SOS friche intellectuelle à l’UMP : qui pour inspirer une vision à la droite ?<!-- --> | Atlantico.fr
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SOS friche intellectuelle à l’UMP.
SOS friche intellectuelle à l’UMP.
©Reuters

Boîte à idées

Même si la droite a du mal à les mettre en avant, des penseurs pourraient inspirer un véritable renouveau idéologique à cette mouvance politique, sans qu'elle ait pour cela à renier ses positionnements naturels.

Marc Crapez

Marc Crapez

Marc Crapez est politologue et chroniqueur (voir son site).

Il est politologue associé à Sophiapol  (Paris - X). Il est l'auteur de La gauche réactionnaire (Berg International  Editeurs), Défense du bon sens (Editions du Rocher) et Un  besoin de certitudes (Michalon).

 

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Atlantico : Au regard des enquêtes d'opinion, il semblerait  que la stimulation de la croissance, l'insécurité et la réduction des déficits publics préoccupent particulièrement les sympathisants de droite. Ces thématiques sont-elles effectivement prépondérantes pour l'électorat de droite ?

Marc Crapez : Effectivement, ces trois thèmes sont chers au peuple de droite. Croissance, compétitivité et emploi symbolisent la réussite économique. L’insécurité, qui est aussi une allusion euphémisée à l’immigration incontrôlée, traduit l’aspiration à la sûreté et à la cohésion nationales. La réduction des déficits renvoie au sens des limites, au sens commun, à la morale commune.

Un récent sondage BVA montre que seulement 8% des électeurs UMP souhaitent une gauchisation, 35% une droitisation et 55% ne souhaitent aucune modification du positionnement de ce parti. C’est un résultat d’autant plus remarquable que les commentateurs ont voulu faire croire que l’UMP avait déjà droitisé sa ligne et que cette droitisation équivalait à une extrême-droitisation répréhensible. L’électorat UMP ne se laisse donc pas intimider.

On mesure le fossé entre les citoyens ordinaires et les caciques du parti. Alain Juppé, Natalie Kosciusko-Morizet et Gérard Longuet notamment, ont réclamé un recentrage vers l’UDI. D’un côté, on peut y voir une tactique électoraliste, dans la mesure où l’UDI est sortie renforcée des élections municipales. D’un autre côté, la notion de droite décomplexée pâtit d’une proximité présumée avec une forme d’affairisme. Certes, des personnalités de droite affirmée comme Laurent Wauquiez ou Thierry Mariani n’ont aucun lien avec ces dérives. Il n’empêche que l’affaire Buisson et d’autres suspicions donnent une image berlusconienne calamiteuse. L’UMP va donc se gauchiser.

Quels sont à ce titre les différents penseurs qui seraient à même d'inspirer la droite aujourd'hui ?

Atlantico, par exemple, a contribué à faire émerger des hommes de réflexion, tel Eric Verhaeghe ou des économistes comme Nicolas Goetzmann et Jean-Marc Daniel. Quant aux penseurs, Raymond Boudon, Stéphane Courtois et Pierre-André Taguieff, ils ont œuvré, ces dernières décennies, en faveur des conditions d’exercice de la liberté.

Les intellectuels sectaires considèrent, en langage codé, que l’extrême-droite débute "à droite du centre-droit". Cet anathème sémantique, entretenu par d’aucuns, rend la droite suspecte et détourne les partis de droite des rares intellectuels conservateurs ou libéraux. Lorsqu’il était Premier ministre, François Fillion s’est une fois exprimé au sujet d’Eric Zémmour comme jamais un homme politique de gauche n’aurait dénigré un intellectuel de gauche, car on peut sans épouser les idées d’un homme de plume lui reconnaître du talent.

