Record à la baisse depuis 2 ans : pourquoi la dépréciation de l’euro n’est pas qu’une bonne nouvelle<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
L'euro a atteint vendredi 3 octobre son niveau le plus faible face au dollar depuis deux ans (1 euro = 1,25 dollars)
L'euro a atteint vendredi 3 octobre son niveau le plus faible face au dollar depuis deux ans (1 euro = 1,25 dollars)
©Reuters

Recadrage

L'euro a atteint son niveau le plus bas face au dollar depuis deux ans. Beaucoup d'entreprises exportatrices françaises critiquaient une devise européenne trop forte qui entravait leurs exportations. L'économie française aurait pourtant tort de se réjouir trop vite.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »

Atlantico : L'euro a atteint vendredi 3 octobre son niveau le plus faible face au dollar depuis deux ans (1 euro = 1,25 dollars). Comment expliquer que la monnaie européenne se retrouve à un niveau si bas ?

Michel Ruimy :Suite aux annonces de Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne (BCE), visant à contrer la spirale déflationniste de la zone euro, le cours de l’euro est passé, pour la première fois depuis juillet 2013, sous la barre de 1,30  dollar au début de ce mois de septembre. Une baisse de près de 7% par rapport au niveau de mai 2014. Aujourd’hui, l’euro s’échange aux alentours de 1,25 dollar, plus bas niveau depuis fin 2012. Cette dernière accélération baissière s’explique notamment par le rally haussier de la devise américaine à la suite de la publication, par le Département américain du Commerce, des ventes de logements neufs au mois d’août. Celles-ci ont atteint un pic de 504 000, en hausse de 18% (en rythme annuel ajusté des variations saisonnières), chiffre bien plus important que celui attendu par les économistes (402 000). Notons que le dollar s’est aussi apprécié par rapport aux autres principales devises.

Les entreprises exportatrices françaises se plaignent depuis longtemps du niveau trop élevé de la devise européenne qui renchérissait leurs produits hors de nos frontières. Ce niveau de change bas est-il forcément une bonne nouvelle pour eux ?

Dans une certaine mesure, oui. En effet, les exportations françaises sont très sensibles à "l’effet prix" sur les marchés étrangers. Cette baisse du cours de l’euro dollar est une "bouffée d’oxygène" à court terme, en particulier pour les entreprises exportant en zone dollar (Airbus, Total, L’Oréal…). Mais, l’essentiel de nos exportations se fait dans la zone euro ! Ainsi, l’effet d’un euro "faible" serait celui d’un stimulus de 1 à 2 ans sur l’économie. Au-delà, son effet est annulé par des hausses de prix et/ou de salaires. En outre, il convient de relativiser le niveau actuel. En effet, si nous considérons le taux de change effectif réel – qui prend en compte notamment le différentiel d’inflation – la dépréciation de l’euro n’est que de 3,5% depuis le pic de début mai 2014 lorsque la monnaie unique cotait près de 1,40 dollar. En fait, il faudrait que le cours de l’euro cote moins de 1,20 dollar pour que ce niveau ait un impact visible sur la croissance française. 

Qui souffre à l'inverse d'un "dollar fort", situation qui ne s'est plus produite depuis longtemps ?

Si un euro "faible" est favorable aux exportations, un dollar "fort" est, en revanche, néfaste pour les importations, en particulier pour celles auxquelles il n’est pas possible de renoncer - comme les hydrocarbures - et qui seront considérablement renchéries. Mais aujourd’hui le prix du pétrole ne flambe pas en raison d’un prix du baril de brut en baisse. Cette situation n’a donc pas d’effet sur l’inflation, ce qui autorise la BCE à poursuivre sa politique monétaire accommodante.

Quels vont être les perdants, et à quoi peuvent-ils s'attendre si le niveau de change reste stable voire empire ?

Au plan européen, la France et l’Italie bénéficieront le plus de la dépréciation de l’euro car leurs produits, moyens en gamme pour la plupart, sont plus sensibles à l’effet de change que les produits allemands. Concernant la direction future de l’eurodollar, on pourrait rejoindre l’idée de Manuel Valls selon qui "tout ce qui permet d’être compétitif ira dans le bon sens"... même au détriment de certains secteurs.

Si l'euro était jusque-là "surcoté" dans le marché des changes, sommes-nous maintenant dans une période durable d'euro "faible" qui ne ferait en fait que s'ajuster à un niveau plus conforme à la réalité ? 

Mario Draghi a marqué sa détermination à soutenir l’économie européenne à Jackson Hole. En d’autres termes, la BCE va poursuivre sa politique accommodante pour lisser les effets récessifs des politiques d’austérité. Dans cet environnement, la banque américaine Goldman Sachs prévoit une baisse de l’euro face au dollar au cours des années à venir et prévoit une parité de 1 euro pour 1 dollar. Les banques centrales européenne et américaine devraient ainsi suivre deux politiques monétaires opposées au cours des mois et années à venir. 

Comment cela peut-il impacter dans la durée l'économie française ?

Un euro cotant dans une fourchette de 1,10 à 1,20 dollar devrait apporter 0,5% de croissance de plus. Une baisse de l’euro ne devrait pas se répercuter sur les prix de l’exportation, déjà pincés, mais plutôt sur les marges des entreprises françaises. Plus de marge signifie plus d’investissements et plus d’emplois, un enchaînement vertueux pour la croissance. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !