Mais qui est Aafia Siddiqui, la scientifique pakistanaise emprisonnée pour laquelle les califoutraques islamiques sont prêts à décapiter otage sur otage ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Aafia Siddiqui
Aafia Siddiqui
©Reuters

Lady Al Qaïda, femme de têtes

Aafia Siddiqui également appelée lady al-Qaïda est une figure du djihadisme depuis qu'elle a attenté à la vie d'officiers américains au Pakistan . Devenue icône depuis son emprisonnement, elle suscite l’intérêt de l'Etat Islamique qui souhaite la compter parmi ses rangs.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

Voir la bio »

Atlantico : Peu avant la mort du journaliste, l'Etat Islamique a proposé d'échanger James Foley contre Aafia Siddiqui, emprisonnée au Texas. Qui est celle que l'on surnomme aussi lady al-Qaïda ?

Alain Rodier : Aafia Siddiqui est pakistanaise aujourd'hui âgée de 42 ans. Issue d'une riche famille de la haute société pakistanaise, elle a effectué des études secondaires puis supérieures aux Etats-Unis où elle a obtenu un diplôme de docteur en neurosciences. Elle a même fréquenté la prestigieuse université MIT. Mariée un première fois lors d'une union arrangée (ce qui est traditionnel au Pakistan), elle a eu trois enfants de cette première union.

Très tôt, elle s'est montrée pieuse, en travaillant bénévolement pour des organisations étudiantes et caritatives musulmanes. C'est par ce biais qu'elle aurait été recrutée par un réseau clandestin d'Al-Qaida présent aux Etats-Unis

Retournée au Pakistan en 2003, son nom n'est apparu sur les listes des Most Wanted du FBI que lorsque Khaled Cheikh Mohammed, le chef opérationnel d'Al-Qaida considéré comme le planificateur des attentats du 11 septembre, a été arrêté. En effet, il a livré son nom lors des nombreuses séances de waterboarding (torture impliquant la simulation d'une noyade ndlr) auquel il a été soumis.

Disparue de la circulation en 2003, on n'a retrouvé sa trace qu'en 2008 à Ghazni en Afghanistan. Là, elle a attiré l'attention de la police afghane lors d'un contrôle de routine (une femme en burqa qui lisait une carte, cela a semblé curieux aux policiers d'un pays où très peu d'entre-elles savent lire en raison des restrictions machistes qui sont en vigueur). Elle a été arrêtée et interrogée en présence de militaires américains et d'un membre du FBI. Elle aurait profité d'un instant d'inattention de ses interrogateurs pour s'emparer d'un fusil d'assaut et tirer sur eux. Elle a alors été blessée. Les Américains l'ont ensuite exfiltré vers les Etats-Unis. 

Elle a été condamnée à une peine de 86 ans de prison en 2010. Quels sont les faits qui lui sont reprochés ?

Lors de son arrestation en 2008, des documents concernant la fabrication d'armes de destruction massive de type chimique et biologique ainsi qu'un flacon de cyanure de sodium ont été trouvés sur elle. Egalement, elle faisait mention de lieux très fréquentés aux Etats-Unis comme la statue de la Liberté.  

Les principaux faits qui lui sont reprochés sont d'avoir tenté d'assassiner les interrogateurs américains en Afghanistan. Lors de son procès, sa santé mentale a été mise en cause. Elle a été expulsée de l'audience pour hystérie à plusieurs reprises.

Elle a été reconnue coupable de tentative de meurtre avec préméditation sur des officiers américains en 2008. Son procès a-t-il été particulièrement médiatisé ? A-t-il soulevé des controverses ?

Oui. Particulièrement au Pakistan où elle est devenue une icône populaire. De nombreuses manifestations anti-américaines ont alors éclaté et les plus folles rumeurs ont couru à l'époque, comme le fait qu'elle ait été livrée par les services secrets pakistanais aux Américains, et que pendant les 5 ans où l'on a perdu sa trace, elle aurait été torturée et violée en détention. Un groupe terroriste a même adopté son nom.

Des associations de défense des Droits de l'Homme ont aussi protesté sur ses conditions d'arrestation et de jugement. Même Al-Zawahiri a tenté de négocier sa libération en échange d'un citoyen américain détenu par Al-Qaida.

Pourquoi l'Etat Islamique s'est-il penché sur son cas ? Quel symbole représente-t-elle pour les terroristes ?

Si l'EI parvenait à la faire libérer, ce serait une victoire psychologique majeure sur "Al-Qaida central". En effet, comme elle est très populaire dans le coeur des djihadistes et de leurs sympathisants, cela permettrait au mouvement de faire basculer de son côté beaucoup de personnes qui sont encore fidèles à al-Zawahiri.

Aafia Siddiqui est mariée à l'un des organisateurs du 11 septembre, Ammar al-Baluchi, emprisonné à Guantanamo. Pourquoi l'Etat Islamique souhaitait-il le retour d'Aafi Siddiqui en particulier et non celui de son mari par exemple?

Lui n'est pas un symbole auprès des populations. Il est même inconnu pour beaucoup de gens. Le cas de Siddiqui est célèbre. De plus, c'est une femme. Cela permettrait d'étayer le discours de l'EI en direction de la gente féminine. Il faut rappeler que, dans les zones qu'il contrôle,  l'EI autorise aux jeunes filles de suivre des études (certes séparées des garçons et encadrées par des cours de religion). L'objectif de l'EI est  de gagner le coeur et les esprits d'un maximum de musulmans sunnites afin de renforcer le califat.

Aafia Siddiqui était liée à al-Qaïda, elle est même surnommée " Lady al-Qaïda". L'Etat Islamique a-t-il pour ambition de rallier toutes les grandes figures d'al-Qaïda afin de montrer sa supériorité face au groupe dont il est issu ?

Effectivement. L'EI est en guerre ouverte avec "Al-Qaida central" dirigé par al-Zawahiri. Le Conseil consultatif du mouvement (l'instance de direction) est établi dans les zones tribales pakistanaises. Mais il "supervise" (avec de moins en moins d'influence) les mouvements affiliés ou associés qui sont Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA), Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), les Shebabs somaliens, Boko Haram au Nigeria et des mouvements islamistes radicaux dans le Caucase et en Extrême-Orient. L'objectif d'Al-Bagdhadi, l'émir de l'EI, est de rallier toutes ces métastases sous la bannière du califat. Pour le "calife Ibrahim" comme Al-Baghdadi se fait appeler, Al-Zawahiri est un has been.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !