Choc de modération salariale : Pierre Gattaz a-t-il raison de réclamer des efforts des salariés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz (Medef).
Pierre Gattaz (Medef).
©Reuters

Proposition immodérée

Attaqué sur sa rémunération variable en hausse de 29%, alors qu'il prône la modération salariale pour une durée de deux à trois ans dans le but de restaurer la compétitivité française Pierre Gattaz s'est exprimé ce dimanche 11 mai dans le JDD. Le patron du Medef n'en démord pas, selon lui "les hausses de salaire ne doivent pas s’éloigner de 1%".

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Il y a bien une logique dans le raisonnement de Pierre Gattaz. Les salaires ont continué de progresser en France, sur un rythme légèrement supérieur à l’inflation depuis l’entrée en crise. (Pour une augmentation réelle de 0,2% en 2011, 0,5% en 2010, et 1,2% en 2009). En 2012, pas d’augmentation en termes réels mais une progression de 2,2% tout de même. Pierre Gattaz peut donc effectivement pointer le fait que les salaires en France ont continué de progresser, malgré la crise. Le parallèle évident est que les marges des entreprises ont baissé. Cette progression des salaires empêche d’embaucher plus, ou d’ajuster le coût de la masse salariale autrement que par le licenciement. Par contre, on ne peut pas oublier que le calcul des salaires se fait pour les personnes… qui ont un emploi, et que le chômage n’est donc pas pris en compte dans le calcul de la progression du salaire moyen. 

Lors de la présentation de ses perspectives pour 2014, et 2015, l’OFCE indiquait que l’économie française était en surcapacité de 190 000 salariés. C’est-à-dire que le faible niveau de production actuel en France "justifierait" de licencier autant de personnes sans que cela ne vienne impacter les capacités des entreprises. Cette situation est corroborée par les statistiques de production présentées par l’INSEE qui indiquent que la France est actuellement à 80% de ses capacités, alors qu’en temps normal, ce taux est plus proche de 86%. Cela indique clairement que la masse salariale en France est trop importante par rapport à la demande effective et qu’un ajustement est véritablement nécessaire.

Cela étant, cette logique à la baisse ne vaut que si on accepte le fait que l’Europe est plongée dans une logique d’austérité et ce, de façon irrémédiable. Si cette politique ne peut être renversée et que la demande en Europe reste atone, la demande de Pierre Gattaz se réalisera. Et il sera sans doute moins douloureux de passer par la voie de la modération salariale que par la voie de licenciements supplémentaires pour ajuster les coûts.

Mais on pourrait également considérer que l’immobilisme monétaire européen est coupable, car c’est bien la BCE qui contracte la demande en Europe pour contraindre à un tel ajustement par le bas. La question qui se pose est ici la seule question qui vaille en Europe. Doit-on ajuster l’économie européenne au faible niveau de la demande, en licenciant, en baissant les salaires etc… c’est-à-dire une logique de déflation, ou alors doit-on demander à la BCE de relancer la demande par la voie monétaire pour permettre d'utiliser l'ensemble des capacités de production. La réponse devrait être évidente car une logique de déflation est une promesse de crise quasi perpétuelle. En effet, sans augmentations des salaires, pas de croissance de la consommation, ce qui provoquera un nouveau besoin d’ajustement. Une course infinie vers le bas.

La seule raison de ne pas accabler Pierre Gattaz sur cette question est qu’il est clair qu’un ajustement doit avoir lieu, dans un sens ou dans l’autre. Et que pour le moment l’exécutif français n’a pas bougé le petit doigt pour stopper la logique d'austérité monétaire en Europe. Des promesses seulement. Et les entreprises ont besoin d’agir.

Cet article a initialement été publié le 30 avril

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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