PMA, GPA, réforme des rythmes scolaires : la persistante tendance de la présidence Hollande à faire passer les envies des adultes avant les intérêts des enfants<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande ne fait pas passer l'intérêt des enfants avant celui des parents.
François Hollande ne fait pas passer l'intérêt des enfants avant celui des parents.
©Reuters

Moi d'abord

Fin juin, la CEDH avait rendu un arrêt retentissant concernant la GPA : elle avait estimé que la France pouvait interdire cette technique sur son territoire, mais qu'elle ne pouvait refuser de reconnaître les enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger. Ce mardi 23 septembre, la Cour de cassation a estimé que le recours à la PMA à l’étranger, par insémination artificielle avec donneur anonyme, "ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu".

Caroline Yadan Pesah

Caroline Yadan Pesah

Caroline Yadan Pesah est avocat au Barreau de Paris et  ancienne chargée d’enseignement à l’Université de Paris III (Sorbonne-Nouvelle). Elle est actuellement formatrice à l'Ecole de Formation des Barreaux.

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Michel Maffesoli

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli est membre de l’Institut universitaire de France, Professeur Émérite à la Sorbonne. Il a  publié en janvier 2023 deux livres intitulés "Le temps des peurs" et "Logique de l'assentiment" (Editions du Cerf). Il est également l'auteur de livres encore "Écosophie" (Ed du Cerf, 2017), "Êtres postmoderne" ( Ed du Cerf 2018), "La nostalgie du sacré" ( Ed du Cerf, 2020).

 

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Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Mardi 23 septembre, la Cour de cassation a estimé que la conjointe d'une mère biologique d'un enfant conçu par procréation médicalement assistée à l'étranger pourra l'adopter, écartant ainsi la notion de "fraude à la loi". Néanmoins, la PMA reste réservée aux couples hétérosexuels mariés souffrant de stérilité. Dans quelle mesure peut-on considérer que les adultes se servent de la notion d'intérêt de l'enfant, misant sur le fait que celle-ci prévaudra sur la fraude à loi, afin de satisfaire leur propre désir d'enfant ?

Michel Maffesoli : La décision de la Cour de Cassation montre bien l’évolution de notre droit, ou comment le droit suit les moeurs et ne les détermine pas.
L’introduction de la contraception puis des possibilités infinies de procréation médicalement assistée a définitivement mis fin au déterminisme ancestral selon lequel, pour une femme, coucher avec un homme impliquait un risque non maîtrisé de “tomber enceinte”. Avoir ou non un enfant relève maintenant d’un choix. Pour le meilleur et pour le pire, car il n’est pas sûr que cet “affranchissement des lois naturelles” ne conduise pas à d’autres difficultés et notamment celles tenant à la volatilité du désir humain, même en matière d’enfant. En tout cas, faire reposer ce choix sur un individu (ou un couple), en dehors de règles communes à la société ou à la communauté pourra conduire à certaines dérives. Il n’en reste pas moins qu’il me semble que la Cour de Cassation a jugé de manière pragmatique que l’enfant du membre d’un couple devait pouvoir voir reconnaître ses liens avec les deux membres du couple.
Elle a jugé en quelque sorte ex post, en situation et n’a pas souhaité faire de cette décision un moyen de “punir” les parents, estimant qu’il fallait d’abord rechercher la solution la plus stable pour l’enfant. Mais on voit bien comment à terme notre paysage juridique et institutionnel devient complexe. Des communautés d’appartenance se dessinent, qui se séparent et s’affrontent à propos des liens les plus intimes et de leur reconnaissance par la société. Pour ma part, je pense qu’il ne devrait plus y avoir de mariage “d’Etat”, et que la filiation devrait être par définition “adoptive” dans tous les cas.

