Pourquoi les Anglais et les Australiens ont une longueur d'avance sur la France en matière de lutte contre le tabac<!-- --> | Atlantico.fr
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Marisol Touraine, ministre de la santé, a proposé son plan anti-tabac.
Marisol Touraine, ministre de la santé, a proposé son plan anti-tabac.
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Cours de rattrapage

Marisol Touraine, ministre de la Santé, a proposé son plan anti-tabac jeudi 25 septembre qui comprend notamment l'adoption du paquet neutre en 2016. Des pays comme l'Australie et l'Angleterre font figures d'exemples. Voici les raisons qui expliquent le retard de la France et les solutions pour le rattraper.

Gérard Dubois

Gérard Dubois

Gérard Dubois est membre de l’Académie nationale de médecine, où il occupe la fonction de président de la Commission Addictions. Il est le co-auteur du rapport des "Cinq sages" au ministre des Affaires sociales sur la Santé Publique à l'origine de la loi Evin.

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Atlantico : Dans la lutte contre le tabagisme, la France n'excelle pas par rapport à des pays modèles comme l'Angleterre et l'Australie dans lesquels la proportion des fumeurs est respectivement de moins de 20% chez les Britanniques et en dessous des 15% pour les Australiens. La France, elle, dépasse les 30%. Dans quelle mesure ces chiffres sont le résulat d'une politique de lutte contre le tabagisme plus efficace ?  

Gérard Dubois :Une des raisons principales reste que ces pays ont mis en œuvre une politique anti-tabac bien avant la France, ils ont commencé à prendre des mesures il y a 15 ans ou 20 ans. Ils ont notamment pris des mesures fiscales qui sont plus importantes et plus efficaces. Globalement, les modalités d'actions sont relativement simples, ce sont : l'interdiction de la publicité, l'augmentation des prix, la protection des non-fumeurs, l'éducation et l'information et l'aide à l'arrêt du tabac. Si nous prenons ces différents éléments, la France n'est pas en retard concernant tout d'abord l'interdiction de la publicité car la première loi Evin date de 1976 même si elle était insuffisante. Cette loi interdit complètement la promotion et il faut dire que le paquet neutre est un point final car nous retirons à l'industrie du tabac le dernier support promotionnel. Cette dernière mesure nuit à l'industrie du tabac qui rétorque énormément.  Dans la lutte contre le tabac, nous savons que quand l'industrie s'insurge, nous sommes dans la bonne voie. C'est le meilleur argument pour le paquet neutre. 

La France a tardé mais à partir de 1991, la loi Evin, les ventes de cigarettes ont été divisé par deux et que le cancer du poumon de l'homme jeune (40 ans) est deux fois moins important. Si nous regardons les périodes où les ventes ont le plus baissé, il y a eu des augmentations importantes du prix du tabac de manière répétitive. Chaque fois que cette mesure a été abandonnée, il y a eu une stagnation des ventes. Nous aurions pu faire 3 fois mieux depuis 1991.

A ce sujet, qu'en est-il de l'efficacité de l'adopation d'un paquet neutre au regard des résultats de l'expérience australienne ?

A travers des études, lorsque nous montrons un paquet neutre parmi d'autres paquets à un fumeur, le paquet neutre est le plus repoussant. Un certain nombre d'études circulent. En fonction de la source, les résultats sont opposés. Si vous prenez les études du gouvernement australien, elles montrent une baisse des ventes des paquets de cigarette. En revanche, certains résultats sont le fruit d'études menées par les industriels eux-mêmes dans une volonté de montrer l'inefficacité de cette mesure.  Même les études françaises concluent que le paquet neutre est repoussant.

Or, c'est le but de cette mesure. Il vaut mieux avoir un paquet repoussoir qu'un support attractif. Pour leurs noms de marque, l'industrie persiste. En revanche, il y aura qu'un seul format de paquet et les indications préventives seront agrandis.

L'argument des industriels qui consiste à dire que les paquets seront plus facilement  imitables n'est pas viable, c'est un non-sens. Lorsque nous savons que c'est l'industrie du tabac qui organise largement cette contrebande, nous doutons largement de cet argument.

Quelles sont les mesures prises par les gouvernements australiens et anglais qui ont été particulièrement efficaces ?  Comment faire pour rattraper ce retard ?

Nous avons mené tardivement ce qu'on appelle la "dénormalisation" du tabac qui passe par l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Le complément qui décide d'interdire de fumer dans les espaces pour jeux des enfants n'est pas dans un schéma de risque sanitaire mais plutôt d'image. Il représente une avancée. Le stade suivant est d'amener les français à tolérer de moins en moins la fumée de cigarettes dans les lieux publics même à l'extérieur.

La mesure d'interdire de fumer dans les voitures en présence d'un enfant de moins de douze ans, c'est une évidence car le niveau d'exposition est important même avec les fenêtres ouvertes et la ventilation. Ce sont des niveaux très étonnants même auprès des chercheurs, cette exposition favorise l'asthme et les otites chez l'enfant. Par conséquence, cette mesure s'imposée.

Pour accélérer le mouvement,  le point important est de reprendre l'augmentation des taxes. Il faut savoir que nous n'avons pas repris l'augmentation des prix, les dernières étaient décidées par les industries et destinées à les enrichir. Elles n'étaient pas dissuasives. L'annonce de l'augmentation des taxes relève d'une loi de finances et non pas du plan national de réduction du tabagisme. De ce fait, ce qui manque dans ce plan, c'est qu'il aurait fallu une organisation interministérielle de la lutte contre le tabagisme et notamment ne pas laisser le ministère des finances gérer seul les taxes sur le tabac car il le fait en complicité avec l'industrie du tabac et ce n'est plus acceptable.

Dans les mesures qui sont proposées, il y a cette question de la relation avec l'industrie du tabac qui est mise en avant. Elle doit être plus ouverte et transparente qu'elle ne l'est actuellement.

Les australiens et les anglais ont menés à bien ces points de manière progressive, c'est la raison d'un résultat des taux satisfaisant. Il faut attaquer le produit et déjouer les manipulations des industriels et non blâmer le fumeur.  Ce type de campagne a été démontré comme efficace auprès des jeunes.

En France, nous sommes en train de rattraper notre retard. Il ne faut pas relâcher sur les taxes.

Qu'en est-il de la cigarette électronique, peut-elle être un argument de poids dans la lutte anti-tabac ?

L'autorisation de l'utilisation de la cigarette électronique dans certains endroits est dramatique. Par exemple, en discothèque, il est complexe de distinguer la fumée d'une cigarette de celle d'un e-cigarette. Très rapidement, le tabagisme va reprendre dans ces lieux puisque l'application ne sera plus possible. Il n'y a pas de danger de la cigarette électronique mais cela crée une confusion totale avec la cigarette. La cigarette électronique ne doit pas devenir auprès des jeunes un modèle d'initiation au tabagisme. Néanmoins, dans le cas d'un fumeur qui opte pour la cigarette électronique plutôt que la cigarette, c'est une bonne chose. Il ne faut pas que le produit soit promut comme une cigarette pour éviter un modèle initiatique pour les jeunes. Ces dernières contiennent de la nicotine et peuvent créer de la dépendance.  Pour l'instant, nous ne pouvons pas l'utiliser comme argument en faveur de l'arrêt de la cigarette. Il n'y a pas encore suffisamment d'études qui montrent que la cigarette électronique aide à l'arrêt.  En revanche, nous pouvons communiquer sur le fait que l'utilisation de la e-cigarette est moins dangereuse. 

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