Entre l’UMP et l’intelligentsia, le malentendu est complet. L’UMP s’appuie sur des énarques sans doute intelligents mais court-termistes. L’université étant de plus en plus politisée à gauche, l’UMP ne trouve plus d’appui auprès des intellectuels des générations montantes. La terreur idéologique qui sévit oblige, en effet, à divers stratagèmes. Le plus répandu, de Jean-François Revel à Alain Finkielkraut, consiste à se dire de gauche alors qu’on est parfaitement de droite.

Il faut savoir que les intellectuels sont toujours plus à droite en paroles et en privé qu’ils ne le sont en public ou la plume à la main. Tout le monde n’a pas le courage et l’envergure de Raymond Aron, qui avait mis à nu ce qu’il appelait le "mythe de la gauche". Aussi la plupart de ceux qui ne croient pas aux idoles du jour n’osent-ils pas les affronter. Ils ne prennent le parti de la défense de la liberté qu’en paroles ou en privé. Ils ont peur de subir une "maurice-allais-isation", du nom de ce prix Nobel d’économie que sa dénonciation enflammée du dogmatisme libre-échangiste a enterré vivant, en le mettant au banc des médias.

Des penseurs tels que Pierre Manent, Alain Finkielkraut, Emmanuel Todd, ou Jean-Pierre Le Goff pourraient-ils apporter des éléments de programme à la droite ?

Todd ? Ah tiens, d’aucuns penseraient qu’il est de gauche… Le Goff a développé une vraie réflexion, proche de celle de Gauchet et du regretté Philippe Cohen, sur la vacuité de l’héritage de 68, les égarements de l’hédonisme et les pièges de l’élitisme. Manent, pour sa part, a effectué un travail important d’anthologie de la philosophie libérale et de redécouverte des fondamentaux qui forment les assises des sociétés. Il a aussi consacré un livre à la "démocratie en Europe", où il observe que l’effacement de l’Etat-nation souverain entraîne une paralysie de la décision politique. Mais n’oublions pas un autre disciple de Raymond Aron, que celui-ci tenait en très haute estime, et qui a édifié une œuvre puissante, je veux parler de Jean Baechler. Il conviendrait que la droite n'oublie pas ses penseurs, même si ce ne sont pas des intellectuels médiatiques.

La question de l'articulation entre libéralisme et souverainisme est un vieux démon de la droite qui est ressorti récemment à l'occasion des élections européennes.

Il est certain qu’en ratifiant une forme d’européisme et en excluant le souverainisme, l’UMP a ouvert un espace à la contestation radicale de l’Union européenne, et contribué ainsi aux bons scores des listes de Marine Le Pen et de Nicolas Dupont-Aignan. On retrouve quelque peu le terrorisme intellectuel que j’évoquais car, en paroles et de préférence en aparté, les responsables de l’UMP ne se privent pas de relever les aberrations auxquelles aboutit le libre-échangisme dogmatique de l’Union européenne.

Une certaine forme de souverainisme est l’allié de l’exercice de la liberté démocratique, face aux dérives oligarchiques de l’européisme qui concède trop de pouvoir à la technocratie et aux cours de justice. Inversement, les idéaux qu’incarne l’Union européenne ne sauraient être balayés d’un revers de main, avec des formules paresseuses sur l’absence de démocratie. Ce sont des chefs d’Etats démocratiquement élus qui ont délégué aux membres de la Commission européenne le pouvoir de faire tourner l’Europe.

En fait, la droite a besoin de ses quatre composantes à parts égales. Or, comme je l’ai déjà expliqué, des quatre Dalton de droite : le conservateur, le gaulliste, le libéral et le modéré, c’est ce dernier, le plus petit électoralement parlant, qui fait la loi et houspille ses trois frères, notamment le conservateur, tenu pour le canard boiteux de la famille. Si bien que le centre de gravité de la vie politique française est décalé de plusieurs crans vers la gauche par rapport aux autres pays de l’OCDE. Sarkozy n’a pas solutionné le drame qu’il avait identifié, en 2006, d’une droite "qui s’excuse depuis tant d’années de ne pas être de gauche".

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