Pierre Duriot : L'intérêt de l'enfant est un prétexte fallacieux dans la mesure où on sait qu'on va l'invoquer avant même que l'enfant soit né. Cette affaire est plus compliquée qu'il n'y paraît puisque la France se retrouve à la remorque des pratiques internationales et l'on voit que le phénomène de mondialisation ne concerne pas que les produits et services. Comme des pays autorisent la procréation assistée et que la France n'interdit pas explicitement d'aller s'y faire féconder, elle se retrouve avec la quasi-obligation de régulariser des situations ubuesques dont elle hérite tant les parents postulants ont un désir irrépressible de maternité. C'est bien leur désir qui prévaut en l'occurrence. Mais l'affaire se corse encore quand on sait que ces fécondations à l'étranger coûtent très cher et donc qu'une partie infime des couples homosexuels en désir d'enfant peut se permettre de l'envisager. Ils se rendent donc dans des pays, comme les USA, où le niveau des prestations médicales permet l'opération de manière sécurisée. Dans un pays également où les questions éthiques dont on discute de manière interminable en France, sont vite effacées par des lobbies médicaux qui ont les moyens de faire accepter ces avancées biotechnologiques. La combinaison mettant en jeu une science accessible ailleurs, des moyens financiers et une forme d'hypocrisie locale, permet à des couples suffisamment argentés de forcer la main du législateur en invoquant l'intérêt supérieur d'un enfant qui n'aurait pas dû ou pas pu naître sans cela.

Caroline Yadan Pesah : La question est délicate. C’est celle à laquelle doivent systématiquement répondre les tribunaux saisis de ce type de contentieux. L’intérêt des parents s’arrête-t-il où commence l’intérêt de l’enfant ? Les deux intérêts peuvent-ils se rejoindre ? Sont-ils exclusifs l’un de l’autre ? La Cour de cassation a considéré, dans l’avis auquel vous faites référence et, qui n’est pas contraignant, que "le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère, de l'enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant", La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, qui n’a pas oublié de faire référence à l’intérêt de l’enfant, a écarté notamment la notion de "fraude à la loi", invoquée par certains tribunaux (en l’espèce de Versailles), pour rejeter l'adoption par des couples de même sexe d'un enfant né à l'étranger sous PMA, même si la plupart autorisent la procédure, alors que théoriquement, cette pratique n'est autorisée en France qu'aux couples hétérosexuels notablement infertiles. 

Les textes du Code de la Santé Publique restent inchangés et exigent toujours une raison médicale et non de convenance personnelle. Il fallait selon moi une intervention de la Cour de Cassation pour clarifier le débat, et aider les tribunaux à prendre des décisions communes. On ne pouvait plus continuer dans l’incertitude juridique dans laquelle on se trouvait depuis la promulgation de la loi Mariage pour tous le 17 mai 2013. En effet, en permettant aux couples de personnes de même sexe de se marier, la loi leur ouvre donc nécessairement l’accès à l’adoption. A cet égard, le législateur a souhaité une égalité de traitement de tous les époux, qu’ils soient homosexuels ou non, traduite dans le nouvel article 6-1 du Code Civil : "Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations (…) que les époux soient de sexe différent ou de même sexe".

Dans  l’esprit de la loi, le mariage ouvert aux couples homosexuels devait permettre l’adoption, de manière aussi simple et égalitaire, que pour les couples hétérosexuels. Or, si les époux du même sexe n’accèdent pas à l’adoption pour une raison ou pour une autre, ils ne sont, en l’état du droit actuel, pas admis non plus à recourir à une assistance médicale à la procréation ou à une gestation pour autrui en France. Il devait s’agir d’une simple formalité. Tel n’a pas été le cas, même si, en quelques mois, le débat judiciaire a énormément progressé, d’abord avec la décision de la CEDH du 26 juin 2014, et maintenant avec cet avis de la Cour de Cassation.

Dans la même logique la décision de la CEDH qui a condamné la France au mois de juin 2014 pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l’étranger devrait permettre de donner une existence juridique à des enfants jusqu'alors dans le flou, ce qui bénéficiera aux enfants. Que penser de l'attitude de ces parents ayant eu recours à une GPA à l'étranger, en toute connaissance de la loi française, c'est-à-dire sachant pertinemment dans quelle situation ils placeraient leur futur enfant ?

