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Transition énergétique : comment l'Etat ralentit le développement du marché de l’électricité solaire
©REUTERS/Toby Melville

Bonnes feuilles

La transition énergétique ou passage des énergies anciennes aux énergies renouvelables est un débat crucial pour au moins trois raisons différentes : la rapide diminution des réserves de pétrole, le réchauffement climatique et le coût prohibitif des 65 milliards d’euros d’énergies fossiles importées chaque année. Le débat technique, scientifique a été amplement relayé, mais le débat sur la faisabilité économique de cette transition, la taille des investissements à réaliser, n’a pas eu lieu. Extrait de "La Transition énergétique", de Philippe Murer, aux éditions Fayard (1/2).

Philippe Murer

Philippe Murer

Philippe Murer est professeur de finance vacataire à la Sorbonne et membre du Forum démocratique.

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Le prix de revient de l’électricité produite par les éoliennes terrestres est de 5,97 centimes d’euro par kWh1. En revanche, le prix de l’électricité produite par les éoliennes offshore est plutôt de 15 centimes. Le gouvernement français a souhaité développer des éoliennes en mer, malgré leur coût prohibitif pour deux raisons : les éoliennes terrestres font l’objet de contestations incessantes de la part de personnes vivant à proximité de leur implantation, ce qui rend leur mise en service difficile ; l’installation et la maintenance des éoliennes offshore est plus coûteuse que pour une éolienne terrestre. Les usines sont obligatoirement situées près des sites, sur le sol français ; cela permet le développement d’une filière éolienne française, mais il s’agit d’un protectionnisme déguisé.

Si le prix de l’électricité produite par les éoliennes en mer est prohibitif, l’électricité produite par les éoliennes terrestres est compétitive avec l’électricité d’origine fossile et nucléaire : avec un financement totalement privé, comme décrit à l’annexe II, le prix de l’électricité éolienne est au même niveau que le prix de l’électricité nucléaire et fossile (5,97 centimes par kWh). En revanche, le prix ne pourra pas beaucoup chuter puisque les éoliennes sont déjà produites à grande échelle et qu’il y a une limite à la baisse des prix de fabrication, le nombre d’heures de travail, le coût des matières premières (acier, métaux rares) étant incompressible. C’est ce que prévoit d’ailleurs la DGEC. Si l’on retient une chute maximale des prix de 20 % des éoliennes, tout en améliorant la fabrication, le prix du kWh de l’énergie éolienne financé par le secteur privé passerait alors à 5,28 centimes d’euro1. L’énergie éolienne est donc déjà compétitive et très prometteuse pour une transition rentable vers les énergies renouvelables. Inconvénients : les nuisances sonores et les nuisances sur la faune ne seraient pas négligeables ; la production d’électricité éolienne dépend du vent et est donc intermittente ; la chute des prix des éoliennes touche à sa fin. Avantages : le prix de l’électricité éolienne est immédiatement compétitif ; la production d’électricité éolienne peut être complémentaire de la production d’électricité solaire en termes d’intermittence.

Ces avantages ont permis l’explosion de la puissance des éoliennes installées dans le monde ; la production d’électricité éolienne dans le monde est supérieure à celle du parc nucléaire français.

L’électricité d’origine solaire

L’énergie du Soleil atteignant le sol terrestre représente 5 000 fois la consommation mondiale d’énergie : il suffit d’en capter une part très faible pour satisfaire les besoins en énergie de l’humanité. Encore faut- il que cela se fasse dans des conditions économiquement réalistes pour que cette énergie soit apportée à un prix cohérent aux entreprises et aux consommateurs.

