Et la seule question qui compte : M. le président avez-vous conscience des raisons profondes qui interdisent tout espoir de reprise d’ici 2017 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande ne semble pas comprendre les raisons qui empêchent la reprise économique.
François Hollande ne semble pas comprendre les raisons qui empêchent la reprise économique.
©Reuters

Etat des lieux

Incapable de comprendre la nature de la crise interne à la zone euro, François Hollande devra se résigner à une absence totale de résultats sur le front économique jusqu’à la fin de son quinquennat. Compétitivité, croissance mondiale, problèmes structurels, indices de conjoncture, faiblesse politique, absence de soutien européen... le Président est nu.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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1 – Le diagnostic

Roland Hureaux : Les échecs à répétition de François Hollande seraient presque pathétiques : voilà des mois qu'il attend une reprise de la conjoncture et elle ne vient pas. Le  malheureux ! Bien au contraire, les prévisions de croissance pour la France sont plus faibles que jamais et le chômage s'envole. Nous entrons, cette fois pour de bon en récession et cela avec des comptes publics catastrophiques. On pourrait penser que l'espoir de reprise que le président, au mépris de toute évidence, a si souvent  affiché depuis plus de deux ans procédait de l'enfumage politique ou bien de la méthode Coué.

La vérité, pensons-nous,  est que le président y croyait vraiment.  Sur quoi se fondait-il ?

Nous ne serons pas sauvés par les cycles économiques

Roland Hureaux : Comme tous ceux qui savent un peu d'histoire économique, Hollande  pouvait croire que s'il y avait  récession, il y aurait un jour redémarrage, ne serait-ce que pour renouveler le matériel d'exploitation de l'industrie : et cet effet a bien joué un peu, mais pas suffisamment.

Nicolas Goetzmann : François Hollande espère le retour cyclique de la croissance depuis le début de son mandat. La croissance serait fonction de la confiance, mais là il vaudrait mieux parler de la "fée confiance". Parce que le problème est que la théorie des cycles ne correspond pas à grand-chose de valable. Les cycles économiques sont dans leur plus grande part fonction de ce qui est réalisé par les autorités monétaires. Une récession, le plus souvent, n’est rien d’autre que le fruit d’une erreur commise par une banque centrale, et rien d’autre. Parce que justement, lorsqu’un choc réel frappe une économie, le rôle d’une banque centrale est d’absorber ce choc. Le meilleur exemple est le krash de 1987, Alan Greenspan est intervenu immédiatement et avec vigueur. Ainsi, ce choc ne s’est jamais transmis à l’économie réelle alors qu’il avait le potentiel pour être de la même ampleur que celui que nous traversons aujourd’hui. Quand une banque centrale est "au niveau", elle peut contrer ces chocs, et c’est précisément ce qu’on leur demande. Ce que ne veut pas comprendre François Hollande, c’est que les pouvoirs dont il dispose ne lui permettent pas d’agir. Il peut s’agiter longtemps, mais il n’obtiendra rien aussi longtemps que la BCE ne procèdera pas à une relance gigantesque en Europe. Et ça, il ne pourra l’obtenir qu’en provoquant un bing bang idéologique au sein de la zone euro. Nous n’en prenons pas vraiment le chemin.

Nous ne serons pas sauvés par la reprise mondiale

Roland Hureaux : De la même veine est la croyance simpliste que s'il y a reprise aux Etats-Unis, cette reprise viendra nécessairement chez nous, comme c'était le cas dans le passé. Pour le coup, on n'a pas vu trace d'un tel entrainement.

Nicolas Goetzmann : Le niveau de dépendance de l’économie française à l’économie mondiale est plutôt faible par rapport à ses partenaires européens. Les exportations allemandes représentent plus de 50% du PIB, contre 28% pour la France. C’est-à-dire que pour que la France puisse bénéficier d’une hausse de 1% de sa croissance par la voie des exportations, il faudrait que celles-ci progressent de 4% sans que les importations ne progressent de leur côté. C’est deux fois moins pour l’Allemagne. La France est une économie dominée par son marché intérieur, un peu comme les Etats Unis. Sa préoccupation principale doit donc être son marché intérieur.

Reste que le contexte mondial n’est pas forcement porteur depuis le début de cette année. Si les Etats Unis, ou le Royaume Uni ont des fortes croissances, les pays émergents ne sont pas au mieux. La Chine accuse un certain ralentissement, la Russie, le Brésil etc. C’est d’ailleurs une source de préoccupation pour les pays qui se tournent exclusivement vers l’extérieur. Ce qui justifie encore l’importance d’avoir un marché intérieur fort, et ainsi ne pas se mettre en situation de dépendance trop forte vis-à-vis de l’extérieur.

