Non, Ebola ne pourra pas ravager l’Europe : les leçons à tirer de l’épidémie sont autres<!-- --> | Atlantico.fr
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Ebola plane comme une menace au-dessus de l'Europe.
Ebola plane comme une menace au-dessus de l'Europe.
©REUTERS/Thomas Peter

La partie cachée de l'iceberg

Ebola plane comme une menace au-dessus de l'Europe... Inutilement. Si le virus ne peut se répandre chez nous, il n'en reste pas moins que les ravages provoqués en Afrique de l'Ouest révèlent le délabrement et les carences du système de santé des pays africains, qui peuvent à terme constituer un danger réel pour les autres continents.

Eric Pichard

Eric Pichard

Eric Pichard est infectiologue, responsable du service des maladies infectieuses et tropicales du CHU d'Angers, membre de l'ASPROCOP, l'association des professionnels de de santé en coopération dont il est l'ancien président et membre de la société de pathologie exotique.

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Atlantico : Ebola est une maladie peu transmissible, uniquement par les fluides humains. Comment alors expliquer qu'elle se répande si facilement en Afrique de l'Ouest ? Faut-il mettre en cause la qualité des infrastructures sanitaires et hospitalières ?

Eric Pichard : La qualité des infrastructures sanitaires est plus à déplorer que les centres hospitaliers. Ebola s'est d'abord déclaré dans des milieux ruraux ou des petites villes. Les premières victimes ont été contaminées par le gibier de brousse et les chauves-souris. Elles ont été prises en charge non pas par les structures hospitalières qui se trouvent en ville, mais par les infrastructures sanitaires périphériques que sont les centres de santé et dispensaires ruraux. Ces établissements sont très peu équipés en matière de protection hygiénique. Les équipements nécessaires à la protection du personnel (gants, blouses…) manquent. Les infrastructures sont très rudimentaires, elles ne permettent pas ces mesures de protection.

Un autre facteur est à mettre en cause : les coutumes locales. En Afrique, la population fait la toilette des corps, les proches sont donc en contact direct avec les secrétions de celui-ci, par lesquelles se transmet Ebola.

Quelles seraient les conséquences si un virus beaucoup plus virulent venait à s'y déclarer ? Si le SRAS (coronavirus) s'était déclaré en Afrique, par exemple ?

Les épidémies dues à un virus se transmettent par les fluides et les sécrétions. Des maladies se transmettent beaucoup plus rapidement quand la transmission passe par les voies respiratoires comme c'est le cas du SRAS. Lors des épidémies dues à des transmissions respiratoires, les structures de santé informent mal. Attention également aux épidémies, typhus, fièvre jaune, dengue, qui se transmettent par voies respiratoires et vectorielles comme les moustiques, puces et poux. La lutte vectorielle de la part des structures sanitaires est faible également.

Comment expliquer un tel délabrement sanitaire ?

La première cause de délabrement est le budget consacré à la santé. Dans tous les cas d'épidémies en Afrique, un facteur de pauvreté joue. Plus le pays est pauvre, moins il met d'argent dans les campagnes d'informations et d'éducation, plus le risque d'épidémie s'élève. Comme le pays investit peu dans le secteur de la santé, il ne surveille ni ne lutte contre les vecteurs. L'investissement économique dans le domaine de la santé est différent selon les pays qui ont pourtant le même PIB. Le Mali et le Liberia, qui ont un PIB proche investissent des sommes différentes. Le Mali dépense 42 dollars par an pour la santé d'un habitant, quand le Libéria en dépense 60. Par comparaison, la France en dépense 4 600. Le Nigéria, pourtant premier pays d'Afrique en termes de PIB, ne dépense que 100 dollars par an pour la santé d'un habitant.

Des raisons structurelles s'ajoutent également. Dans les années 1980, 1990, l'occident a contraint, pour des raisons économiques et sous menace de refus de prêts, les pays d'Afrique à épurer leur système de santé. Les dépenses ont du être réduites, les structures hospitalières et sanitaires ont été privatisées, tout cela n'a apporté qu'un retour en arrière.

En outre, malgré de bons médecins, les pays d'Afrique ne sont pas assez développés en termes de biologie, le niveau est assez faible. La qualité des diagnostiques également. Pendant ce temps, l'épidémie prend de l'ampleur.

Les pays connaissent également des problèmes en termes de vaccination. Pendant longtemps seules les vaccinations essentielles ont été faites, ce n'est que récemment que les vaccins ont été élargis à d'autres maladies comme la fièvre jaune. S'ajoutent à ces quelques vaccins les pertes de produit dues à une mauvaise chaîne du froid ainsi que l'accès difficile, financièrement, aux régions reculées.

Au-delà du traitement de ce virus, quelles mesures les pays africains devraient-ils prendre pour s'armer davantage face à ce risque ?

Il faut avant tout augmenter la qualité globale du système de santé. C'est-à-dire informer la population, l'éduquer et communiquer avec elle en expliquant qu'il ne faut pas avoir honte de la maladie, qu'il faut se soigner très tôt…

Il faut aussi investir dans les structures en leur offrant des équipements, notamment aux dispensaires et hôpitaux qui se situent en dehors de la capitale. Délivrer une formation plus efficace aux infirmiers. Des moyens sont également à investir en biologie. Les médecins sont bons mais n'ont pas les outils nécessaires pour effectuer leur travail.

Les pays occidentaux ont-ils compris que les problèmes sanitaires des pays en voie de développement peuvent rapidement devenir les leurs ? Comment adapter/orienter les aides en ce sens mais aussi se prémunir contre d'éventuelles propagations futures ?

Suite à l'épidémie du SIDA qui a touché les pays occidentaux, ces derniers ont compris que les maladies ne connaissent pas de frontières. C'est ce qui a certainement motivé l'occident à s'intéresser au VIH. Même chose avec les maladies qui se transmettent par les moustiques. Comme la France a des moustiques sur son territoire, elle s'intéresse particulièrement à ces maladies.

Les pays occidentaux peuvent développer la mutualité en aidant au démarrage des caisses de mutualité. Au Mali, des caisses ont été créées, d'abord destinées aux fonctionnaires, grâce à un fonds d'investissement français, et non gouvernemental. Les pays occidentaux peuvent aussi fournir des vaccins, il faut alors investir dans les transports afin de pouvoir les expédier et les distribuer, même aux régions les plus reculées. Des aides pourraient également être apportées dans le domaine biologique, ce qui nous permettra de déclarer l'alerte précoce. En effet, il suffit parfois d'observer l'étendue d'une maladie chez les vecteurs, et notamment les moustiques, pour anticiper les conséquences sur l'homme. Des laboratoires, issus de partenariats universitaires, ont été développés dans ce but au Sénégal. 

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