Il y a deux types de technologie pour convertir l’énergie solaire en électricité. Le solaire à concentration, où des miroirs réfléchissent la lumière sur une tour contenant de l’eau ou des sels fondus. Cette eau ou ces sels fondus sont chauffés par les rayons du Soleil. La vapeur d’eau entraîne des turbines qui produisent alors de l’électricité. L’intérêt des sels fondus est de permettre la conservation de la chaleur produite : la production d’électricité peut être différée. Cependant, ce type de centrale ne peut produire de l’électricité que lorsque le Soleil est de sortie. Cela réduit son intérêt en France. Le coût de production de ce type d’électricité est assez élevé. Deuxième technologie, celle des panneaux photovoltaïques, qui n’a pas ce défaut : un panneau peut produire de l’électricité en l’absence de soleil, par temps clair. Il y a deux catégories principales de panneaux photovoltaïques : les panneaux classiques avec un support en verre intégrant une couche de semi- conducteurs ; les supports souples sur lesquels sont « imprimés » des semi- conducteurs (couches minces). Le support souple a l’inconvénient de contenir des métaux très rares et de ne pas pouvoir être recyclé facilement alors que les panneaux solaires classiques sont aisément recyclables. Le rendement des panneaux en couche mince est plus faible et son prix plus élevé aujourd’hui. Plus polluant et non recyclable, plus cher, ayant un rendement plus faible, le photovoltaïque sur support souple ne sera pas inclus dans notre étude des prix. Les panneaux solaires photovoltaïques ont une durée de vie comprise entre vingt et trente ans ; certains panneaux sont d’ailleurs garantis vingt ans par leur fabricant. La quantité d’énergie qu’ils produisent baisse d’environ 0,7 % chaque année du fait de leur vieillissement. Le rendement de ces panneaux est d’environ 15 % (ils transforment 15 % de la lumière reçue en électricité). Ce rendement progresse d’année en année grâce à la recherche et à la production de panneaux de meilleure qualité. L’électricité produite par les panneaux photovoltaïques a un avantage unique : le prix des panneaux photovoltaïques chute tous les dix ans d’un facteur 3 environ. En effet, ce sont des semi- conducteurs dont les prix suivent la « loi de Moore », comme dans l’informatique. Ainsi, depuis trente- cinq ans, les prix ont été divisés par 50 ! Cet avantage majeur n’est de façon étonnante presque jamais cité dans les articles ou émissions relatives à ce sujet. Attention, l’échelle du graphique ci-dessous est « logarithmique », afin qu’on puisse bien observer la chute presque exponentielle des prix. (Prix en 1978 : 50 euros par watt crête ; en 2013 : 0,80 euro par watt crête.)

L’accélération de la baisse des prix entre 2009 et 2012 est due à la production massive par la Chine de panneaux solaires à prix cassés (dumping) et au problème des dettes de la Zone euro (effondrement des installations de panneaux en Europe). Sans la Chine et l’austérité budgétaire en Europe, les prix des panneaux auraient poursuivi leur baisse sur leur rythme habituel : ils coûteraient 15 % plus chers aujourd’hui. Grâce à cette baisse du prix des panneaux solaires, le coût de revient de l’électricité solaire a baissé très rapidement.

Avant de continuer, nous devons parler des deux légendes colportées régulièrement dans les médias et qui font passer l’énergie solaire pour inopérante. Un des grands arguments des détracteurs des énergies renouvelables pour les dévaloriser face aux énergies classiques est de proférer l’affirmation suivante : l’énergie dépensée pour fabriquer un panneau solaire est supérieure à celle produite par ce panneau pendant sa durée de vie. Cela est absolument faux ! Sous nos latitudes, un capteur photovoltaïque « rembourse » l’énergie dépensée dans sa fabrication en trois ans environ selon l’Agence internationale de l’Énergie.

Bien que les fabricants garantissent généralement leurs cellules pendant vingt à vingt- cinq ans, leur durée de vie réelle dépasse les trente ans. Un panneau photovoltaïque produit donc 10 fois plus d’énergie qu’il n’en a fallu pour le réaliser. Ainsi, nous pouvons rentrer dans une économie dite circulaire : un panneau solaire produira de l’électricité pour la collectivité pendant vingt- sept ans, pendant les trois dernières années de sa vie, il produira l’électricité nécessaire à la fabrication d’un nouveau panneau solaire.

