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La dette publique : un mal français ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Depuis la crise de 2007, les contours d’un nouveau monde se dessinent peu à peu, les rapports de force de l’économie mondiale tendent à se rééquilibrer. Mais, malgré tout, les mêmes interrogations et zones d’ombre subsistent : pourquoi en est-on arrivé là, pourquoi ne tire-t-on pas les leçons du passé, une telle crise peut-elle se reproduire, comment expliquer les failles de la finance mondiale, et surtout quand et comment espérer la sortie de crise ? Le livre "L'après crise en 60 leçons" de Sandrine Voizot donne quelques éléments de réponse.

Sandrine  Voizot

Sandrine Voizot

Sandrine Voizo est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Elle est analyste financier indépendant depuis 1997. Présidente de la commission banque-assurance de la Société française des analystes financiers (SFAF), membre du comité stratégique du fonds Biotech Promise, elle travaille actuelle- ment pour des sociétés de gestion et des associations professionnelles.

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Paradoxe hexagonal : alors que les ménages ont plutôt moins recours au crédit que leurs homologues européens, la dette de l’État ne cesse, quant à elle, de battre des records, en particulier cette année. Perspectives.

L’Etat dépensier compulsif  ?

Un État peut-il vivre à crédit ? La réponse est oui. Un ménage français peut-il souscrire chaque année des emprunts pour financer ses dépenses courantes ? La réponse est non. Il a de fortes chances de trouver porte close auprès de sa banque et d’être classé immédiatement dans les clients douteux. Tel n’est pas le cas de l’État qui peut emprunter à sa guise et à guichet ouvert sans jamais rencontrer de sanctions de la part de ses prêteurs. À l’inverse, les ménages – tout comme les entreprises privées – sont assujettis à des règles strictes afin de ne pas dépasser leurs capacités d’emprunt. S’ils dépassent ce seuil, ils sont alors contraints de subir une procédure de surendettement pour apurer leurs dettes. Pire, un individu majeur incapable de gérer son budget est placé sous tutelle financière par le juge. Or, pas de contraintes comparables pour les États : s’ils ne parviennent pas à rembourser leur dette et que leur viabilité économique est menacée, le FMI se porte à leur secours. L’État en difficulté risque alors tout au plus de se voir imposer une politique d’ajustement structurel, terme pudique pour désigner une politique budgétaire rigoureuse et des réformes de structures afin de restaurer l’équilibre des finances publiques.

Qu'entend-on par dette publique ?

La dette publique en France désigne la dette des administrations publiques françaises : l’ensemble des engagements financiers, sous forme d’emprunts, pris par l’État – comme les obligations du Trésor –, les collectivités territoriales et les organismes publics français (entreprises publiques, organismes de sécurité sociale). Ici encore, le mode de calcul est plus favorable à l’État qu’au secteur privé. Il n’inclut pas les factures impayées et autres créances de ces administrations. Autre dérogation par rapport à la comptabilité privée : la dette publique n’intègre pas les engagements hors bilan comme les engagements sociaux, essentiellement les retraites non financées des fonctionnaires. Le rapport Pébereau de 2005 avait ainsi appliqué au calcul de la dette publique les méthodes comptables des entreprises du secteur privé. Résultat explosif : il faudrait ajouter au total actuel 900 milliards d’euros !

Un dérapage depuis trente ans

La dette évolue en fonction du déficit budgétaire : quand ce dernier augmente, la dette progresse également pour en financer les dépenses. Or, depuis 1979 – dernier budget français voté en excédent –, celle-ci ne cesse de flamber. En 1981, elle atteignait 22 % du PIB, puis plus de 30 % au milieu des années 80. Pourtant, à partir de 1992, les critères de Maastricht limitent ce pourcentage à 60 % du PIB. Sans effet : la France ne cesse de dépasser ce plafond à partir des années 90. Fin 2008, la dette publique française atteignait 68 % du PIB et a encore franchi en 2009 un nouveau record à 77 % du PIB. La charge de la dette – soit le paiement des seuls intérêts – a ponctionné cette année-là l’équivalent de 2,5% du PIB. En 2009, la France a aussi battu son record d’emprunts en émettant 145 milliards d’euros à moyen et long terme (contre 128 milliards l’année précédente). En 2013, au total, les émissions se sont élevées à 191,8 milliards d’euros. À l’inverse, l’Allemagne vient d’inscrire une limitation de son déficit budgétaire à 0,35 % du PIB dans sa Constitution d’ici à 2016.La crise aggrave-t-elle la dette ?

En période de conjoncture économique favorable, la dette publique tend à diminuer, sans action du gouvernement, grâce à de meilleures rentrées fiscales. À l’opposé, dans un contexte de crise, la dette progresse sous l’effet de la contraction des recettes et de la montée des dépenses publiques. La crise actuelle marque de ce point de vue un tournant inédit : les plans de relance et les injections de liquidité aux banques propulsent les dettes publiques à des niveaux records. À l’échelle mondiale, les États ont émis un niveau record en 2009 : 3 000 milliards d’euros, soit le double des émissions de 2008. Ce chiffre reste élevé depuis lors.

Qui paiera l'addition ?

Pas de miracle : la flambée de la dette se traduit inéluctablement par de nouvelles hausses d’impôt pour le contribuable. Ces hausses seront d’autant plus importantes en France que l’absence de réformes structurelles ne permet pas encore de réduire la dépense publique. Pour la première fois depuis l’après-guerre, la génération des baby-boomers ne léguera à la génération suivante que des dettes… Autre incidence de ce déséquilibre des finances publiques : une montée de l’inflation à moyen terme. Enfin, l’ampleur des politiques publiques actuelles entretient une bulle des marchés obligataires susceptible d’éclater à long terme en cas de hausse des taux directeurs.

Extrait de "L'après-crise en 60 leçons" de Sandrine Voizot, publié aux édtions Michalon. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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