Et encore une nouvelle carte des régions qui zappe la question des chiffres clés d’une réforme territoriale efficace<!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle proposition de réforme territoriale inclut le Limousin dans l'Aquitaine. Photo d'illustration // Des vaches du Limousin.
La nouvelle proposition de réforme territoriale inclut le Limousin dans l'Aquitaine. Photo d'illustration // Des vaches du Limousin.
©wikipédia

Vision défaillante

Une nouvelle version du redécoupage territorial vient d'être proposée par le député PS Carlos Da Silva, rapporteur de la réforme territoriale à l'Assemblé nationale. Cette fois-ci le PIB des régions serait pris en compte, ce qui ne suffit pas.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Le rapporteur de la réforme territoriale à l'Assemblée nationale vient de proposer une nouvelle version du découpage territorial, prenant en compte le PIB des régions. Pourtant, ces "retouches" ne semblent prendre en compte que des données économiques globales comme le PIB d'une région. Quels sont les chiffres que l'on pourrait qualifier de grands oubliés dans l'élaboration de la réforme ?

Jean-Luc Boeuf. Proposer un découpage à partir des données économiques des régions reviendrait à figer dans l'instant une situation inégalitaire par nature ! S'il s'agit de trouver 10, 12 ou 14 "régions" de taille économique similaire, il ne s'agit plus de découpage politique, sociétal mais bel et bien d'une règle de trois. Laquelle règle de trois serait immédiatement désavouée au bout de deux ou trois ans. En effet, un découpage artificiel ne créera pas de la richesse artificielle au profit des régions moins dynamiques ! Il ne fera que constater une situation à un moment donné ; laquelle situation évoluera très vite dans deux situations diamétralement opposées : positivement pour les régions qui créent de la richese et négativement pour les autres. Les chiffres qu'il convient de prendre en compte sont très simples : que sont les régions aujourd'hui en termes d'action ? Que veut-on qu'elles deviennent demain ? Et là aussi, les réponses sont simples. Aujourd'hui, les régions redistribuent environ 500 euros par an et par habitant. A près de 90 %, il s'agit des TER, de la formation professionnelle et des bâtiments de lycées. Pour ces trois actions, les régions sont dépendantes qui de la SNCF, qui des structures de formation et d'apprentissage et qui des décisions de l'Education Nationale pour les enseignants. Du développement économique et de l'aide aux entreprises, les chiffres sont très pâles... Moins de 15 euros par an et par habitant aujourd'hui. Ceci il n'est nullement question, en l'état des projets de loi, de le développer. Regrouper les régions ne changera, de ce point de vue rien ou presque. On divise la même somme par 14 au lieu de de la diviser par 22 mais pour des territoires agrandis...

Ne pourrions-nous pas imaginer un découpage en fonction des objectifs de croissance, c'est à dire qui s'intéresserait davantage aux interventions économiques en faveur des entreprises, pour favoriser l'innovation par exemple ?

La difficulté propre à tout découpage est qu'il fige une situation à un moment donné, et ce pour longtemps. cela est normal puisque, à partir d'un découpage territorial, vont s'enclencher des dizaines voire des centaines de procédures. Que l'on songe par exemple au découpage départemental initié en 1790 et sur lequel s'appuient aujourd'hui les fédérations professionnelles (médecins, notaires, pharmaciens vétérinaires, notaires...), les services publics (La Poste, Sécurité Sociale, services de police et de gendarmerie...). L'enjeu est de proposer un nouveau découpage dès lors que l'ancien ne répond plus aux préoccupations économiques, sociales, sociétales. Tout le monde s'accordait à penser que le découpage régional de 1955 manquait de cohérence. Dans ces conditions, c'est juste avant que les régions ne deviennent des collectivités territoriales de plein exercice (en 1986) qu'il fallait proposer un nouveau écoupage. Car ce que l'on constate aujourd'hui c'est que les opposants sont avant tout les pouvoirs régionaux en place. Pour être constructif, il faut considérer que, aujourd'hui, un bon découpage sera un découpage constaté. Constaté, cela veut dire que la situation économique des territoires attractifs doit pouvoir servir de base à un découpage régional. Dans ce cadre, c'est autour des grandes métropoles du Nord au Sud que sont Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Paris que se structure la création de richesse. car n'oublions pas que les budgets des collectivités sont des budgets de transferts. Cela veut dire qu'il s'agit d'argent redistribué. Or, pour redistribuer, il faut d'abord créer. Et c'est dans ce cadre des métropoles que la richesse économique se crée et se fixe sur un territoire. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les luttes d'influence que se livrent depuis quelques années les Présidents des grandes régions et les maires des grandes villes.

En quoi serait-il intéressant d'intégrer les différences fiscales entre les régions ?

Il eût été intéressant d'intégrer les différences fiscales entre les régions à l'époque où les régions disposaient d'un pouvoir fiscal. Par analogie, c'est ce qui s'était passé, dans les années 1990, avec la vignette automobile pour le département de la Marne. Ce dernier avait baissé de moitié le cheval fiscal. Avec en résultat une implantation des loueurs dans la Marne, et donc des implantations d'entreprises. Pour ce qui est des régions, elles ne disposent plus ou peu s'en faut, de pouvoir fiscal. En effet leur ont été retirées successivement la taxe d'habitation, le foncier bâti et la taxe professionnelle ; le tout étant remplacé par des dotations... lesquelles diminuent aujorud'hui, et ceci indépendamment des réformes annoncées et actuellement en discussion au Parlement.

Les dotations aux collectivités ne sont-elles pas également les oubliées de cette réforme ?

Il est deux manières d'aborder les dotations aux collectivités. D'une part, si l'on se base sur les deux projets de loi déposés au Parlement après le conseil des ministres du 18 juin,  alors oui, les dotations aux collectivités sont les grandes oubliées. Mais d'autre part, si l'on prend une focale plus large en prenant en compte la situation financière des collectivités locales, alors non, les dotations ne sont pas oubliées. Pour la simple et unique raison que l'Etat, depuis plusieurs années, s'est attaché à stabiliser, puis à diminuer légèrement puis enfin à baisser massivement ses dotations aux collectivités. C'est ce qui est en train de se passer avec l'emblématique DGF (dotation globale de fonctionnement). C'est en effet sur elle que vont peser les plus de 10 milliards d'économies demandées aux collectivités locales, dans le cadre des 50 milliards d'euros annoncés par le Président de la République.

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