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Réparer les dents au laser, c'est pour demain ?
©REUTERS/Mohamed Nureldin Abdallah

On n'arrête pas le progrès

Des scientifiques américains viennent de réaliser des essais cliniques montrant qu’ils peuvent déclencher des cellules souches dentaires qui vont ensuite se spécialiser pour recréer la dentine, un tissu qui est la principale substance de la dent. Pour réussir, ils ont fait rayonner un laser de faible puissance sur les dents de rongeurs. Des travaux prometteurs...

Catherine Chaussain

Catherine Chaussain

Professeure à la faculté de chirurgie dentaire de l'Université Paris Descartes, Praticien hospitalier dans le service Odontologie Bretonneau (AP-HP), et directrice du laboratoire Pathologies, Imagerie et Biotherapies orofaciales (Paris Descartes), elle s'intéresse tout particulièrement à la formation et à la régénération de la dentine en situation normale et dans le cadre de maladies rares.

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Atlantico : En quoi cette découverte des scientifiques américains publiée dans "Science Translational Medicine" (voir ici) est-elle très intéressante ? 

Catherine Chaussain :Quand le dentiste traite une carie profonde, il peut arriver qu’il y ait une blessure au niveau de la pulpe, pouvant conduire à sa nécrose et consécutivement à un traitement endodontique (éviction totale de la pulpe et remplacement par un matériau inerte). Or une dent dévitalisée présente un risque de fracture et de réinfection plus important. Dans la pulpe dentaire, il y a des cellules souches mésenchymateuses dormantes et l’idée c’est de les stimuler pour réparer le plus rapidement possible la brèche. Depuis de nombreuses années, les dentistes utilisent des matériaux de coiffage tel l’hydroxyde de calcium pour les stimuler . Récemment, sont apparus des biomatériaux de coiffage plus performants à base de phosphate tricalcique qui induisent la formation rapide de superbes ponts de dentine réparation. Les scientifiques américains, eux, se sont dit qu’au lieu de mettre des matériaux de coiffage classique, peut-être qu’en stimulant avec de la lumière on va accélérer considérablement la reconstruction. Ils ont montré quelles voies moléculaires étaient activées et prouvent que quand les cellules sont traitées les marqueurs de différenciation s’expriment plus vite. Avec cette méthode, on active mais on n’implante pas. La différence, c’est qu’ils proposent de traiter la blessure pulpaire avec un laser réglé à une longueur d'ondes bien particulière  pour stimuler les cellules souches de la pulpe au lieu de mettre un matériau de coiffage. C’est une nouveauté mais ce n’est pas une révolution. Ils testent leur traitement sur des cellules de la pulpe en culture et dans un modèle de blessure pulpaire chez le rat. Leurs travaux montrent au final une augmentation de la vitesse de la réparation chez les rongeurs mais elle n’est toutefois pas de meilleure qualité. Ce qu’ils obtiennent chez les rongeurs n’est pas très spectaculaire.

Quand cette méthode pourrait-elle voir le jour pour les patients ? Pour le moment, les scientifiques n’ont pas encore réussi à stimuler et à reconstruire entièrement la dent mais est-ce imaginable à l’avenir si les essais cliniques sont approuvés ?

Cette découverte est intéressante mais il faut apporter la preuve de ce concept. Les dents des rats ne sont pas un modèle idéal. Un rat ne mastique pas comme nous, c'est un rongeur. Il faut désormais passer à un modèle d’animal comme le mini-porc pour obtenir des résultats pré-cliniques plus solides.Tout dépend si les travaux se poursuivent mais si ça marche, ça sera une bonne chose. Il faut savoir que le laser est déjà très utilisé en dermatologie, dans la chirurgie esthétique, et même par certains chirurgiens-dentistes. A mon avis, la suite des expérimentations est la suivante : vérifier chez un animal avec un anatomie et une fonction des dents plus proches de l'homme, puis initier des études cliniques en milieu hospitalier.

Quel sera le coût pour le patient et quels peuvent être aussi les risques sanitaires ?

Il n’y aura aucun risque sanitaire si le laser est aux normes. Ce qu’il faut c’est déterminer la bonne longueur d’ondes pour ne pas brûler la pulpe et faire différencier les cellules. Il est pour le moment difficile d’imaginer le coût éventuel.

Cette découverte inaugure-t-elle un avenir prometteur à la fois au niveau dentaire mais aussi plus généralement pour la médecine ? On peut penser que la même méthode pourrait être appliquée pour reconstruire les tissus musculaires cardiaques, traiter les inflammations ou réparer des blessures…

Je pense que c’est intéressant car cette découverte souligne de nouveau à quel point la pulpe dentaire dispose de formidables potentiels de régénération grâce à ces cellules souches qui sont extrêmement réactives. 

Pour les autres domaines chirurgicaux, il faut voir et tester organe par organe. Tout dépend de ce qu’on veut faire à ces cellules souches et quel type de réparation, mais pourquoi pas. 

Où en est-on actuellement en ce qui concerne la médecine régénérative ?

Aujourd’hui pour soigner les caries profondes on dispose de matériaux comme la BioDentine® un ciment français qui fait très bien et très vite régénérer la pulpe dentaire. On peut ainsi limiter la dévitalisation de la dent. En ce qui concerne la régénération de la pulpe avec des cellules souches nous en sommes aux essais chez les animaux, tandis que pour refaire complètement les dents avec des cellules souches on en est encore au stade expérimental. C'est enthousiasmant !

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