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Le nouveau Premier ministre Najib Mikati, dont le gouvernement est dominé par le Hezbollah.
Le nouveau Premier ministre Najib Mikati, dont le gouvernement est dominé par le Hezbollah.
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Liban

Le Tribunal spécial pour le Liban qui enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafiq Hariri a remis un premier acte d'accusation. Quatre mandats d'arrêt ont été délivrés contre des membres du Hezbollah. Pour Joseph Bahout, chercheur à Sciences-Po, cette décision va "mettre le feu à une poudrière libanaise déjà sous tension".

Joseph  Bahout

Joseph Bahout

Joseph Bahout est doctorant à Science-Po Paris.

Joseph Bahout a été professeur à l’Université Saint-Joseph (USJ) à Beyrouth, et chercheur au Centre d’Etudes et de Recherches sur le Moyen-Orient-Contemporain (CERMOC) au Liban entre 1993 et 2005.

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Atlantico : Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), enquêtant sur l'assassinat de Rafiq Hariri a remis ce jeudi 30 juin un acte d'accusation scellé et des mandats d'arrêt au procureur à Beyrouth ? De quoi est-il question, et quelle est l’origine de ce Tribunal ?

Joseph Bahout : Il est acté depuis près de quatre ans par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée à l’unanimité, qui faisait suite à une initiative sponsorisée par la France et les Etats-Unis. La résolution a donné lieu à la mise en place d’une commission d’enquête puis à la création de ce fameux Tribunal spécial pour le Liban (TSL), un objet assez bizarre puisqu’il mêle plusieurs droits et juridictions. Ce n’est pas un tribunal sous la direction de la Cour criminelle internationale, ni un tribunal libanais. Il s’agit d’un tribunal mixte pour statuer sur l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri et six ou sept autres attentats ou tentatives d’assassinat qui ont suivi.

La commission d’enquête travaille depuis des années et cela fait un an et demi que l’on dit souvent que l’acte d’accusation était imminent. Et là, le suspense est enfin clos. Pourquoi cela a-t-il traîné ? Pour des raisons techniques, des compléments d’enquête. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une raison politique. Mais je ne peux pas le prouver. Ce sont des procédures longues, compliquées. Souvent, la commission a été suspectée de politisation, son travail est très loin d’être transparent. On peut soupçonner des interférences. Il y a eu beaucoup de fuites, aussi. Quatre officiers supérieurs de la sécurité libanaise ont été mis en prison pendant plusieurs mois, ils auraient été incriminés dans cette affaire : aujourd’hui, on se rend compte qu’il n’en est rien… 

Le suspense, toutefois, ne se clôt que relativement. Contrairement à ce qui est dit dans le droit romain, le droit français, l’acte d’accusation ne clôt pas l’enquête, elle se poursuit même si le tribunal continue la mise en jugement des accusés. Il faut donc attendre d’autres actes d’accusation qui viendront…

Il va se jouer, à partir de maintenant, un poker. Des cartes vont s’abattre progressivement les unes après les autres. Pour l’instant, l’acte ne comporte que quatre noms de personnes qui appartiennent à la mouvance du Hezbollah. Y aura-t-il des gens proches du régime de Bachar Al-Assad ? On le saura plus tard.

C’est maintenant une réalité politique et judiciaire, et plus qu’une spéculation : il y a un soupçon fort, une accusation vis-à-vis de membres importants dans la hiérarchie, dans le commandement du Hezbollah. C’est une petite bombe qui mettra le feu à une poudrière libanaise qui chauffe depuis un moment.

Le nouveau Premier ministre Najib Mikati, dont le gouvernement est dominé par le Hezbollah et ses alliés, devait annoncer le programme de politique générale de son cabinet…

L’acte d’accusation aura un impact. Ce qui est amusant, c’était la course entre la déclaration ministérielle en cours d’achèvement et l’imminence de l’acte d’accusation. Le fait que celui-ci ait précédé la déclaration ministérielle rend les choses plus faciles : le Premier ministre pourra user au Conseil des ministres d’une formule assez vague sur l’acte d’accusation pour désamorcer la pression, la tension qui va dominer sur la scène politique. Ce sera du type : « Le Liban maintient ses engagements au niveau international et nous cherchons à assurer la stabilité de sa société », un « ni-ni » pour gagner du temps.

Le problème, c’est de savoir si la justice internationale, la communauté internationale, et les ayant droits libanais, autrement dit le camp du « 14 mars » de Saad Hariri, vont vouloir aller plus loin dans la réclamation des incriminés - ce qui est illusoire. Politiquement, cela signifierait que l’on actionne la justice libanaise : lancer des mandats d’arrêt, créer des tensions sur le terrain.

Les autorités libanaises peuvent au contraire aussi dire : « Les accusés, on ne peut pas les chercher ». Si tel est le cas, le Conseil de sécurité voudra-t-il, sous forme de pression, sanctionner le Liban ?

Et, en deuxième lieu, comment va réagir le Hezbollah ? Va-t-il dire, comme il l’a fait jusque maintenant : « Nous ne sommes pas concernés par cette affaire, c’est un tribunal fantoche, on ne croit pas un mot de ce qui est dit dans le rapport. » ? Ou alors : « C’est un complot visant à nous étrangler. ».

Le pays est totalement déchiré depuis cinq, six ans, la situation ne tient qu’à un fil. La situation politique risque encore de s’aggraver, l’acte d’accusation n’arrangeant pas les choses, c’est une source de tension supplémentaire. Cela risque de compliquer les plans syriens et libanais. Les partis peuvent peut-être calmer le jeu… On verra.

Le tribunal va commencer à fonctionner en octobre, il peut juger par contumace les prévenus si on ne les a pas attrapés. Si on découvre que se cache derrière les 4 personnes des systèmes comme l’Iran, cela peut devenir très grave

Qu’en est-il du refuge de Saad Hariri en France ?

On en a trop dit sur cette affaire. Il est un peu fatigué et il a un peu peur car cela tangue dans la région en ce moment. Il n’y a pas de risque sérieux sur sa vie mais c’est un avis personnel.

Beaucoup de gens ont certes des raisons de lui en vouloir : d’abord, ceux qui ont tué son père, on ne sait pas qui c’est ; ensuite, ses ennemis politiques, ainsi qu’une partie de l’appareil syrien qui pense peut-être qu’il a poignardé la Syrie dans le dos en soutenant la révolte populaire du moment. Mais tout le monde est menacé. Ce n’est peut-être que des vacances prolongés.

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