Deuxième légende urbaine, colportée dans les médias par certains experts, il faudrait couvrir la France de panneaux solaires pour produire toute l’électricité dont nous avons besoin d’une manière renouvelable. Comme on l’a vu, cette légende est fausse puisque l’énergie solaire reçue par la Terre représente 5 000 fois la consommation mondiale d’énergie par l’homme ! Pourquoi certains répandent- ils cette rumeur à la télévision et dans la presse écrite ? Dans une émission de Franz- Olivier Giesbert, sur France 3, consacrée aux énergies de demain, l’économiste Julia Cagé, pourtant très forte en calculs puisque diplômée de l’École d’économie de Paris, a dégommé l’énergie solaire en une phrase, expliquant doctement que la surface d’un département français couvert de panneaux solaires correspondrait à la production électrique de deux centrales nucléaires. Cela est absolument faux ! Si nous couvrions un département français moyen de panneaux solaires classiques, ce qui serait d’ailleurs une horreur, nous produirions deux fois plus d’électricité que toutes les centrales nucléaires françaises ! Nous démontrons cela à l’annexe XVI1. Avec tous ces avantages, on peut se demander pourquoi l’énergie solaire a si mauvaise presse ! En effet, le gouvernement Sarkozy expliquait il y a peu que son tarif de rachat très élevé avait causé un surcoût démesuré pour le consommateur d’électricité français. À vous dégoûter d’utiliser des énergies renouvelables…

Le coeur du débat est bien le tarif de rachat de l’électricité solaire et l’organisation du marché : les particuliers et les entreprises ayant posé des panneaux solaires peuvent demander l’achat de leur électricité par EDF pour une durée de vingt ans à un tarif déterminé à l’avance. Pour simplifier, il y a grosso modo deux tarifs d’achat de l’électricité solaire : un tarif d’achat de 7,80 centimes le kWh2 pour les installations de panneaux solaires situées dans des prés, quelles que soient la taille et la puissance de l’installation ; un tarif d’achat de 7,80 centimes d’euro le kWh pour les grandes surfaces de panneaux solaires posées sur un toit (production supérieure à 100 kW, soit une surface de panneaux supérieure à 600 m2 de panneaux) ; un tarif d’achat de 29 centimes le kWh pour des petites surfaces de panneaux solaires posées sur un toit.

Lorsque l’électricité solaire est installée sur une grande surface, son tarif d’achat est très proche de celui de l’électricité d’origine fossile ou nucléaire (7,80 centimes contre 6 à 7 centimes). Lorsque l’électricité solaire est installée sur une petite surface, son tarif d’achat est plus de quatre fois plus cher que celui de l’électricité d’origine fossile ou nucléaire !

L’État a organisé le marché avec des tarifs d’achat de l’électricité solaire afin de permettre au marché du solaire d’exister et d’accompagner la baisse des coûts de revient du kWh solaire jusqu’à ce qu’il rejoigne le prix de l’électricité nucléaire et fossile (voir graphique précédent). Il faut préciser que chacun paie à travers sa facture d’électricité ce surcoût de tarif d’achat solaire. À l’exception de cette mesure « de tarif d’achat », l’État n’a pas organisé le marché.

L’État aurait dû favoriser la pose de panneaux solaires sur les grandes surfaces, presque compétitive,au détriment des petites surfaces : cela a créé une économie du solaire où les coûts de production de l’électricité solaire sont beaucoup trop élevés.

L’État a laissé les banques financer les projets solaires à des taux très élevés, comparés au risque : les grands projets sont financés à des taux de 4 % quand les petits projets sont financés au taux de 7 % ! Et pourtant, les banques empruntent, elles, auprès de la Banque centrale à un taux en moyenne de 1 %, depuis quatre années ! La marge des banques peut donc atteindre 6 % par an. En quinze ans de financement, les banques ont donc englouti 6 % x 15, soit 90 % du coût de l’installation en marges d’intérêt ! Cela alourdit évidemment énormément le coût de revient de l’électricité solaire.

