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Syrie : où sont les indignés ?
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Myopie

Les vagues de contestation en Syrie sont réprimées dans la violence par le gouvernement de Bachar al-Assad. Face à cette répression, les protestations des Etats-Unis ou de l'Union européenne sont plus audibles que celles des associations civiles. Pourquoi ?

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Qu’il est assourdissant, le silence des Indignés et autres champions des causes humanitaires, sur ce qui se passe depuis des mois en Syrie ! Aucune grand-messe de protestation, comme celles que l’on voyait surgir de partout contre la guerre d’Irak. Pas non plus de flottille, comme celles qui ont tenté de franchir le blocus maritime de Gaza imposé par Israël pour empêcher le Hamas de faire entrer des armes destinées à des attaques terroristes. Bachar al-Assad, lui, peut tuer des dizaines d’hommes, femmes et enfants par semaine, torturer à sa guise, sans que des Indignés éminents n’ouvrent la bouche ni ne mobilisent l’opinion.

Quand on pense au tollé qu’avait provoqué l’opération Plomb durci lancée par Israël fin 2008 sur la bande de Gaza après avoir essuyé des milliers de missiles envoyés par le Hamas, et l’on voit maintenant l’absence de réaction massive en faveur des Syriens qui manifestent avec la seule arme du ras-le-bol, on ne peut qu’être sidéré par le deux poids, deux mesures de l’indignation facile. Quand on pense, en plus, qu’Israël ciblait des responsables d’attentats terroristes qui avaient installé leurs postes de commandement et leurs plateformes de tir au milieu ou dans les sous-sols d’écoles, d’hôpitaux et d’immeubles d’habitation afin de causer le maximum de pertes civiles lors de l’inévitable riposte d’Israël, alors que les troupes syriennes tirent sur des civiles désarmés ou même vont les chercher maison par maison, et que ceci n’émeuve guère ou n’émeuve point nos bonnes consciences, il faut conclure qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de l’Indignation.

Pas de manifestation non plus, et moins encore de flottille, pour soutenir les 10 000 Palestiniens du camp de réfugiés de Raml, en Syrie, bombardé par des blindés et des navires de guerre syriens.

Le cas des Palestiniens est des plus intéressants. Il n’est pas à exclure que, inspirés par le Printemps arabe, ils prennent un jour le chemin d’autres peuples de la région et retournent leur colère contre les mouvements qui les ont gouvernés ou représentés, en l’occurrence le Hamas et le Fatah. Le premier les aura utilisés comme boucliers humains. Le second aura œuvré pour perpétuer leur statut de réfugiés, allant jusqu’à s’opposer à leur naturalisation par les pays d’accueil afin de pouvoir réclamer un « droit au retour » qu’Israël ne saura jamais accepter sous peine de disparaître en tant qu’Etat hébreu[1].

On commence d’ailleurs à percevoir des signes d’une mutation de la colère palestinienne. Des manifestations à Gaza sont réprimées par le Hamas. D’après les sondages, le prestige du Fatah a disparu en Cisjordanie. Des Palestiniens du camp de Yarmouk, à Damas, protestent devant le QG du FPLP-CG, une organisation palestinienne qui les poussait à aller sur le plateau du Golan pour manifester contre Israël. Les Palestiniens réclament de leurs dirigeants la tenue d’élections qui ont dû avoir lieu depuis longtemps, mais le Fatah et le Hamas trouvent à chaque fois des moyens et des prétextes pour les repousser.

Or, ce malaise larvé entre les Palestiniens et leurs dirigeants actuels ne semble pas interpeler nos bonnes consciences. Jouant à l’autruche, elles n’en parlent pas.

Silence radio, encore, à l’égard du peuple cubain, envers qui la solidarité est une denrée inexistante, car ses souffrances ne cadrent pas avec les visées antiaméricaines des donneurs de leçons de morale. Les habitants de l’île rouge peuvent vivre muselés des décennies durant, les dissidents y peuvent crever dans des geôles immondes ou subir des emprisonnements répétés, sans que cela ne suscite ne serait-ce qu’un début de mobilisation internationale.

Et quand les « Dames en Blanc », ces braves femmes qui sortent habillées en leur couleur éponyme dans les rues de La Havane et de province pour secouer les consciences à propos des déboires de leurs époux, pères, enfants ou frères emprisonnés, et que des sbires du régime viennent systématiquement à leur encontre pour cracher sur elles, les gifler, les tabasser, alors la multitude des protestataires qui pullulent dans ce monde ne trouve ni raison ni intérêt pour exprimer le moindre dégoût.

Pour les professionnels de l’indignation, les vicissitudes d’un peuple ne valent que dans la mesure où on peut les imputer, de près ou de loin, à raison ou à tort, à Israël ou aux Etats-Unis.

Les Indignés de toutes sortes ont pris la relève des pacifistes des années 80, qui organisaient des manifestations faramineuses contre les missiles américains Pershing déployés en Europe occidentale, mais jamais contre les SS-20 soviétiques installés de l’autre côté du Rideau de fer.

Et de même que les Polonais, les Tchèques, les Hongrois ou les Allemands de l’Est, maintenant débarrassés du joug soviétique, ne doivent rien, strictement rien, aux pacifistes des années 80, ainsi les Syriens, Palestiniens et Cubains – comme d’ailleurs les Libyens – n’auront demain aucune dette de gratitude à solder envers les mouvements de protestation d’aujourd’hui.

[1] « Abbas à Beyrouth : Nous sommes opposés à la naturalisation des réfugiés palestiniens au Liban », Guysen International News, 18 août 2011.

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