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Antidopage, chasse aux sorcières
des bien-pensants
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Dopage

Un mois avant les championnats du monde d'athlétisme, cinq Jamaïcains ont été contrôlés positifs aux produits dopants. Une affaire qui effraie le monde de l'athlétisme, régulièrement concerné par les cas de dopage de sportifs inconnus et de premier plan, tels Marion Jones ou Ben Johnson.

Alexandre Mauron

Alexandre Mauron

Alexandre Mauron est professeur ordinaire à la Faculté de médecine de l’Université de Genève où il y enseigne la bioéthique.

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Atlantico : Lorsqu'on voit des performances surhumaines de la part de sportifs, non se demande si l'on peut atteindre ces performances sans se doper ?

Alexandre Mauron : La question que vous posez est celle que tout le monde se pose quand il est question de dopage. Le dopage n'est-il pas devenu une sorte de composante nécessaire de certains sports de très haut niveau? Mais je ne suis pas un médecin du sport, je ne peux pas me prononcer sur la performance en tant que telle.

L'antidopage est-il alors une hypocrisie ?

Il y a un aspect d'hypocrisie dans le sens où la popularité de beaucoup de sports surfe sur un certain nombre d'idées bien-pensantes telles que « le sport c'est la santé », « le sport est composante d'une société saine », etc. En même temps, le sport de haut niveau présente ce problème structurel du dopage, et au fond je pense que les politiques publiques seraient moins hypocrites si elles se limitaient à combattre les formes de dopage qui sont nuisibles à la santé, ce qui lui donnerait des objectifs plus réalistes, donc moins rhétoriques.

Quelles formes de dopage ne sont pas dangereuses pour la santé ?

Si par dopage, j’entends les modes d'améliorer les performances au moyen d'artifices, on ne peut pas dire que toutes soient nocives pour la santé. Par définition, le dopage est une pratique clandestine, il doit y avoir des méthodes de dopage dont les dangers pour la santé sont mal connus. Je ne vois pas comment l'on peut dire de façon péremptoire que tout dopage est nuisible pour la santé. C'est comme si au fond être immoral était également nuisible.


Il y a toutes sortes de pratiques diététiques qui sont plus ou moins farfelues et dont on attend des effets mirobolants pour la performance et qui ne sont pas particulièrement dangereuses. A un certain moment, la marijuana était inscrite dans la liste des produits dopants, ce qui est paradoxal, car on ne voit pas quelle performance serait augmentée par cette substance, et sa nocivité dépendant de nombreux facteurs. Il y a même des usages médicaux de la marijuana. La frontière entre le dopage et une substance thérapeutique a de la peine a être défini.

Le dopage est alors un problème qui va à l'encontre de l'esprit sportif …

Personne ne sait ce qu'est l'esprit sportif. Si on lit les documents de l'Agence mondiale antidopage, l'esprit sportif n'est jamais défini. C'est plutôt une sorte de fatras d'idées bien-pensantes comme « la compétition », « respecter l'autre », … Sous le label esprit sportif, on y met des idées floues. On a du mal à utiliser l'éthique à ce propos car on ne sait pas très bien de quoi on parle.

Le dopage ne représente-t-il pas au final le désir de performance dans la société ?

Il y a un certain culte de la performance dans la société contemporaine, c'est certain, et une partie de la souffrance sociale actuelle vient du fait qu'on propose au public un idéal qui est inatteignable. Cela engendre de la frustration. La montée en épingle des exploits sportifs fait partie de ce culte de la performance actuelle qui est un phénomène assez régressif et nuisible.

Quelle alternative proposez-vous aux politiques antidopage actuelles ?

Je proposerais que l'on repense les politiques antidopage sous un angle qui soit plus étroitement médical. On se donne des objectifs plus limités mais plus précis, basés sur une lecture sans préjugé de la nocivité plus ou moins grande des différents produits. Une partie de l'hypocrisie actuelle est son coté extrémiste. On dit « le dopage jamais dans aucune circonstance », que l'on va se battre contre toute forme de dopage. L'hypocrisie est de faire croire aux gens que cette politique actuelle est possible alors qu'elle est un échec.

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