L’État n’a pas organisé le fonctionnement des intervenants. Ainsi, des particuliers se font démarcher par des agents qui leur proposent des « packages » pour leur installation solaire : démarche administrative, financement auprès des banques, achat des panneaux, pose des panneaux et raccordement à ERDF. Avec des intermédiaires trop nombreux et trop gourmands, les prix payés par les particuliers pour ces montages sont souvent le double du prix qu’ils auraient payé en appelant un poseur et en faisant ces démarches euxmêmes (démarches peu coûteuses en temps). Aussi personne n’est- il content : les particuliers se retrouvent avec des installations solaires payées trop chères, les commerciaux font peu d’affaires car de très nombreux particuliers se sont plaints sur Internet de montages trop chers. Enfin, ERDF demande 1 500 euros pour raccorder les panneaux solaires au réseau électrique pour les particuliers alors que les interventions nécessitent généralement 2 heures de travail ! 1 500 euros représentent 20 % d’un budget maîtrisé pour une installation de 20 m2 de panneaux solaires. Un prix de 400 euros pour le raccordement au réseau électrique serait beaucoup plus logique. Tout cela a fait monter fortement le tarif d’achat de l’électricité solaire pour les petites surfaces.

Extrait de "La Transition énergétique", de Philippe Murer, aux éditions Fayard, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

A suivre, une interview de Philippe Murer, auteur de  "La Transition énergétique" :

Atlantico : Vous affichez un ton volontariste dans votre titre. Pourquoi le débat sur la transition énergétique semble - t’il bloqué ?

Philippe Murer : Tout d’abord, rappelons les enjeux de cette transition énergétique.

L’enjeu est crucial pour au moins trois raisons.

La première est incontestable, c’est la finitude des réserves de pétrole et le déclin de grands champs pétroliers, la fin du pétrole bon marché et sa raréfaction à terme. La date exacte du pic pétrolier, moment ou la production de pétrole ne peut que baisser, est en revanche inconnue de tous : si chaque pays producteur de pétrole connaît approximativement ses réserves de pétrole exploitables, il s’agit d’un secret stratégique qui n’est en aucun cas révélé à l’extérieur du pays. Ainsi, chacun a une carte du jeu mais personne n’a connaissance de l’ensemble des cartes de ce jeu. Cela explique qu’il y a une incertitude totale sur le pic pétrolier : aura-t’il lieu dans 5 ans, 10 ans, 15 ans ? Aucune personne sensée ne peut prétendre en avoir une connaissance précise.

La deuxième raison, tranchée pour la majorité des scientifiques, controversée par une petite minorité, est le dérèglement/réchauffement climatique dû à la hausse des concentrations de CO2 dans l’atmosphère.

La troisième raison est la possibilité réelle de créer des centaines milliers d’emplois pour produire de l’énergie sur notre sol au lieu d’acheter et de régler une facture de 65 milliards d’euros de pétrole, de gaz et de charbon à l’étranger chaque année.

Au niveau mondial, le débat est bloqué car les dirigeants des pays les plus riches ont pensé le problème comme un problème global nécessitant une réponse globale. La difficulté de s’accorder entre nations aux cultures et niveaux de développement très différents a freiné considérablement les efforts, chaque pays attendant que l’autre fasse l’effort le premier. Il semble évident à tout le monde qu’un problème qui touche toute la planète, doit être adopté par tous les pays en même temps. Oui mais malheureusement, cela ne marche pas du tout dans la pratique! Si les pays d’Europe de l’Ouest ont été très motivés pour faire cette transition, les autres pays ne semblent pas aussi pressés que nous. Les Etats-Unis ont fait le choix de développer massivement le gaz et le pétrole de schiste. L’Inde considère qu’elle a le droit d’attendre que son développement soit plus abouti avant de faire la transition énergétique car elle a très peu pollué la planète depuis le début de son histoire contrairement aux Occidentaux Les Chinois développent massivement les énergies renouvelables mais nettement moins vite que leur utilisation du charbon.

Le problème est global  mais une réponse coordonnée, un accord de tous au même moment semble impossible.

Pourquoi ne pas alors explorer une autre voie ?  Un pays comme la France ou un groupe restreint de pays en accord profond sur le sujet et la manière de procéder ne pourrait-il pas commencer sa transition énergétique seule ? Les lecteurs d’Atlantico étant intéressés par l’économie auront à juste titre remarqué qu’il est alors nécessaire que les coûts de l’énergie n’augmentent pas, restent calés avec le reste du monde. Dans le cas contraire, les entreprises françaises perdraient beaucoup de compétitivité ce qui serait très préjudiciable à l’économie française. Il est donc nécessaire de se poser la question suivante : les énergies renouvelables sont-elles et seront-elles dans l’avenir plus chères ou moins chères que les énergies fossiles et l’énergie nucléaire ?

