Comment la crise et la croissance nulle ont tué la politique<!-- --> | Atlantico.fr
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La crise a tué la politique traditionnelle.
La crise a tué la politique traditionnelle.
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L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Les professionnels de la politique et les commentateurs de ce spectacle ont beaucoup de mal à l’admettre et à en tirer les leçons. La crise a tué les formes et les expressions traditionnelles de la politique et donc de la démocratie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Jusqu‘aux années 2000, les grandes démocraties politiques ont fonctionné comme des marchés. Les hommes politiques étaient en concurrence, ils se mettaient sur le marché avec une offre capable de séduire les électeurs. Concrètement, ils faisaient des promesses électorales pour recueillir des suffrages, en clair ils achetaient les voix. Du côté syndical, c’était un peu la même chose. Les chefs syndicaux promettaient monts et merveilles aux salariés pour les attirer dans leur syndicat : promesses, projets, avantages divers.

Ce système "du clientélisme" a fonctionné pendant un demi-siècle. Pendant un demi-siècle, les offres politiques, les promesses et les programmes ont été payés par la croissance. Cette croissance économique était telle qu’elle créait assez de richesse pour financer le modèle social, le niveau de vie et le progrès pour le plus grand nombre. Les politiques et les syndicats ont profité de ce système.

A partir des années 1980, lorsque la croissance s’est ralentie, il fallu payer l’énergie à son juste prix, les économistes ont inventé l’inflation et ont tiré sur la dette. Dans des économies fermées, ça marchait. On empruntait pour payer non seulement les investissements mais aussi les dépenses de fonctionnement. L’inflation, c’est-à-dire la planche à billets, mettait de l’huile dans les rapports sociaux et allégeait le fardeau de la dette. En clair, on ruinait les rentiers. Les syndicats de salariés ont adoré cette époque. Ce système a d’autant mieux fonctionné qu’il avait été conceptualisé et  légitimé par Keynes, l’économiste de l’après-guerre. Il fournissait aux hommes politiques pour la plupart sociaux démocrates, du grain à moudre sans déranger les habitudes des uns ou des autres. Il apportait  les moyens de continuer à faire des promesses et des offres généreuses même si on se doutait bien que l’endettement n’allait pas durer éternellement. Les rentiers refuseraient un jour de se faire plumer par l’inflation.

A partir des années 2000, les générations très nombreuses de l’après- guerre sont arrivées à l’âge de la retraite et les économies se sont ouvertes à la concurrence internationale. L’inflation a disparu d’abord parce que la mondialisation la combat quotidiennement, les pays émergents sont les plus puissants des contrepoisons. D’autre part, les rentiers nombreux à voter ont refusé de se faire plumer.

Dans ce contexte-là, les hommes politiques ont fait des promesses qu’ils ne pouvaient plus payer, la dette des Etats étant trop lourde, les électeurs rentiers ou presque étant majoritaire en voies. Les enfants de Keynes sont devenus autistes.

La situation actuelle met les hommes politiques en porte-à-faux. Ils sont obligés d’abandonner leurs vieux réflexes, leurs idéologies, leur habitudes parce que le monde a profondément changé. Il faut donc s’y adapter.

Les hommes politiques et les chefs syndicaux sont condamnés à dire la vérité des faits et des chiffres. Ils ne peuvent plus mentir en espérant qu'un keynésien passera derrière payer les factures. Ce système-là est fini, enterré.

Le parti socialiste est en train de faire cet examen de conscience. La droite va sans doute le faire aussi. Mais le fonctionnement va entrer dans une phase difficile. Quand on a passé des années à raconter des sornettes au client en lui faisant croire que tout était possible, difficile de lui expliquer que cette période assez facile est terminée et qu’il faut fonder le fonctionnement du système sur la réalité de l’économie réelle. Des vrais produits capables d’affronter la concurrence internationale, des vrais services, des vrais droits sociaux gagés sur de vraies richesses. 

Il va falloir mesdames et messieurs les politiques, les syndicalistes et les commentateurs de la chose publique cesser de raconter des histoires. La crise a tué la politique traditionnelle. Et la crise va nous obliger à inventer la politique du vrai et de l’authentique dans laquelle un sou est un sou. La crise peut nous rendre intelligents. Honnêtes.  C’est peut-être ce qui est en train de se passer. Si seulement.

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