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Anthologie des cruautés politiques : quand sexisme, machisme et misogynie font rage
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Bonnes feuilles

Patrice Duhamel et Jaques Santamaria invitent à découvrir, sous la forme d'un dictionnaire, les personnalités, les discours, les décisions et les duels politiques les plus cruels. Extrait de "Les flingueurs", publié chez Plon (2/2).

Patrice  Duhamel

Patrice Duhamel

Patrice Duhamel a suivi de près toutes les campagnes présidentielles depuis 1974, comme journaliste politique puis patron de différents médias. Directeur général de France Télévisions de 2005 à 2010 aux côtés de Patrick de Carolis, il a publié, avec son frère, Alain Duhamel, et Renaud Revel Cartes sur table (Plon, 2010).

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Jacques  Santamaria

Jacques Santamaria

Réalisateur et scénariste, Jacques Santamaria a signé plusieurs épisodes de la collection à succès Chez Maupassant et adapté pour la télévision Georges Simenon et Patrick Modiano. L'exercice du pouvoir est au cœur de deux de ses films, La Reine et le Cardinal et Louis XI, le pouvoir fracassé.

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Elle s’appelle Véronique Massonneau. Cette députée écologiste de la Vienne s’interrompt, stupéfaite, lorsqu’elle entend à quelques mètres d’elle un collègue imiter le caquètement de la poule pendant qu’elle intervient dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites. Le machiste du jour, c’est Philippe Le Ray, député apparenté UMP du Morbihan. Il est 22 h 30 ce mardi 8 octobre 2013. Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, met aussitôt fin à la séance. Colère, incrédulité.

ès le lendemain matin, le buzz se déclenche. Les réseaux sociaux se déchaînent. Le coupable est sanctionné à l’unanimité par le bureau de l’Assemblée. Il sera privé d’un quart de son indemnité pendant un mois. Scène de sexisme ordinaire.

Sur le terrain politique, cet épisode navrant n’est pas exceptionnel. Les exemples sont si nombreux qu’il serait fastidieux et laborieux de vouloir en dresser une liste exhaustive. Mais certains méritent d’être rappelés.

Palais de l’Elysée, sous la présidence du général de Gaulle. Ce soir-là, le Président a invité à dîner d’anciens camarades de Saint-Cyr. L’un d’entre eux, un général lui aussi, interroge le plus sérieusement du monde l’homme du 18 Juin. « Pourquoi avez-vous donné le droit de vote aux femmes ? », allusion à l’ordonnance du 21 avril 1944 prise depuis Alger par le Comité français de libération nationale. Selon plusieurs témoins, de Gaulle hésite entre la surprise, le rire et la colère. Il choisit l’humour. « Je me suis en effet demandé si je n’avais pas commis une erreur. Mais je crois qu’il y en a eu une pire encore : c’est quand j’ai décidé de laisser le droit de vote aux militaires ! » Les mêmes témoins ont raconté plus tard que la boutade, très gaullienne, n’avait déclenché que quelques rires polis et gênés…

Dans l’histoire politique, le sexisme est partout, cruel par nature, discret ou affiché, brutal ou feutré, provocateur ou allusif. Dans la période récente, il y a les affirmations sexistes incontournables : « La présidentielle n’est pas un concours de beauté », « Femme, ce n’est pas un programme politique », et bien d’autres, toutes de même nature, toutes dans le même sens, toutes répétées à l’envi, sous le manteau ou plus ouvertement. Ce sont les éléphants socialistes qui, pour la plupart, ironisent sur les capacités de Ségolène Royal lors des élections primaires au parti socialiste, puis pendant la campagne présidentielle de 2007. C’est François d’Aubert, alors député UDF de la Mayenne, qui, en 1991, compare Edith Cresson, la première femme Premier ministre sous la Ve République, à la Pompadour. Curieusement, le sexisme n’est pas un monopole masculin, même si, bien sûr, il est très marginal chez les femmes. Mais il y a parfois des exceptions, comme ce jour où Valérie Pécresse, hostile au congé parental, se demande si « le plus grand nombre de pères ont envie de changer les couches ». Et puis, il y a ces moments irréels, presque indéfinissables, où le sexisme apparaît au grand jour, assumé, presque revendiqué. Cette séance des questions d’actualité, à l’Assemblée nationale, en juillet 2012, lorsque l’ancienne ministre Cécile Duflot est sifflée sur les bancs de la droite parce qu’elle porte une robe à fleurs. Et ce débat au Sénat, en janvier 2013, pendant lequel une sénatrice socialiste de l’Oise, Laurence Rossignol, nommée au gouvernement en avril 2014, est interrompue par un très audible « C’est qui, cette nana ? », lancé par un sénateur UMP de Haute-Marne, Bruno Sido. L’épisode est d’autant plus symbolique que la sénatrice intervenait sur la… parité aux élections cantonales. Quant au sénateur, il a reçu la palme de la « misogynie beauf » de la part d’une Laurence Rossignol connue pour ses engagements féministes.

« On ne prend pas une femme par le raisonnement, on ne la prend pas par la prière, on la prend tout court » : signée Napoléon Ier, cette analyse politique et psychologique de haut niveau donne une idée très claire du sexisme ordinaire au XIXe siècle dans les cercles du pouvoir. Aujourd’hui, par-delà les épisodes éclairants précédemment évoqués, le machisme a bien entendu reculé. Les courageux combats des femmes ont largement porté leurs fruits. Et cette bataille traverse désormais les partis et les courants. Ainsi, fin novembre 2013, un manifeste est signé par une cinquantaine d’élues. Son titre : « Sortons la politique du Moyen Age ». Ce texte, très combatif, est soutenu par les deux candidates aux municipales à Paris, Anne Hidalgo et NKM, mais aussi par Eva Joly, Rama Yade et Chantal Jouanno. Mais, si la mobilisation est aujourd’hui permanente, le sexisme reste présent sur la scène politique. Plus discret, moins bruyant, plus silencieux, moins outré. Mais toujours aussi blessant. Et méprisable

Extrait de "Les flingueurs", de Patrice Duhamel et Jaques Santamaria, publié chez Plon, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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