Garde à vue de Nicolas Sarkozy : mais où en est vraiment l'ancien président avec la justice ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue.
Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue.
©Reuters

Casseroles

Un ancien chef de l’État placé en garde à vue. Du jamais vu dans l’histoire de la Vème République. C’est le sort qui a été fait à Nicolas Sarkozy sur décision de deux juges d’instruction parisiens.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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On le pressentait avec la mise en garde à vue hier Me Thierry Herzog, l’avocat de Nicolas Sarkozy et des deux avocats généraux à la Cour de Cassation, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust dans cette affaire d’écoutes téléphoniques. On le pressentait… sans trop y croire. Et pourtant, c’est arrivé ce matin : Nicolas Sarkozy, qui ne bénéficie plus de l’immunité présidentielle depuis mai 2012, a été placé en garde à vue dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption qui dépend de la direction centrale de la Police judiciaire à Nanterre. Du jamais vu dans l’histoire de la Vème République : un ancien chef de l’Etat privé de plusieurs heures de liberté. Oui, l’ancien ministre de l’Intérieur contraint de s’expliquer dans les locaux de son ancienne Maison. François Mitterrand avait vu son nom cité dans  la célèbre affaire des écoutes téléphoniques qui mettait en cause la cellule élyséenne, Jacques Chirac avait été condamné dans le dossier des emplois fictifs de la mairie de Paris… Jamais l’humiliation n’avait été aussi terrible que celle infligé  à l’ancien président de la République. A l’issue de sa garde à vue, sera-t-il mis en examen pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction par les juges Patricia Simon et Claire Thépaut qui instruisent ce très sensible dossier depuis le 26 février 2014 ? Il est encore trop tôt pour le dire, même si les investigations laisseraient apparaître que, à l’occasion d’écoutes téléphoniques - parfaitement légales, même si elles ont été anormalement longues de 4 mois - l’avocat Thierry Herzog s’enquerrait auprès de l’avocat général Gilbert Azibert de l’état de la procédure sur l’affaire Bettencourt avant d’en informer Nicolas Sarkozy… Même si, en échange de ce supposé service, on semblait entendre le haut magistrat s’enquérir à son tour de son éventuelle promotion à Monaco.

Révélées au début de l’année 2014, ces écoutes avaient suscité la colère de l’ancien chef de l’Etat qui avait publié dans Le Figaro un article au vitriol, quelques jours avant les Européennes. Sarkozy y estimait que les principes sacrés de la République étaient "foulés aux pieds", tout en n’hésitant pas à comparer ces écoutes à "la Stasi, la police politique de l’ex-Allemagne de l'Est." Si d’aventure, hypothèse qui ne peut être  exclue, Nicolas Sarkozy était mis en examen, il se retrouverait dans une position difficile pour reprendre le combat politique, avec comme objectif l’élection présidentielle de 2017. Position d’autant plus difficile qu’au sein de l’UMP, deux autres ténors pointent leur nez pour 2017. A savoir Alain Juppé et François Fillon. Encore que l’on puisse en ajouter un troisième en la personne de Bruno Lemaire… et même un quatrième avec Xavier Bertrand. Pourtant, l’ancien chef de l'Etat aura une autre cartouche à jouer : celle de la victimisation. Ou plutôt celle de l’acharnement. Cette stratégie a été payante puisqu’elle lui a permis de se débarrasser du guêpier de l’affaire Bettencourt où il est était soupçonné d’avoir abusé de la faiblesse de Liliane Bettencourt, l’actionnaire principale de l’Oréal. Témoin, le non-lieu qu’avait dû lui décerner le juge bordelais Jean-Michel Gentil. 

Aujourd’hui, l'ancien président risque d’affronter une nouvelle épreuve judiciaire. Jusqu’à présent il s’en est toujours sorti, alors que son nom était cité dans plusieurs procédures.  Regardez l’affaire Karachi. On lui promettait une mise en examen parce qu’il aurait donné son feu vert au versement de commissions dans une livraison d’armes au Pakistan… Or l’enquête a démontré que ministre du Budget en 1995, il s’était opposé au versement de commissions. Ce qui a été confirmé par un  haute fonctionnaire de Bercy au juge Renaud Van Ruymbeke. Résultat : Sarkozy n'a même pas été entendu, fusse comme témoin. Et ce sont Edouard Balladur et François Léotard qui se retrouvent devant la Cour de Justice de la république. Dans l’affaire de l’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais, son nom a été abondamment cité dans la presse. Pour l’heure, seule l’ancienne ministre de l’Economie Christine Lagarde a été entendue par la Cour de Justice de la République, indépendamment des autres acteurs de ce dossier comme notamment Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne et l’arbitre Pierre Estoup, ancien premier président de la Cour d’appel de Versailles. L’audition de l’ancien chef de l’Etat ne semble pas à l’ordre du jour. Sur le présumé financement de la campagne présidentielle de mai 2007 par la Libye, certes quelques découvertes troublantes sont apparues - comme ce fameux document qui atteste du versement de 50 millions de dollars au candidat Sarkozy, à l’heure actuelle aucune trace de versement en liquide ou sur un compte dans un paradis fiscal n’a été mise au jour. Reste encore l’affaire des sondages de l’Elysée. A priori, les marchés passés avec les sondeurs et l’Elysée ne l’ont pas été dans une parfaite orthodoxie. Pour l’heure, ce serait plutôt l’ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon - qui a signé les contrats - qui pourrait être entendue par les juges.

Quelle que soit son issue, le placement en garde à vue de l’ancien président de la République restera gravé dans notre histoire judiciaire. Certains y verront la preuve d’une indépendance de la justice ; d’autres y verront comme un goût de revanche face à un homme, qui lors d’une audience solennelle de la Cour de Cassation il y a quelques années, comparait les magistrats "à des petits pois".

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