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63% des Français pensent que le travail au noir est plus pratiqué qu'avant.
63% des Français pensent que le travail au noir est plus pratiqué qu'avant.
©Commons.wikimedia.org

Noir, c'est noir

SONDAGE EXCLUSIF - 63% des Français pensent que le travail au noir est plus pratiqué qu'avant, mais seuls 10% d'entre eux avouent s'y adonner. Dans un rapport publié le mercredi 17 septembre, la Cour des comptes dénonce l'explosion du travail au noir, une fraude qui se chiffrerait à plus de 20 milliards d'euros.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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L’évolution du recours au travail au noir dans son entourage

Question : Avez-vous le sentiment qu’autour de vous le travail au noir est… ?

Jérôme Fourquet : C’est la première étude d’opinion sur une tentative d’ébauche de l’estimation de l’ampleur du phénomène. Par définition comme c’est un peu frauduleux et illicite, on s’est attendu à une certaine stratégie de dissimulation de la part des interviewés, ce qu’on a essayé de limiter autant que faire ce peut en réalisant l’enquête online, et non pas au téléphone ni en face à face. Nous avons interrogé 2000 personnes pour avoir des bases solides. On a également construit le questionnaire en parlant d’abord de l’estimation du ressenti autour de soi avant d’entrer progressivement dans le vif du sujet. On arrive donc à une estimation qui permet déjà d’avoir quelques points de repère sur la réalité de ce phénomène et éventuellement sa dynamique à l’heure du ras le bol fiscal est de plus en plus palpable avec un mouvement de rejet vis-à-vis de l’impôt. Les recettes fiscales attendues par Bercy ne sont pas au niveau, ce qui montre qu’il y a bien de l’évaporation fiscale. Un récent rapport de la Cour des comptes montrait sur la base d’estimations que la fraude sociale était aujourd’hui en plein développement et représentait des volumes très importants.


Premier enseignement de l’étude, quand on interroge les Français sur leur sentiment, 63% d’entre eux disent que le travail au noir est de plus en plus répandu autour d’eux. Ce ressenti correspond bien à la fois aux observations de Bercy et de la Cour des comptes d’une pratique en développement qui s’expliquerait aussi par un contexte particulier : tension sur le pouvoir d’achat, très forte hausse ressentie de la fiscalité, une activité économique en berne, tous ces éléments sont propices aux pratiques de travail illicite (détournement de l’impôt, volonté de vouloir arrondir ses fins de mois, etc.). 37% pensent que le travail au noir a nettement plus augmenté ces dernières années, un tiers ni plus ni moins, et seulement 4% pensent qu’il y en a moins.


Dans les détails, toutes les catégories de la population partagent ce jugement qu’il s’agisse des générations différentes ou des milieux socioprofessionnels : 68% chez les cadres, 60% chez les professions intermédiaires et 61% pour les milieux populaires. Des signes très négatifs sur notre société et son économie, une pression fiscale de plus en plus insupportable, et des Français qui disent que de manière plus ou moins organisée et régulière que des proches s’adonnent au travail au noir. 46% des artisans commerçants pensent qu’il est nettement plus pratiqué qu’il y a quelques années.

L’évolution du recours personnel au travail au noir

Question : Et vous personnellement, avez-vous recours au travail au noir ?


Quand il s’agit de les interroger sur leurs propres pratiques, ils sont moins loquasses et les réponses sont toutes autres. 8% déclarent recourir plus souvent que par le passé au travail au noir, 18% ni plus ni moins souvent et 9% moins souvent. 65% disent ne jamais y recourir.Que ce soit plus ou moins ou ni plus ni moins, en tout cas ça veut dire qu’on y a recours, ce qui concerne un français sur trois donc. Autre élément notable, on a des écarts très marqués entre les plus jeunes et leurs aînés. 69% des ainés disent ne jamais en avoir recours, en raison surement d’une capacité moins grande à avouer ce type de pratiques, et chez les moins de 35 ans on est que à 56%. 14% plus souvent que par le passé contre 6% seulement des plus de 35 ans. En termes de tendance pour l’avenir il faut regarder ce qu’il se passe pour les jeunes générations. Pour eux il s’agit souvent de babysitting ou de cours de soutien scolaire, mais cela concerne aussi les catégories qui ont du mal à s’insérer dans l’emploi, qui ont les revenus les plus modestes qui peuvent être les plus tentées de recourir à ce type de pratiques.

Sur le détail d’y avoir recours en tant que consommateur ou salarié, 13% disent y avoir recours assez régulièrement ou de temps en temps sur une partie des travaux de bâtiment qui serait payé au black. On a fait régulièrement/ de temps en temps, versus rarement/ jamais, mais on aurait pu aussi sur ce type d’échelle qui vise à essayer d’évaluer des comportements illégaux, considérer que ce soit les trois premières modalités qui faillent opposer à la dernière : l’avez-vous déjà fait ou pas ? Si on fait assez régulièrement, de temps en temps, ou rarement, on retombe sur un tiers des personnes interrogées. La proportion à retenir c’est 10% et 13% de régulièrement ou de temps en temps, et 20% un peu moins. Sur le babysitting on est à peu près sur le même noyau : 11% régulièrement, de temps en temps, et 9% rarement parce que ça ne concerne pas tout le monde. Autre profession concernée, la réparation automobile : 10% régulièrement, de temps en temps auxquels on peut ajouter les 12% de rarement, et ensuite on tombe à moins de 10% sur des pratiques plus ponctuelles (récoltes, restauration).

L’expérience de diverses situations de travail au noir

Question : Vous est-il déjà arrivé assez régulièrement, de temps en temps, rarement ou jamais ?



On a statistiquement 9% des gens qui répondent assez régulièrement à au moins une fois une des situations. Sur deux ou trois fois, on tombe sur des scores beaucoup plus faibles (1 à 3%). Donc sur la diversité des types de fraudes on a peu près 10% déclarés. Si on élargit la focale en disant au moins une fois assez régulièrement, ou une fois de temps en temps, on arrive à 27%. On a donc 10% qui s’y adonnent assez régulièrement et un quart à un tiers régulièrement ou occasionnellement. La encore il y a des différences majeures selon les générations : 16% chez les plus jeunes, contre 6% pour les 35 ans et plus, et 39% à 22% sur les plus jeunes. On remarque que ce type de comportements pourrait donc se généraliser. Par exemple pour  réaliser chez quelqu’un des travaux (plomberie, électricité, maçonnerie) on est à 15% chez les moins de 35 ans, contre 7 sur les 35 ans et plus. Chez les garagistes, c’est 15 contre 8, les heures de ménages on est à 25 contre 7.


Selon que l’on soit un homme ou une femme les activités diffèrent, plutôt les activités de ménages ou de babysitting pour les femmes et de travaux ou bricolage pour les hommes. Globalement on a entre un quart et un tiers de la population qui s’y adonne de temps en temps, et 10% de la population qui déclare y recourir assez régulièrement. Cela peut être le signal d’une certaine paupérisation de la société, avec à la fois un consentement de moins en moins fort à l’impôt, et un parallèle une économie grise, notamment dans les plus jeunes générations. 

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