Michel Maffesoli : “Que celui qui n’a jamais péché, lui jette la première pierre”, disait le Christ à propos de la femme adultère. Il est difficile en effet de porter un jugement sur les comportements de personnes emportées par leurs émotions et persuadées que le désir et l’amour qu’ils ont pour leur enfant pallie toutes les difficultés. Mais encore une fois, nous sommes dans un monde divers, pluriel, dans lequel les liens affectifs sont pour large part instables, changeants. On peut regretter l’époque du mariage indissoluble et penser qu’il y avait une plus grande liberté à l’adultère et aux relations transgressives adossées au mariage conventionnel. Mais il me semble que la CEDH a jugé de manière pragmatique, elle aussi : ex post et pour l’enfant, sans tenir compte de l’histoire de sa conception.

Pierre Duriot : On est dans le même cas de figure, quand l'intérêt de l'enfant précède l'enfant en question. On rejoint les effets de la mondialisation bien connus. De la même manière que l'on a la tentation de réduire les salaires ici pour les aligner sur des pays à moindre coût, on se retrouve obligé de valider en France des pratiques qui existent à l'étranger, sous peine effectivement d'installer des couples et des enfants dans la non reconnaissance, la clandestinité et la soustraction à des mesures de la politique familiale de leur propre pays. Est-ce à dire pour autant qu'il faille s'aligner systématiquement sur le pays le moins éthique, ou le plus empathique, c'est selon ? Comme pour beaucoup de sujets, la réponse se situe à l'international, mais ce sera dur, tant on ne peut pas abolir les frontières et prétendre imposer des restrictions dans certains domaines. L'histoire montre toujours que c'est la loi qui s'adapte aux progrès techniques et pas le contraire. Les postulants à la GPA savent pertinemment que l'invocation de l'intérêt supérieur d'un enfant archi-sacralisé dans nos sociétés modernes est parfaitement de nature à forcer la main de la loi. Mais ne nous trompons pas, le désir des parents, "l'objectectalisation" de l'enfant, son ravalement à une possession matérielle, la toute puissance parentale et l'argent, conduisent la prise de décision. En résumé, quand biologiquement on ne peut pas avoir d'enfant, on a l'enfant qu'on peut se payer. Mais gare, quand le "produit" ne correspond pas au fantasme, le drame guette...

Caroline Yadan Pesah : Il ne me semble pas anormal que les couples, après s’être mariés, programment une naissance dans le cadre d’un projet parental. La Cour Européenne vient de leur donner raison. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il existe une hypocrisie certaine dans la loi du Mariage pour tous qui consiste à honnir toute assistance médicale à la procréation en dehors du cadre légal, tout en favorisant l’adoption de l’enfant ainsi né. En voulant éviter la polémique, on a favorisé les difficultés. Celles-ci auxquelles sont aujourd’hui confrontés de nombreux couples homosexuels mariés et qui ont un projet d’adoption, viennent de là : en tant que couple marié ils sont en droit d’adopter, mais si l’enfant qu’il souhaite adopter a été conçu à l’étranger selon un mode de procréation reconnu illicite en France, leur demande risque sérieusement d’être refusée par les tribunaux. Ce qui peut constituer un véritable choc pour un couple qui n’a pas réalisé, en déposant une demande d’adoption, que les conditions de la conception de l’enfant seraient examinées.

La jurisprudence de la Cour Européenne constitue donc une avancée juridique considérable pour ces couples dans leur désir d’enfant, et pour ces enfants, qui dorénavant, disposeront d’un statut non contestable en France. Le pari était risqué pour les parents (qui étaient en l’espèce hétérosexuels) mais aussi pour les enfants. Il a été gagné.

Alors que les droits de garde, de pension, et autres cadres juridiques relatifs aux enfants sont déjà lourds, les discussions autour des statuts familiaux semblent rajouter de la complexité juridique là où il y en a déjà suffisamment. Légiférer autour du statut des beaux-parents est-il un acte nécessaire ? Le statut du beau parent n'a-t-il pas davantage vocation à sécuriser le rôle de l'adulte ?

