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Sacrifier l’euro pour sauver l’Europe ?
©Reuters

Diagnostic

Dans l'ouvrage qu'elle a coécrit avec Laura Raim, Benjamin Masse-Stamberger et Franck Dedieu, Béatrice Mathieu dissèque les raisons de l'échec de l'euro et donne les pistes les plus crédibles pour relancer le projet de monnaie commune européenne.

Béatrice Mathieu

Béatrice Mathieu

Béatrice Mathieu est rédactrice en chef adjointe de l’Expansion.

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Atlantico : Dans votre ouvrage "Casser l’euro pour sauver l’Europe" (voir ici), vous mettez directement en cause le mode gestion de la monnaie unique sous l’emprise de la Bundesbank. Comment expliquez-vous la fascination française et européenne pour ce modèle ?

Béatrice Mathieu : On a du mal à l’expliquer. C’est le principe de la fascination. C’est difficilement explicable par un raisonnement concret et basé sur l’étude des faits. Je pense que l’on est complètement dans le déni de réalité et dans l’idéologie. L’idéologie de l’ordo-libéralisme, l’idéologie selon laquelle on ne peut pas vivre sans une banque centrale indépendante, l’idéologie absolue de la lutte contre l’inflation alors que c’est la déflation aujourd’hui qui menace, l’idéologie du mythe des 3% de déficits sans se poser la question du rythme de cette réduction. On le voit bien pendant la crise grecque, les prévisions réalisées chaque année se sont révélées erronées sur la base de cette l’idéologie des 3%, on voulait tout, tout de suite. Nous sommes toujours dans un seul mode de pensée qui nous conduit au déni de réalité.

Le cas de la BCE et de la conduite de la politique monétaire est quand même particulièrement frappant. Lorsqu’on nous dit que la BCE est extrêmement souple, c’est vrai pour les taux d’intérêts, mais lorsque l’on regarde les bilans ce n’est pas vrai. Le bilan de la BCE est en train de se contracter depuis 18 mois. Pour la FED, la Bank Of England et la Banque du Japon, les bilans ne se contractent pas. Nous sommes confrontés à une BCE qui ne veut pas mettre d’autres outils en place comme Il a fallu 20 ans au Japon pour se dire qu’il fallait tester autre chose.

>>>> A lire aussi : Casser l'euro pour sauver l'Europe ? Pourquoi la monnaie unique n'est qu'un faux accélérateur de croissance <<<<<

A l’inverse, comment expliquez-vous que des états réputés plus "libéraux", comme les Etats-Unis, ou le Royaume-Uni aient modifié leur approche monétaire pendant la crise ?

En Europe, c’est le volet de l’ordo-libéralisme, le volet allemand de la lutte absolue contre l’inflation qui dicte tout et qui fait que nous sommes incapables de mener une autre politique monétaire. Aux Etats-Unis, c’est le principe de réalité qui gouverne. Ils se sont dit qu’il fallait sauver le système bancaire, et racheter tout ce qu’il faut pour cela. C’est une culture beaucoup plus souple et plus pragmatique. Ils s’assoient sur leur principe en fait, beaucoup plus facilement que nous en Europe. Quand il a fallu nationaliser les banques, ou nationaliser le secteur automobile, ils l’ont fait. Ils le font justement parce qu’il n’y a pas d’idéologie. D’une certaine façon, ils sont beaucoup moins idéologiques que nous.

Dans votre ouvrage, vous proposez une sortie de l’euro. Ne pensez-vous pas qu’une modification du mandat de la BCE, sur le modèle américain d’un objectif de croissance et de stabilités des prix, suffirait à sauver l’euro ?

Une modification du mandat de la BCE ne suffit pas. Cela ne peut pas suffire à partir du moment où nous n’avons pas un système de transfert entre les pays. Nous avons effectivement un problème de mandat de la BCE mais il y a aussi un problème de fédéralisme. Nous ne croyons pas au fédéralisme, non pas parce que l’on ne le souhaite pas, mais parce que même si vous modifiez les règles de fonctionnement de la BCE, cela ne change pas le fait qu’il n’y a pas de transferts. C’est-à-dire un vrai budget, une vraie assurance chômage européenne etc. Nous sommes de toute façon dans une situation de guerre des Etats les uns contre les autres. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la compétitivité. On le voit bien avec François Hollande et son pacte de responsabilité de 50 milliards, parce qu’il est déjà dans les choux comparativement aux Espagnols ou aux Italiens. Pour regagner de la compétitivité au sein de l’Europe même c’est 90 ou 100 milliards qu’il fallait faire.

A partir du moment où l’on voit qu’il n’y a pas de réelle volonté des peuples et des dirigeants d’aller vers un véritable fédéralisme, il faut bien faire quelque chose pour s’occuper des 18 millions de chômeurs de la zone euro. Nous ne sommes pas contre cette idée fédérale, nous disons qu’elle est impossible maintenant. Au plus fort de la crise, au moment où l’euro menaçait d’éclater, nous avons été incapables de mettre en place un fédéralisme. L’histoire de l’Europe qui avance en période de crise est un mythe. Il n’y a eu aucune avancée alors même que l’Europe était au bord du gouffre.

Votre proposition est de créer une monnaie commune. Pourquoi ne pas simplifier le tout et demander un simple retour au franc ?

Parce que nous sommes quand même européens. Nous sommes déjà dans une situation de guerre économique on ne va pas rajouter une guerre monétaire en plus. Le projet européen vaut le coup, il faut continuer à la construire, mais le construire autrement. Le système de monnaie commune est le plus européen et le plus stable. Vous obtenez une situation de change révisable qui évite la situation actuelle et vous avez quand même un euro  "monnaie commune" qui porte aussi un projet.

S’il y a un retour aux monnaies nationales et aucun projet budgétaire, il ne reste plus rien. Sans cela, l’Union européenne ne serait qu’une zone de libre-échange. Or, on peut très bien reconstruire sur la base de règles qui fonctionnent. La fin de l’euro ce n’est pas la fin de l’histoire, les loups dans la rue ou la fin du monde. Le projet européen mérite que l’on se batte pour le rendre viable.

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