Zoo blues : ce qu'on sait maintenant des états d'âme des animaux en cage <!-- --> | Atlantico.fr
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Certains animaux que l’on peut observer dans les zoos présentent les mêmes symptômes qu'une dépression humaine.
Certains animaux que l’on peut observer dans les zoos présentent les mêmes symptômes qu'une dépression humaine.
©Reuters

Vie de chien

Bien que la plupart des zoos actuels tendent (ou presque) à reproduire les conditions de vie des animaux en liberté, ces derniers souffrent quand même de leur captivité. En cause : l'inassouvissement de certains besoins instinctifs liés à leur habitat naturel.

Sandrine Otsmane

Sandrine Otsmane

Sandrine Otsmane est spécialiste des Relations Hommes / Animaux / Ethologie. Diplôme de l'université Paris Descartes la Sorbonne, elle travaille aujourd'hui en tant que comportementaliste animalier.

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Atlantico : Certains animaux que l’on peut observer dans les zoos présentent les mêmes symptômes qu'une dépression humaine comme l’inactivité ou encore un défaut d’appétit, à tel points que certains zoos américains en sont réduits à leur administrer des antidépresseurs. Le terme dépression tel qu’on le conçoit s’applique-t-il vraiment aux animaux ? Comment peut-on expliquer ce "blues" des animaux ?

Sandrine Otsmane : Je ne pense pas que l’on puisse employer le terme de dépression pour les animaux, tout simplement parce que l’animal ne vit ni dans le passé, ni dans le futur. Il est exclusivement dans le moment présent. On peut en revanche parler de bien-être ou de mal-être, et plus techniquement de résignation acquise. C’est ce comportement-là qui nous fait penser à la dépression, l’animal est résigné, souvent suite à un mal-être. Il s’agit d’un état léthargique, dans lequel l’animal n’est plus stimulé comme il peut l’être naturellement. Ses interactions sociales sont limitées, il est prostré et inactif.

Ce "blues" des animaux s’explique bien souvent par un manque de stimulation mentale et physique. C’est exactement ce que l’on peut constater pour les chiens domestiques. Si vous emmenez votre chien faire une grande ballade, et que vous vous occupez de lui, il n’aura jamais besoin de prozac. Dans les zoos, il faut ajouter le fait qu’ils ne sont pas dans leurs milieux naturels, et ce malgré tous les efforts que l’on peut apporter à l’aménagement de leurs enclos. N’oublions pas qu’en soi un enclos reste un environnement fermé qui ne propose pas toutes les activités normalement disponible dans la nature. Il ne sera jamais possible de reproduire ces conditions-là. Et ce malgré les efforts et la bonne volonté des soigneurs ou des équipes dédiées à leur bien-être.

En quoi la vie en captivité, qui se rapproche autant que possible de l'environnement sauvage des animaux, est-il néfaste pour leur santé mentale ?

Pour les félins et les prédateurs par exemple, l’absence de la chasse pose un souci. La reproduction est évidemment aussi un problème, car tous les besoins dans ce domaine ne peuvent pas être comblés. La présence des humains est également certainement perçue comme intrusive, leurs instincts de défense, qui les pousseraient à fuir (ou à attaquer), ne les renvoient qu’à l’impossibilité de le faire, et on en revient au sentiment de résignation qui finalement prend le pas sur l’instinct.

Depuis les années 1980, on sait que les animaux ressentent ce qu’on nomme les "émotions universelles". Comme la peur, la colère, le plaisir, la tristesse… Par contre, on n’a pas su démontrer qu’ils pouvaient avoir des sentiments comme la jalousie ou encore l’amour. Une étude à mis des rats dans une cage où la moitié du grillage état s'électrifiait après une sonnerie. Les rats prenaient donc l’habitude d’aller dans la moitié sans danger. Mais quand par exemple on les empêchait de s’y refugier, ils se mettaient dans la situation d’apathie que je décrivais plus haut sous le terme de résignation active. Ce n’est ni un sentiment, ni une émotion, c’est un état psychologique, qui peut le pousser à ne plus se nourrir, voire à se laisser mourir.

Les animaux reproduits en captivité sont-ils à l'abri du blues de ceux nés dans leur état naturel ?

Certainement puisque le fait de côtoyer des humains devient une habitude dès le plus jeune âge. Les statistiques montrent qu’il y a moins de mal-être dans pour cette catégorie-là. Mais n’oublions pas qu’il y a une inscription génétique de cet état sauvage, et elle ne s’effacera jamais. Le tigre pourra accepter d’être regardé par des humains, mais il demeure le prédateur qui peut se rappeler à lui.

Existe-t-il des animaux qui s’adaptent mieux que les autres à la captivité ?

Non, aucun des animaux ne s’adaptent à la captivité. Si vous les regardez, ils ont tous des "stéréotypies", des signes de mal-être. Ils peuvent faire les cent pas, se mordre la queue ou s’automutiler, s’arracher des poils, se frotter au grillage, se balancer… J’ai vu il n’y a pas longtemps un ours qui faisait quelques pas en avant, et quelques pas en arrière toute la journée… L’immense majorité des espèces présente des attitudes ou des comportements, qu’on a souvent du mal à déceler d’ailleurs, mais qui sont interprétables comme étant une inadaptation à leur environnement captif. C’est comme si on vous mettait dans une chambre sans fenêtre, sans interaction, et sans téléphone.

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