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Faut-il encore avoir peur d'Al Qaïda?
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Terrorisme

Malgré l'annonce américaine de la mort du numéro 2 d'Al Qaïda, Atiyah abd al-Rahman, au Pakistan, l'organisation continue ses attentats. Les Européens semblent toutefois relativement à l'abri...

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Faut-il avoir peur d'Al Qaïda ? Si l'on est Irakien (35 morts par bombe à Bagdad dimanche, 74 le 15 août), Nigérian (18 morts à Abudja vendredi), Algérien (18 morts vendredi) ou Yéménite (attentat suicide contre un navire de guerre manqué de peu samedi), la réponse est oui. Sans parler de l'Afghanistan ou du Pakistan...

Certes, il est permis de discuter la paternité de ces opérations : la secte nigériane Boo Haram qui revendique l'action contre l'ONU est-elle bien affiliée à AQ ? Qui est vraiment derrière l'attentat contre une mosquée sunnite de Bagdad ? Certes, ces actions n'ont sûrement pas été commandées par Al Zawahiri depuis une base secrète. Certes, il y a débat sur la montée en puissance d'AQMI ou sur l'affaiblissement de la structure centrale d'Al Qaïda...

Reste une évidence : la mouvance jihadiste est toujours capable de recruter des dizaines de kamikazes pour faire des centaines de morts, dans des opérations qu'il faut bien qualifier de techniquement efficaces. Elle continue à tuer beaucoup de musulmans. Mais des chrétiens ou des athées ?

Les Européens plutôt protégés d'Al Qaïda

Par contraste, l'immunité dont jouissent les Européens est assez remarquable. Depuis le massacre de Londres en 2005, le nombre de tentatives (et a fortiori de succès) des jihadistes est très faible. Un rapport d'Europol pour l'année 2010 remarquait que seules trois vraies attaques jihadistes avaient eu lieu en Europe cette année-là : une tentative maladroite contre un caricaturiste danois, l'explosion sans doute accidentelle d'une bombe de faible puissance que cachait un tchétchène à Copenhague et l'action d'un islamiste qui s'est fait sauter avec sa propre bombe en Suède sans faire d'autre victime, les trois affaires étant sans doute liées à celle des dessins anti-islamistes. 

Moins d'un terroriste sur cinq arrêté en Europe peut être qualifié d'islamiste, et, le plus souvent, il s'agit d'un isolé, "auto-radicalisé", sans compétences "professionnelles", repéré assez tôt. On pourrait sans doute faire des constats similaires aux USA, où la dernière tentative islamiste notoire, celle d'un attentat à Time Square, fut menée par un loup solitaire incroyablement maladroit en Janvier 2010.. 

En clair : un Occidental court peut-être un risque s'il est soldat, expatrié ou touriste, mais, pour le moment, quasiment aucun chez lui. Tomber victime d'un séparatiste basque ou d'un autonome grec est statistiquement plus probable pour nous que de d'être frappés par l'organisation planétaire auquel nous sommes censés faire la guerre depuis dix ans. Ceci est peut-être du à l'efficacité de notre police (les services anti-terroristes français ne sont pas les moins bons de monde). Mais cela n'explique pas tout. 

Une perception faussée

Bien entendu, tout ce qui précède peut se révéler faux demain matin. S'il s'est trouvé un Breivik anti-islamiste préparant pendant deux ans le massacre de près de 80 personnes, il peut se trouver un anti-Breivik islamiste pour réaliser une atroce performance du même ordre. Dans de récentes déclarations à CNN, Obama disait craindre davantage un "loup solitaire" (qu'il faudrait suppose servi par la chance ou par son talent) qu'une attaque vraiment organisée comparable à celles qui ont marqué l'opinion pendant la première moitié de la décennie.

C'est un paradoxe que le centre d'Al Qaïda (et en particulier Zawahiri son nouveau chef) qui a tout misé sur la lutte prioritaire contre "l'ennemi lointain" occidental ne survive que grâce à sa "périphérie" (Al Qaïda au Maghreb islamique, Al Qaïda pour la péninsule arabe,
les talibans...) qui frappe l'ennemi "proche" en terre d'islam et agit pour des objectifs locaux.

Mais c'est aussi une constante du terrorisme que de produire un effet psychologique sans aucune mesure avec le risque effectif. Notre perception est sans rapport avec la dangerosité de l'ennemi, mais sa nocivité dépend de notre réaction.

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