Nos marges de manœuvre pour améliorer notre compétitivité sont très restreintes

Roland Hureaux : Depuis la  création de l'euro, la France a laissé se dégrader sa compétitivité par rapport à d'autres pays de la zone, principalement  l'Allemagne. Ce n'est pas nouveau : cette dégradation relative était chronique chez nous depuis 1945. Mais elle était neutralisée, voire surcompensée, régulièrement par des ajustements monétaires que l'euro rend désormais impossibles. Avec des coûts de production trop élevés, la France n'est pas en mesure de profiter d'un redressement éventuel de la conjoncture internationale. Faut-il l'en blâmer ? Pas forcément : d'abord parce que cette inflation par les coûts correspond au tempérament national ; on ne change pas ce tempérament, à force  de volonté, en dix ou même vingt  ans. Ensuite parce que cette dégradation est plutôt moindre que celle de la plupart des pays méditerranéens (Italie, Espagne, Grèce) ou anglo-saxons (Etats-Unis et Royaume-Uni) qui, eux, il est vrai, ne sont pas dans l'euro. Sur le long terme, seule l'Allemagne a fait mieux que la France en matière d'inflation des coûts mais c'est elle qui est notre principal partenaire. Qu'importe alors qu'il y ait reprise de la demande internationale si nos produits sont trop chers.

Nicolas Goetzmann : Ce que le gouvernement appelle « compétitivité » est un symptôme et non une cause. Il suffit de prendre le problème à l’envers pour s’en rendre compte. Je prétends que la crise est de nature monétaire, c’est-à-dire que la cause de la grande récession est la politique trop restrictive de la Banque centrale européenne. Comme l’économiste américain Scott Sumner a pu le faire, il suffit de retourner l’argument. Si la crise était effectivement de nature monétaire, quels seraient les effets d’une telle crise ? Dans la théorie, les effets seraient les suivants : une forte chute de la croissance nominale (qui est la somme de la croissance et de l’inflation) par rapport à sa tendance, une forte hausse du chômage, une explosion des déficits et de la dette, une perte de compétitivité, et pour finir, une situation de déflation. C’est-à-dire une réplique du phénomène des années 30. Et qu’est ce qui s’est produit dans la pratique ? Une chute de 16% de la croissance nominale française par rapport à sa tendance depuis 2008, une explosion du chômage, des déficits, et donc de la dette et maintenant la déflation qui nous tend les bras.

Alors si nous nous contentons de prendre les symptômes un par un en voulant les traiter de façon isolée sans en comprendre la cause, la situation ne pourra pas s’améliorer. Maintenant je suis vraiment impatient d’écouter une théorie contraire, qui permettrait de comprendre comment, depuis juillet 2008, de façon soudaine, la croissance nominale française s’est effondrée de 16 points par rapport à sa tendance, (soit un écart de 330 milliards d’euros pour la seule année 2013) c’est à dire d’expliquer ce qui est représenté dans le graphique suivant par un manque "compétitivité" :

Ceci en sachant que le PIB nominal est sous contrôle de la BCE. La parfaite stabilité qui existait entre 1996 et 2008 n’est pas simplement le fruit du hasard, cela s’appelle mener une politique monétaire. Ensuite, il faudrait parvenir à expliquer comment ce manque de "compétitivité" pourrait expliquer une telle hausse du chômage et une augmentation de la dette de 30 points en 5-6 ans. Encore une fois, la  "compétitivité" est un symptôme et non une cause. La cause est monétaire. Il est véritablement stupéfiant de constater que ce problème n’est même pas "perçu" par le Président.

Les indices ne voient aucune reprise se profiler

Nicolas Goetzmann : Le premier indice est le niveau des taux d’intérêts. Si les marchés anticipaient une reprise de l’activité, les taux seraient à la hausse. Tout simplement parce que les taux sont un condensé des anticipations de croissance et d’inflation. Plus les taux longs sont bas, plus les marchés anticipent une croissance et une inflation faible. Et les taux français sont à leur plus bas historique, ce qui pose un léger problème.

La seule raison qui pourrait faire remonter les taux sans que les anticipations de croissance et d’inflation soient revues à la hausse serait une dégradation de la note de la France, ce qui est susceptible d’arriver ce vendredi par l’agence Moody’s. Il est d’ailleurs incompréhensible que François Hollande choisisse de faire sa conférence de presse la veille d’un tel évènement. Si la note du pays est dégradée, ce qui est tout à fait envisageable, l’ensemble de son discours deviendra immédiatement inaudible.

Cela étant, en raison du soutien apporté par la BCE à l’euro, du « whatever it takes » prononcé par Mario Draghi en 2012, il y a peu de chance pour qu’une hausse des taux "sévère" puisse se produire à la suite d’une dégradation. Le Japon a une dette sur PIB qui reste 2.5 fois supérieure à celle de la France, tout en ayant des taux affichant 0.56% à 10 ans. Et la note attribuée au Japon est inférieure à celle de la France. Aussi longtemps que la BCE jouera au moins cette position défensive, les taux resteront bas.

