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Sarkozy, président 
d'un régime libéral autoritaire
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Inventaire après la rupture

Auteur du livre "Inventaire après rupture : Comment Sarkozy a changé la France", Francis Brochet analyse la curieuse ambivalence qui pousse le Président à paraître laxiste en matière de mœurs et intraitable en matière de sécurité. Extraits (1/2).

Francis Brochet

Francis Brochet

Francis Brochet a publié en 2015 le prémonitoire Et François Hollande enterra le socialisme (L'Archipel) et, plus récemment, Démocratie smartphone : le populisme numérique de Trump à Macron (François Bourin). Il est journaliste au bureau parisien du groupe de presse régionale Ebra (Le Progrès de Lyon, L'Est républicain, Les Dernières Nouvelles d'Alsace, etc.).

 

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Nous réclamons plus de sécurité, et de liberté. Et l’une, et l’autre. Il n’est plus temps de les opposer, comme dans la vieille bataille droite-gauche, mais de constater que sécurité et liberté peuvent être mariées, pour le meilleur et pour le pire. Curieuse ambivalence, souligne Antoine Garapon : nos sociétés «se montrent à la fois laxistes en matière de mœurs, mais sujettes à des phénomènes de paniques morales. En même temps qu’elles dépénalisent un grand nombre de comportements interdits (songeons à l’homosexualité), elles adoptent le principe de tolérance zéro[1]».

Nicolas Sarkozy s’inscrit parfaitement dans ce schéma. C’est pourquoi il est absurde de le caricaturer en cryptofasciste sécuritaire. Il est vrai que le Président, après le ministre de l’Intérieur, n’a cessé de renforcer l’appareil sécuritaire et de durcir la répression de la délinquance. Mais le même Président a développé les libertés économiques, refusé de censurer des livres ou des œuvres d’art, et interprété dans sa vie personnelle l’évolution libérale des mœurs.

Il est le président d’un régime que nous qualifierons de libéral-autoritaire. Un régime libéral, caractérisé par l’effacement de l’autorité de l’État devant la liberté des individus, par le recul de la notion de bien commun devant le jeu des intérêts particuliers. Et un régime autoritaire, car ces évolutions génèrent en parallèle la nécessité d’une répression rapide et brutale des écarts de conduite. C’est un mouvement dédoublé, aux allures de paradoxe, remarque Michel Foessel : « L’État peut accroître sa puissance en se dépossédant de son autorité, et le marché peut étendre la liberté des individus tout en organisant leur surveillance[2]. »

Nicolas Sarkozy n’affirme pas autre chose quand, au plus fort de la crise économique, il vante à Saint- Quentin le besoin de règles communes pour encadrer la liberté des individus comme des entreprises[3]. «La liberté, c’est de pouvoir prendre le métro sans se faire agresser par des voyous», lance-t-il, annonçant une nouvelle loi sécuritaire contre les bandes. « La liberté, ce n’est pas la dictature du marché », ajoute-t-il, promettant des mesures de régulation économique au sommet du G20 à Londres. Maximum de liberté d’un côté, pour l’épanouissement d’une société libérale et libertaire. Maximum de sécurité de l’autre, pour la tranquillité des individus et le fonctionnement optimal du marché.

Le modèle libéral-autoritaire n’est évidemment pas propre à la France de Nicolas Sarkozy. Il gagne du terrain dans l’ensemble de l’Europe, sous le masque du «Monstre doux » décrit par Raffaele Simone : la progression dans nos pays des valeurs traditionnellement à droite, dont la propriété et la liberté[4]. Le Monstre doux s’est illustré récemment en Suisse où, le même dimanche d’automne 2010, étaient organisés deux référendums. Le premier proposait l’expulsion automatique des criminels étrangers, quelle que soit l’importance de leur crime. Le second voulait taxer davantage les plus riches. Les Suisses ont naturellement dit oui au premier, non au second. Plus de sécurité, plus de liberté.

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Extraits de Inventaire après rupture : Comment Sarkozy a changé la France, Bourin Editeur (8 septembre 2011)



[1] GARAPON Antoine, La Raison du moindre État, Éditions Odile Jacob, 2010.

[2] Cité par GARAPON Antoine, op. cit.

[3] Discours du 24 mars 2009.

[4] SIMONE Raffaele, Le Monstre doux, Gallimard, 2010.

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