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Ségolène Royal : 
une néo-Gaulliste au banc d'essai
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Elle vous a compris

La candidate socialiste souhaite derrière elle un rassemblement jusqu'à la "droite gaulliste". Vincent You, l'un de ses opposants en région Poitou-Charentes dénonce "une supercherie particulièrement bien rodée".

Vincent You

Vincent You

Vincent You est directeur d’hôpital en Charente. Conseiller Régional de Poitou-Charentes entre 2010 et 2016, il est, depuis avril 2014, Adjoint au Maire d'Angoulême chargé des finances et de la commande publique et, depuis décembre 2015, vice-président de GrandAngoulême chargé de l'urbanisme et du PLUI.

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La phrase de dimanche qui en dit long, c’est celle-ci « On reconnaît que je suis capable de faire cette alliance, dont les Français ont besoin, entre des valeurs traditionnelles - je veux que la France retrouve ses valeurs fondamentales : les valeurs de la famille, les valeurs de l'Éducation nationale, de la santé publique (...) les valeurs de la sécurité et les valeurs républicaines qui sont gravement mises à mal ».

Disons le tout net : si la gauche non-collectiviste pouvait effectivement tourner la page des revendications libertaires, du jeunisme généralisé et du catéchisme utilitariste, il est probable qu’elle trouverait un nouvel électorat. De fait, il s’agit de ceux qui ont pu vibrer aux accents du Général, aux appels des papes, aux péripéties de la droite anarchiste et littéraire ou aux coups de gueule de Philippe Séguin. Bref, cette France qui ne reconnaît aucune valeur en soi à l’argent, cette mystique qui ne voudra jamais se résoudre aux manœuvres de partis ou au vote utile exhibé un an à l’avance, cette noblesse de cœur qui préfère combattre pour des principes que de gagner un plat de lentilles.

C’est bien cet électorat qui est aujourd’hui en déshérence. La plume de Guaino ne suffit plus ; la mèche de Borloo ne suffit pas et la haine de Villepin bloque tout.

Est-ce donc à Ségolène de réussir le rapt ? Peut-elle réussir à incarner « valeurs fondamentales: les valeurs de la famille, les valeurs de l'Éducation nationale, de la santé publique » ? Une illustration suffit à démontrer la supercherie, même s'il s’agit d’une supercherie particulièrement bien rodée.

Un rapt en 3 temps : celui des valeurs traditionnelles par Ségolène Royal

Premier temps : dénoncer un tabou. En l’espèce : le nombre croissant d’IVG chez les mineures. Le temps où le nombre d’IVG était un simple signe de libération est caduc. Place à une réflexion un peu plus profonde ?

Deuxième temps : imposer son idée contre tous les conservatismes. En l’occurrence : la Région va rendre anonyme et gratuit l’accès à la contraception pour les collégiennes et lycéennes. La Pass-Contraception est né, nouveau chéquier en Poitou-Charentes, nouvelle clientèle aussi… Lutte contre la rectrice, lutte contre (une part de) l’opposition, lutte (un temps seulement !) contre le Ministre… bref, l’occasion de montrer une politique originale qui sort des sentiers classiques et n’hésite pas à voir en face les urgences nouvelles.

Troisième temps : imposer la conclusion que Ségolène Royal est à la fois traditionnelle et moderne. Elle a donc les talents nécessaires pour gouverner un pays comme la France. Elle regarde l’IVG des jeunes en face, sans en faire une victoire ni pleurer comme une madeleine. Elle imagine de nouvelles réponses. Elle secoue les administrations et les politiques. Le tour est joué ?

Derrière le discours, la réalité des décisions...