Les autres indices sont plus actuels. Par exemple les indices PMI (purchase managers index)  qui marquent encore une stabilisation voire une dégradation de l’activité pour le trimestre en cours. Les prédictions des diverses institutions internationales ne permettent pas non plus de présager une amélioration de la situation. Par contre, l’OCDE, le FMI, le G20, tout le monde est d’accord, c’est à la BCE d’agir. Sans elle, sans son soutien, François Hollande aura autant de résultats pour la deuxième partie de son quinquennat que pour la première partie. Le néant absolu.
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2 - Quelles options pour en sortir ?

Roland Hureaux : Ces faits simples et massifs, le président, qui fut pourtant maître de conférences d'économie à Sciences Po, a, par son optimisme béat, semblé les ignorer. ll ne les ignore pas à proprement parler mais il pense, comme tous les dirigeants français de sa génération, qu'on peut les relativiser, qu'avec un petit effort ici ou là, on peut s'en tirer quand même.

Les élites françaises n'ignorent pas l'économie ; elles n'en ont qu'une connaissance molle, littéraire : assez pour faire une dissertation bien balancée au concours de l'ENA, pas assez pour clairement distinguer parmi les lois économiques  celles  qui, en effet, ne sont pas absolues et celles qui sont incontournables : le facteur monétaire est de celles-ci. De même sans doute la loi de Philips, longtemps défendue par les keynésiens, selon laquelle moins d'inflation égale moins de croissance et plus de chômage (toute choses égales par ailleurs bien entendu, ce qu'oublient de dire ses détracteurs libéraux qui la tiennent, à tort pour désuète).

Inexorable aussi, cela est encore davantage ignoré par ceux qui nous gouvernent, est la sociologie nationale qui rendait la dérive relative de couts relatifs au sein de la zone euro aussi inévitable qu'elle est aujourd'hui  irréversible : depuis la création de l'euro nous n'avons pas eu la force de tenir nos coûts au niveau de nos voisins, au moins du principal d'entre eux ; qui peut imaginer que nous aurions celle de rattraper quinze ans de dérive en faisant, au contraire, mieux qu'eux pendant autant d'années ? Trente ans de pénitence comme certains le promettent à  nos compatriotes ? Qui y croit ? Et à supposer qu'en la matière le volontarisme ait  sa place, quelle illusion d'imaginer que dans le même temps, nos concurrents se laisseront gentiment rattraper sans réagir, que si nous avons de la volonté, eux n'en auront pas…

Une fois qu'on a intégré ces contraintes, les options sont en nombre limité. La relance par la demande ? Mais ce serait plus de déficits  publics et extérieurs et, avec  la mondialisation, aucune certitude que c'est l'économie française qui en profiterait. La réduction des charges des entreprises, soit la politique de l'offre, - c'est celle qu'on tente timidement - mais alors par quoi  compenser les ressources budgétaires perdues ? Plus de déficits ? Ce n'est vraiment pas le moment. La surtaxe des  autres contribuables ? C'est ce qu'on fait hélas, et la demande s'en trouve étouffée. Reste à réduire vraiment les charges publiques, c'est ce qu'on fait très peu ; mais si on y arrivait vraiment, là aussi l'effet immédiat serait récessif.

Ne restent que deux voies : soit l'abandon de la zone euro, et une dévaluation, comme on en a toujours fait, mais François Hollande ne l'envisage pas. Soit, seul ersatz de la dévaluation, une introduction massive de la TVA sociale. Il y a 25 ans que nous aurions dû la mettre en place, mais le parti socialiste, pour des raisons idéologiques, fondées elles aussi sur de vieux souvenirs simplistes de la rue Saint-Guillaume (fiscalité directe de gauche, fiscalité indirecte de droite !) a rendu l'idée politiquement incorrecte. Donc Hollande n'a aucune solution. A moins de remettre en cause complètement ses fondamentaux économiques, de redevenir non point jeune maître de conférence mais étudiant, il est durablement dans la nasse et la France avec lui.

Nicolas Goetzmann : Dans un tel contexte, François Hollande a évidemment une tâche difficile, mais ce n’est pas une raison suffisante pour renoncer. Le seul moyen, pour que la France puisse retrouver une croissance forte, c’est-à-dire une croissance correspondant à son potentiel maximal, est de procéder à une modification des statuts de la BCE. Le mandat de la BCE ne peut se contenter de cibler l’inflation, cette méthode de gestion monétaire a échoué partout dans le monde, et nous sommes les seuls à vouloir la conserver en l’état. Deux solutions, soit la BCE cible directement la tendance de la croissance nominale (représentée plus haut dans le graphique) soit elle cible le plein emploi au même titre que l’inflation.

Pour le moment, même si les actions de Mario Draghi sont positives, elles restent tout à fait insuffisantes. Il ne s’agit pas d’y aller pas à pas, puisque le grand problème de ce genre de crise est que le temps perdu joue contre l’économie de la zone. Lorsqu’une personne perd son emploi, plus le temps passe, plus elle perd la possibilité d’être réemployée. Même chose pour l’outil de production.

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