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Le Monde en crise et en "pleine dérive libérale"... Et vlan, encore une montée de fièvre des confus de l’idéologie
©Reuters

Aveuglement

La directrice du journal Le Monde a annoncé sa démission après trois mois de crise interne au quotidien. En cause : le rejet par une partie de l'équipe des journalistes d'un projet de mobilité d'une cinquantaine de postes du papier au numérique. Un projet décrié qui a amené à de bien curieuses accusations.

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann a été journaliste dans la presse financière et trésorier d'un parti politique. Depuis 18 ans, il est associé d'un cabinet de consultants indépendants, spécialisé en gestion de risques et en crédit aux entreprises. Il est executive chairman d'une structure active dans 38 pays à travers le monde. Il est l'auteur d’une enquête très documentée : Ils ont acheté la presse, nouvelle édition enrichie sortie le 13 janvier 2015, éditions Jean Picollec.

Le débat continue sur Facebook : ils.ont.achete.la.presse et [email protected].

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Atlantico : Le départ de Natalie Nougayrède du Monde marque, après ceux de Vincent Giret et Michel Guerrin une semaine plus tôt, la fin d'un long conflit entre la direction du quotidien et la rédaction. De nombreux journalistes reprochaient en effet un virage libéral du titre. Ce virage est-il avéré au regard de la ligne éditoriale actuelle du journal ?

Benjamin Dormann : La France est le seul pays en Europe où la plupart des rédactions a une préoccupation essentielle en tête : est-elle assez à gauche ? Ce qu’elle appelle un "virage libéral", n’a pas grand-chose à voir avec le libéralisme dont le principe fondamental consiste à laisser le marché régir son fonctionnement, ce qui signifierait notamment agir en fonction du choix des lecteurs (les "clients"). Dans une presse, anormalement politisée, la question centrale est la même qu’au cœur du PS : sommes-nous assez à gauche ?

Selon plusieurs journalistes, les réorganisations des services mais aussi le choix des rubriques et des sujets privilégiés trahissait cette réorientation. Qu'en est-il ?

Plusieurs journalistes souhaitent pouvoir conserver leur habitude d’être les juges moraux et politiques des choix éditoriaux. Qu’importe si les ventes se redressent, comme l’affirme le DG du Monde, la tribunal rédactionnel a tranché : "crise, car dérive libérale". Pouvoir décerner les bons points  et juger de qui est assez à gauche et qui ne l’est pas reste  profondément ancré dans leur culture,

L’échec financier patent de notre presse, gavée de subventions, (bien au-delà des chiffres communiqués par la presse elle-même et le ministère de la Culture, complices sur le sujet) et seule profession à avoir l’indécence de réclamer et obtenir une forte de baisse de TVA, sur le numérique, fait qu’il ne leur reste que les débats politiques pour continuer à assouvir leur sentiment de supériorité. A défaut d’avoir économiquement raison, leur reste le sentiment inaltérable d’avoir politiquement raison.

Mais derrière l’agitation des débats idéologiques se cache en fait un profond conservatisme. Bien que membres autoproclamés du camp du bien, ou encore "force de progrès", "contre les conservateurs de droite", en réalité, la vrai peur de nombre de ces journalistes est celle du changement et de la menace sur leur emploi. (en partie à juste titre, d’ailleurs). S’ils pouvaient, certains demanderaient le statut de fonctionnaire, au ministère de la culture pour "sanctuarisaer" leur poste. Le projet de 50 journalistes, dont les postes évoluent du papier vers le web,  suffit à déclencher une grève, sous couvert de "menace de déclassement". Message charmant au passage aux milliers de lecteurs du web, qui semblent ignorer qu’ils sont toujours perçus comme des "sous lecteurs" par les rédactions. Il reste une noblesse non abolie en France : celle du papier !

Comment qualifier la ligne du Monde pré-Nougayrède ? Celle-ci était-elle viable ?

Le problème n’est pas la ligne de X ou de Y. Le dilemme est plus profond et plus ancien. Comme à Libération, les rédactions se sont réjouies de l’arrivée d’actionnaires non professionnels des média, quoi qu’ils en disent, mais clamant bien haut leur engagement de gauche. Puis ils ont nommé à la tête des rédactions un ou une journaliste (Demorand et Nougareyde), sans aucune expérience managériale, mais là encore avec l’approbation des rédactions qui ne reconnaissent comme dirigeant que l’un des leurs, fut-il sans expérience de management. Et on voit aujourd’hui le résultat de ces erreurs répétées, qui, une fois encore, n’ont pas d’équivalent dans les autres pays, trop concentrés à eux aussi gérer une mutation technologique délicate. Tant que nous aurons des rédactions et des actionnaires à ce point politisés, nous aurons inlassablement ces débats de "sous-courant" de partis, qui ressemblent à des réunions de section de PS, au lieu d’assister à des débats sur comment mieux informés ses lecteurs.

Plus fondamentalement, la position des actionnaires semble être en conflit avec celle des journalistes ? Comment en sortir ? A quoi pourrait ressembler le Monde demain ?

Le capitalisme étant ce qu’il est, les journalistes en sortiront comme d’habitude, par la porte qu’ils prendront de force, en gémissant que leurs nouveaux actionnaires les ont trahis. Nous avons connu cela avec Fottorino, Plenel et tant d’autres… Pierre Bergé expliquait au moment de la reprise du quotiden que la rédaction du Monde était remarquable, et qu’il faudrait même embaucher d’avantage de journalistes. Apparemment, certains l’avaient cru. La naïveté a toujours quelque chose de touchant. A quoi ressemblera Le Monde de demain ? A Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé. Et pour avoir publiél’ouvrage "Ils ont acheté la presse", je suis bien placé pour savoir combien il est bien difficile dans ce pays d’écrire et de publier librement ce que l’on en sait et ce que l’on en pense. En attendant, on annonce le retour probable de Laurent Joffrin à Libération. Pas de doute, la presse française est en plein redressement et en pleine mutation

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