Les valeurs familiales ? Un système a été mis en place pour délégitimer les parents à un moment sensible et crucial. Alors que les meilleures expériences montrent la nécessité de veiller à ce que tous les adultes tiennent le même discours, éventuellement en remettant les parents dans leur responsabilité, le Pass viendra les mettre hors jeu. A force d’être construit par des générations qui n’ont jamais parlé de sexualité avec leurs enfants, la Pass implique un fonctionnement où les parents actuels seront contournés lorsque leurs enfants rechercheront à avoir un dialogue sur leur sexualité. Inutile dès lors de vouloir réhabiliter l’autorité parentale.

L'Éducation nationale ? S’agit-il des pédagogues des années 1980 ou des hussards du XIXe siècle ? Le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes loin de Jules Ferry dans sa lettre aux instituteurs ! Mais nous sommes aussi à l’opposé de ce que peuvent dire des professionnels de l’éducation spécialisée actuels (voir notamment le guide sur l’autorité parentale fait par l’agence nationale qu’est l’Anesm : c’est le meilleur exemple du hiatus français sur les questions de sexualité adolescente : le discours sanitaire écrase toutes les considérations éducatives que l’on cherche pourtant à promouvoir). Sur ce point, Mme Royal est finalement d’une orthodoxie absolue avec la pensée dominante (et la législation) du moment : sous couvert d’éducation, dès qu’il s’agit de sexualité, on ne parle plus que de sanitaire… peut on trouver un meilleur exemple de démission ?

La santé publique ? Là au moins, il est logique de parler de sanitaire et de soignants ! Pourtant, le nouveau chéquier anonyme et gratuit est le produit d’un amateurisme méthodologique qui s’apparente mal aux politiques de santé publique. En l’espèce, voter sur le budget de la région le financement de consultations médicales s’apparente à un amateurisme problématique.

Amateurisme plutôt que gaullisme ?

Amateurisme lorsque la région fait le choix de réserver ces consultations aux seuls médecins libéraux : pourquoi la prévention ne serait elle pas possible dans le cadre de consultations hospitalières ? Avons-nous conscience que cette discrimination se traduira mécaniquement par des baisses d’activité dans les services hospitaliers qui n’ont pas besoin aujourd’hui d’être fragilisés et mis à l’écart ?

Amateurisme surtout lorsque le choix est fait de fermer les yeux sur la réalité. Aujourd’hui, la France a deux records : celui du recours à l’IVG et celui de l’utilisation de contraceptifs. A force de penser diminuer le premier en augmentant le second, on a totalement fait abstraction de ce Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’Inserm, évoque en parlant de « changement de norme procréative ». Aujourd’hui, pour un même taux de grossesses non prévues, on recourt plus facilement à l’IVG  : chez les 14-15 ans, on est passé de 65% de grossesses non désirées interrompues en 1990 à 79% en 2005, et de 54% à 67% chez les 16-17 ans sur la même période…

Amateurisme enfin, lorsque chaque région se met à ouvrir la porte à une couverture maladie variable selon ses options. L’Ile de France vote un Pass Contraception pour les jeunes filles de 2nde, Ségolène Royal imagine son dispositif dès le collège, d’autres régions demain pourront ajouter leur originalité dans des logiques locales… tout cela n’aura comme première conséquence que de rendre les pratiques variables donc inégales selon les lieux et illisibles pour les utilisatrices.

Tout cela fragilise notre sécurité sociale. Les plus libéraux en ont rêvé, ce sont les différentes majorités régionales socialistes qui en seront les artisans zélés ! Au risque de paraître désuet : faut-il rappeler que lagestion paritaire de notre sécurité sociale, et le vote parlementaire des budgets et des politiques de santé ne sont pas des archaïsmes ? Ils sont, au contraire, la garantie de l’égale attention apportée à chacun dans tous les points du territoire…. Inutile donc là encore de parler de valeurs de santé publique.

A l’épreuve des faits, la profession de foi sur les valeurs de Ségolène Royal ne passe pas la rampe. Derrière ses déclarations, elle reste la fille obéissante du croisement entre un réflexe collectiviste et une doxa libertaire. Si les centristes humanistes et les gaullistes y regardent de près, ils ne devraient pas y retrouver leurs petits !

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