Michel Maffesoli : Vous avez raison : l’inflation juridique et la volonté de l’Etat de réglementer tous les aspects de la vie des citoyens est un vrai problème. Il traduit d’une certaine manière la faillite des formes anciennes d’encadrement du lien social : la généralisation des divorces et des séparations, le recours incessant au juge pour trancher des conflits personnels et passionnels en un certain sens étrangers au droit décrivent une société qui a perdu ses repères. Ce n’est sans doute pas l’abondance de textes nouveaux qui les lui fera retrouver. Les grands récits, dont celui de la famille occidentale ne fonctionnent plus très bien. Il me semble que tous ces problèmes, celui de l’exercice de l’autorité (celle qui fait croître l’enfant et non pas celle qui l’écrase), celui des difficultés de la vie amoureuse en longue durée, la recherche du bon rapport entre enfants et adultes, bref tous ces problèmes ne peuvent trouver de solution que particulière. Non pas à l’intérieur du petit couple parental, mais à l’intérieur de la communauté de vie des enfants et des adultes qui les entourent. Dès lors les solutions ne sont pas juridiques, mais consensuelles. Peut-être la seule intervention du juge serait-elle d’obliger jusqu’à plus soif les parents et beaux parents à élaborer un cadre de vie et d’exercice de l’autorité adéquat à chaque situation.

Pierre Duriot : Oui, légiférer autour du statut de beaux-parents était nécessaire tant la société contient de familles recomposées et des gens sincères qui prennent en charge avec honnêteté leurs rôles de pères et de mères avec des enfants qui ne sont pas les leurs. Ces gens doivent pouvoir obtenir un statut juridique qui leur permet d'exercer leurs rôles dans les meilleurs conditions possibles. Ce statut, s'il sécurise le rôle de l'adulte, sécurise aussi l'enfant dans la mesure où le petit est affilié symboliquement à un adulte habilité à exercer la parentalité avec la reconnaissance maximale, celle de l’État et de la loi. C'est une mesure légale, qui pour le compte, correspond à la réalité et ne sélectionne pas par l'argent. Elle risque de compliquer la tâche des notaires lors des héritages, mais cela est une autre histoire.

Caroline Yadan Pesah :  La loi privilégie la coparentalité c'est-à-dire, en cas de séparation des parents, l'autorité parentale conjointe et ce, même si l'enfant ne voit que très peu souvent son autre parent. En France, le beau parent n'a en principe aucun droit ni aucun devoir envers l'enfant de son conjoint ou de la personne avec laquelle il vit. En théorie, le beau parent ne dispose d’aucune autorité officielle sur l’enfant de son conjoint et n’est pas en mesure de prendre quelque décision que ce soit, même en cas d’urgence.

Toutefois, deux dispositions du code civil lui permettent l'une d'exercer, totalement ou partiellement, l'autorité parentale sur cet enfant (la délégation volontaire) et l'autre de partager l'exercice de l'autorité parentale avec l'un des deux parents, voire avec les deux (la délégation-partage). Avec la délégation volontaire de l'autorité parentale et la délégation-partage, la France possède déjà ainsi les instruments permettant effectivement au beau-parent de participer à l'éducation des enfants de son conjoint.

Cela étant, sans même passer par ces délégations qui nécessitent l'intervention d'un juge, qui peuvent donc être un peu lourdes à mettre en place, le beau parent a concrètement la possibilité d'effectuer les actes usuels de vie courante concernant l'enfant de son conjoint qui lui confie : l'accompagner à l'école, chez le médecin, à la réunion parent prof etc .. Le code civil lui reconnaît également le droit de maintenir des relations personnelles avec l'enfant en cas de séparation avec le père ou la mère de ce dernier si c'est dans l'intérêt de l'enfant. Le beau parent ne peut, en revanche, sans autorisation, signer un livret scolaire, chercher l'enfant à l'école, autoriser une sortie scolaire, une photo de classe, un acte médical,  etc ...

