuer à délivrer une aide humanitaire, tout en gardant le contrôle sur sa traçabilité. C’est cette équation qu’il nous faut résoudre en permanence.

La juste balance

Il reste certes des inconnues. D’autres vont même surgir et venir troubler nos certitudes. C’est la juste balance entre le bénéfice que nous apportons et le risque pris par nos équipes nationales et internationales que nous devons évaluer au quotidien. Un autre danger serait de traiter cette question en baissant notre exposition : c’est simple, il suffit de déserter ces zones. Pas d’actions, pas de présence, pas de risques. 

Si nous cédons à la panique, des zones de non droit vont continuer à se développer, entraînant les populations dans une descente aux enfers sans témoins. Si nous restons, nous prenons des risques. C’est vrai. Nous en sommes conscients. Réévaluer en permanence ces situations, trouver la juste balance entre les risques que nous courons et les besoins auxquels nous répondons. C’est ce que nous allons continuer à faire pour ne pas tomber dans cette autre gueule du loup, tout aussi menaçante : l’inaction, qui n’a pour le coup plus rien d’humanitaire.

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