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Après Bouygues Telecom, le déluge ? Quand La France paie cash l’absence d’un tissu de PME pour amortir les déboires de ses champions nationaux
©Reuters

Entreprises en berne

La récente annonce d'un plan social conséquent chez Bouygues illustre les difficultés de plus en plus récurrentes des champions de l'économie française dans la mondialisation. Un fait qui doit beaucoup à l'insouciance de dirigeants qui ne s'étaient déjà pas inquiétés des difficultés des petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui, ce sont les grandes qui trinquent et les deux phénomènes ne sont pas dissociés...

Alain Fabre

Alain Fabre

Alain Fabre est Conseil indépendant en Fusions & Acquisitions. Il est aussi expert économique auprès de la Fondation Robert Schuman, de l'Institut de l'Entreprise et du mouvement ETHIC. 

Il a récemment publié Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social?, Institut de l'Entreprise, septembre 2013. 
 

Il a publié pour l'Institut de l'Entreprise L'Italie de Monti, la réforme au nom de l'Europe et Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social

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Atlantico : PSA, Alstom... et maintenant Bouygues Telecom. Plusieurs grands noms de l'économie française semblent aujourd'hui en difficulté. Jusqu'à quel point nos "champions nationaux" forgés pour la plupart à la fin des années 60/70 se trouvent-ils dans une situation délicate aujourd'hui ?

Alain Fabre : Depuis les années 1960, la France a fait se succéder deux politiques "industrielles" de sens contraire. Dans un premier temps, notamment sous De Gaulle puis sous Pompidou, nous avons construit une politique industrielle de type colbertiste ordonnée autour de secteurs industriels et d’entreprises choisis par l’Etat dans une logique d’indépendance nationale. Le moteur de cette action était la commande publique. Cette logique a été reprise par la gauche de 1982 avec ses filières. Puis la gauche française à partir de la fin des années a abandonné le monde de la production – recentrage théorisé par Terra Nova – pour se complaire dans les illusions de la société post-industrielle. La droite française qui a été à l’origine des privatisations poursuivies par la gauche jospinienne a également succombé aux sirènes de la société post-industrielle. De nombreux patrons ont repris les théories des entreprises sans usines. D’autres groupes comme Bouygues ont une tradition de relation forte avec l’Etat et le marché des télécoms s’est organisé dans une logique d’oligopoles. La mondialisation qui se traduit par une accélération de son centre de gravité de l’Europe vers les marchés émergents met en évidence le sous dimensionnement de nos entreprises, leurs faiblesses industrielles et financières. Leur très haut niveau technologique est un facteur important de motivation des grands groupes internationaux pour en prendre le contrôle. Nous sommes clairement dans une phase d’accélération de la désindustrialisation de l’économie française. Le poids de l’industrie française dans notre économie est au niveau de la Grèce et inférieur à celui de l’Espagne.

Ces grandes entreprises ont été voulues comme le "fer de lance" de l'économie française dans la mondialisation. A-t-on trop négligé dans le même temps d'appuyer ces grosses structures par un réseau d'entreprises plus modestes mais aussi plus dynamiques ?

Vous avez raison d’évoquer ce problème. Les années 1960, où nous avons théorisé les grands champions nationaux, étaient celle des managers et des grands groupes. En France, notamment les PME étaient considérées sous l’angle de la sous-traitance et on les considérait comme un héritage des temps révolus et du capitalisme de papa. La mondialisation a ouvert une séquence qu’on peut qualifier de ricardienne – celles des avantages comparatifs dans l’échange international – et de schumpetérienne – celle de la destruction créatrice de l’innovation entrepreneuriale. Un pays comme l’Allemagne mais pensons aussi à l’Italie, à l’Espagne réussit moins par ses grands groupes que par ses PME. Ces entreprises se positionnent sur des niches sur lesquelles elles sont imbattables et déploient leurs produits à l’échelle mondiale ce qui met en jeu de façon très puissante la dynamique des économies d’échelle. Bref en ce début de XXIe siècle, les champions cachés sont plus performants que les champions nationaux qui relevaient en réalité d’une économie peu ouverte voire autarcique.

Quel est aujourd'hui le coût de ce choix stratégique des "grands champions" pour notre industrie ?

Le résultat est dramatique. L’économie française est en voie d’effondrement sous le poids de prélèvements qui accaparent 18% de la valeur ajoutée contre 12% en Allemagne ou 14% en Italie. Les entreprises françaises disparaissent au rythme de 64000 par an. Elles ne peuvent ni investir ni innover avec des taux de marge de 28% contre 40% en Allemagne et en Italie. Le chômage explose malgré toutes les mesures destinées à la masquer que ce soit des subventions oud es embauches dans la fonction publique. Aujourd’hui le problème est que l’offre productive n’est pas capable de répondre à la demande.

Ce lent et progressif déclin de notre industrie est-il amené à se poursuivre sur les dernières années ? Dans quelles proportions ?

En la matière rien n’est irréversible comme le montre l’Espagne qui avait succombé aux sirènes des bulles financières et immobilières. L’effort doit porter sur la baisse du coût du travail qui est régi par l’Etat en France. Il faut rompre avec les 35 heures et le SMIC en donnant aux partenaires sociaux la liberté de le fixer de façon conventionnelle. Il faut sortir des délices et du soupçon de l’économie administrée pour faire de la confiance aux entreprises ce qui englobe leurs salariés, le levier de la croissance par le travail productif. 

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