Selon les discussions que vous évoquez, moyennant l'accord des deux parents, les beaux-parents pourront se prévaloir d'un mandat d'éducation quotidienne. En clair, un document - à rédiger soi-même à la maison ou devant notaire - certifiera leurs droits à s'occuper de l'enfant dans la vie courante. Ce mandat pourra être révoqué à tout moment par le parent et prendra fin notamment en cas de rupture de la vie commune ou de décès du parent. L'idée n'est sans doute pas de remplacer le parent qui ne voit l'enfant que ponctuellement par le beau parent, mais de favoriser la gestion quotidienne de cet enfant. Mais vous avez raison. La mesure reste surtout symbolique en reconnaissant pour la première fois officiellement le rôle du beau-parent. Ce statut le sécurise effectivement tout en sécurisant l'enfant. Il s'agit donc d'une double sécurisation. Les situations des beaux-parents peuvent être très différentes d’une famille à l’autre.

Pour ce qui est de la réforme des rythmes scolaires, dans quelle mesure peut-on considérer que cette dernière a réellement été entreprise dans l'intérêt des enfants ? N'aurait-il pas mieux valu dans ce cas, faire cours le samedi plutôt que le mercredi ?

Michel Maffesoli : Là encore, cette réforme est paradigmatique de l’erreur qu’il y a de croire qu’il y a de bonnes et de mauvaises solutions pour organiser la vie quotidienne des personnes. Je ne sais pas si les enfants en général se trouveront mieux d’aller le mercredi ou le samedi à l’école. La question essentielle est d’ailleurs plutôt qu’ils aient envie et plaisir à aller à l’école, qu’on sache leur transmettre la libido sciendi, que les adultes enseignants en particulier pratiquent une véritable initiation et ne les gavent pas d’un savoir modélisé. En ce sens d’ailleurs, je trouve inepte la distinction entre activités scolaires et activités dites pédagogiques ou éducatives. Je distinguerais pour ma part entre les activités encadrées par des adultes et celles laissées à la libre initiative du groupe d’enfants. Ce temps là me semble sérieusement compromis par la volonté des adultes de faire des enfants des petits singes savants !
Mais plus grave encore, cette réforme traduit l’incapacité de nos gouvernants de se situer dans un schéma postmoderne, dans lequel la diversité des pratiques, des organisations familiales et sociales est réelle. Vouloir comme au temps de Jules Ferry décider ce qui est bon pour tous les enfants français et ce qu’ils doivent faire à chaque heure traduit une conception étatiste  dépassée. Cette volonté de pouvoir universel et impuissant en même temps à réguler les vrais problèmes posés par la coexistence d’une telle pluralité de comportements, de convictions, d’aspirations ne pourra que renforcer les affrontements.
Les questions de filiation, de mariage ne sont qu’une des occasions de tels affrontements qui me semblent devoir se développer à l’avenir, sauf à inventer ensemble des manières de vivre cette coexistence de communautés diversifiées. Ce que j’appelle le “néotribalisme” ou le retour de l’idéal communautaire.

Pierre Duriot : On est dans une autre cas de figure où l'intérêt de l'enfant n'est que l'intérêt de certains enfants. Ceux qui ont un environnement porteur, des parents qui les éveillent à un tas d'activités culturelles et sportives et qui les couchent à une heure raisonnable. En pratique, pour une majorité d'enfants qui se couchent trop tard, la fatigue reste la fatigue, elle est même amplifiée par un lever tôt un matin de plus. Pour les parents qui travaillent, la sortie à 15 heures se traduit pour l'enfant par des heures interminables passées à l'école avec des activités pas toujours bien intéressantes. Son intérêt est donc secondaire. On se souvient que les samedis matins anciens étaient souvent marqués par l'absentéisme des enfants que les parents avaient les moyens d'emmener en week-end, ou qui ne se levaient pas pour l'école alors qu'ils étaient eux-mêmes en week-end. En fait, il n'y a pas de solution idéale pour tout le monde. Peut-être faudrait-il, à l'intérieur de garde-fous concernant les volumes horaires d'enseignement et de vacances, laisser des solutions émerger localement à la suite de d'accords entre parents, mairies et enseignants et n'imposer que quand l'accord est impossible à trouver. Et encore se heurte-t-on à la question des salaires car historiquement, le salaire des enseignants du premier degré est celui de dix mois étalé sur douze, ce que ne manquent pas de rappeler les représentants lors de négociations sur le temps de travail et les salaires.

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