Dérèglement climatique, la facture : ce qu’il nous coûte d'ores et déjà<!-- --> | Atlantico.fr
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Les ours polaires sont une espèce menacée par le dérèglement climatique.
Les ours polaires sont une espèce menacée par le dérèglement climatique.
©Reuters

Passage en caisse

5500 milliards de dollars, c'est le coût de l'inaction de la planète vis-à-vis du dérèglement climatique, estimé par Nicholas Stern en 2006. Depuis son alerte, rien n'a changé, les gouvernements cultivent leur immobilisme. La perspective des générations futures risque d'être plus noire que verte.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : Dans un long article de 2013 Nicholas Stern a mis une nouvelle fois en garde les gouvernements sur la nécessité de corréler la croissance et le changement climatique, bien souvent mis en opposition par les décideurs, pour éviter des risques d'effondrement. Les taux de croissance sont-ils déjà affectés par le dérèglement climatique ? Par quel biais ?

Christian Gollier : Les taux de croissance affectés sont relativement marginaux. La productivité du capital et du travail n'ont plus une croissance aussi importante que celle que nous avons connue lors des trente glorieuses. Le climat est peu responsable de cette situation.

Si nous venions à atteindre des augmentations de températures de 3 à 5 degrés, la productivité du travail serait atteinte et la productivité agricole serait réduite, ce scénario aurait des conséquences très importantes sur la croissance et le bien-être. Si nous considérons l'augmentation du niveau des mers qui aurait des impacts sur les zones à forte densité de population, la destruction du capital immobilier serait conséquente. L'augmentation du climat pourrait avoir une répercussion sur le niveau de santé des travailleurs qui se traduira par une incapacité à créer de la valeur.

En 2006, Nicholas Stern avait estimé le coût de l'inaction à 5500 milliards de dollars dans les années à venir ? Qu'en est-il aujourd'hui ? Quel tribut l'économie mondiale a-t-elle payé au dérèglement climatique ?

Nous sommes toujours dans une incertitude extrêmement considérable sur l'évaluation de l'impact monétaire et environnemental lié à l'augmentation de la température de la terre. Le rapport Stern en 2006 a donné un intervalle de confiance raisonnable des dommages à l'horizon 2200 entre 2% et 35% du PIB mondiale, ce qui représente une fourchette très large. Aujourd'hui, nous sommes encore dans un flou important concernant les conséquences. Si nous parvenons à maintenir le non-dépassement de 2 degrés, l'impact à long terme se mesurera entre 2% et 4% du PIB mondiale, c'est assez marginal. L'inquiétude serait si nous n'arrivions pas à maintenir cette augmentation à 2 degrés et que celle-ci grimpe à 4, 5 ou 6 degrés, nous serons dans un monde complètement différent. Dans ce cas, les dommages pourraient atteindre plusieurs dizaines de pourcentage du PIB mondial.

Aujourd'hui, il y a quelques constats. Nous avons eu des phénomènes de sécheresse, une augmentation de la séquence des cyclones même si ces dernières temps nous avons eu moins de cyclones que ce que nous aurions pu craindre. L'impact du changement climatique est encore marginal. Néanmoins, il ne faut pas partir du constat que ce n'est pas grave et se contenter de  l'inaction, ce qui arrive est extrêmement dramatique. Il y a des seuils et lorsqu'ils seront dépassés, il y aura des augmentations importantes des dommages.  

Quels secteurs sont les plus touchés ?

Les secteurs les plus touchés seront évidemment l'agriculture ainsi que tous ceux liés à la biodiversité. Ce ne sont pas des secteurs industriels mais ils sont importants pour notre bien-être et surtout pour les générations futures.

Et quelles zones géographiques ?

Une différence va se creuser d'un point de vue géographique. Même si ce n'est pas évident de détecter quelles seront les zones les plus atteintes, nous savons que ce seront avant tout les endroits très secs, très chauds avec des conséquences terribles. En revanche, dans les zones tempérées, les impacts seront moins graves. Certaines parties du globe vont y voir des avantages comme celles proches du cercle polaire où l'agriculture va pouvoir se développer et les populations s'y installer. Néanmoins, il faudra plusieurs siècles avant qu'elles se transforment et qu'elles soient profitables.  

Les gouvernements ont-ils pris la mesure des pressions que le climat exerce sur leurs économies ? Cela explique-t-il leur relative inaction ? Le levier du coût économique serait-il le seul capable de pousser à l'action ?

Les gouvernements sont conscients de ce constat mais ils ne sont pas incités à agir car ils préfèrent que ce soit le pays voisin qui fasse le premier pas. Il y a ce qu'on appelle en économie un problème de "passager clandestin". En d'autres termes, lorsqu'il y a un bien collectif comme le climat, ceux qui paient pour faire des efforts ne sont pas ceux qui bénéficient de ces efforts, chacun a intérêt que l'autre le fasse en premier. De ce fait, plus personne ne fait d'efforts.  Un autre point n'est pas à négliger, les gouvernements sont élus par la génération actuelle et pas celle du futur qui ne sont pas encore des électeurs. Ce sont les principales raisons de leur inaction.

Pour que nous réussissions à affronter ce challenge extraordinaire, il faut absolument coordonner l'ensemble des actions à travers la terre au niveau des industries, des entreprises, des consommateurs, des pouvoirs publics pour faire en sorte que tous les efforts soient vraiment porteurs de réduction. Pour cela, nous avons besoin d'un système de bâtons et de carottes. Il faut un système de taxes ou de permis d'émission qui fasse que chacun paie pour les dommages qu'il fait porter aux autres.   

La remise en cause des modèles de calcul d'impact sur la croissance qui ne prendraient pas en compte certains facteurs est considérée comme nuisible. Nicolas Stern déclare qu'il faut mettre en place d'autres modèles. Qu'en est-il aujourd'hui ? Allons-nous vers cette voie ?

Aujourd'hui, les modèles sont très imparfaits, ils ne prennent pas en compte l'ensemble de la problématique. Il y a également de nombreuses incertitudes sur les phénomènes climatiques auxquels nous sommes confrontés. Par conséquent, il est complexe dans ces modèles de prendre en comptes tous ces doutes.  Effectivement, ces modèles ne sont qu'une représentation approximative de la réalité du problème. Il faut reconnaître qu'ils ne sont pas optimaux et la question qui se pose est comment intégrer ces éléments dans ces modes de calculs. 

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