Justement, les énergies renouvelables ne sont-elles pas beaucoup trop chères ?

En France, une partie importante de l’énergie est nucléaire. Son coût peut être calculé assez simplement en utilisant le très bon rapport de la Cour des Comptes que l’on peut trouver à l’adresse suivante http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-couts-de-la-filiere-electro-nucleaire. En prenant en compte tous les coûts fixes et variables, le kilowatt heure d’électricité nucléaire est compris entre 5,4 et 6,8 centimes d’euros selon le coût de démantèlement final des centrales et de gestion des déchets.

Le coût de production de l’électricité produite par les centrales à charbon et gaz est en 2010 de l’ordre de 6 centimes par kW/h.

Le prix de revient de l’électricité produite par des éoliennes terrestres est de 6 centimes d’euros par kWh. Ce résultat surprenant est démontré en annexe du livre et est partagé par l’étude du très sérieux institut allemand Fraunhofer paru en Novembre 2013 et disponible sur Internet[1]. Enfin, l’autre grande énergie, l’énergie solaire coûte aujourd’hui environ 9 centimes d’euros par kWh pour des grandes surfaces, beaucoup plus cher pour les petites surfaces.

Les autres énergies renouvelables bois, géothermie, hydroliennes etc. sont intéressantes et devront être utilisées mais sont disponibles en quantité trop faible pour changer la donne ou sont encore à l’état de prototype (hydroliennes).

Pour que les coûts restent abordables, il faut donc trouver un moyen de trouver un financement à un taux raisonnable de 1.5% pour le solaire notamment. Vu l’importance de l’enjeu, ce peut être la banque centrale qui finance directement ces activités ou les finance en passant par des banques publiques ou privées. On obtient alors ces 2 graphiques sur les prix de l’électricité montrant que les énergies renouvelables peuvent avoir des coûts abordables.

Les coûts de revient pour la production d’électricité en 2033

Les détracteurs des énergies renouvelables disent fort justement qu’elles sont intermittentes et qu’on ne peut donc pas les adopter à grande échelle. Comment remplacer les énergies fossiles dans ces conditions ?

C’est le 2ème grand sujet après le problème du coût. Les éoliennes produisent de l’électricité lorsque le vent souffle et les panneaux solaires uniquement la journée, lorsque le temps n’est pas complètement voilé. Il y a un décalage évident entre production et consommation d’électricité.

Il est alors clair que l’on doit garder les centrales nucléaires pour un certain temps : elles apporteront le flux d’électricité stable, nécessaire à l’économie. On peut utiliser plus de bois, produire du biogaz mais les quantités d’énergie stockées ainsi sont insuffisantes pour faire face aux besoins. Il devient donc nécessaire de produire de l’hydrogène quand l’électricité produite par les énergies renouvelables est plus importante que nécessaire. Cet hydrogène est produit par le passage de l’électricité dans l’eau, par électrolyse, réaction connue et maîtrisée industriellement. Il sera le vecteur de stockage de l’énergie pour toutes les activités de transport, un peu comme le pétrole aujourd’hui. Les transports fonctionneront avec des piles à combustible, largement éprouvées aujourd’hui.

Je montre dans ce livre que le prix du plein d’hydrogène est presque le même aujourd’hui que le prix du plein d’essence pour la même autonomie. Le Département de l’énergie américain a constaté que le prix des voitures à pile à combustible produites en série descend très vite, plus vite que prévu et sera en 2015 très proche du prix des voitures classiques. D’ailleurs, 3 voitures à pile à combustible de série mais de série trop petite malheureusement sortent en 2015 : une Hyundai, une Honda et une Toyota avec des autonomies de 500 kms.

C’est la clé de la transition énergétique : une économie axée sur l’hydrogène aux coûts comparables au pétrole. Tous les calculs sont repris en annexe dans le livre avec les sources officielles pour montrer au lecteur que ceci est une réalité et non une vue de l’esprit. En revanche, faire la transition énergétique en arrêtant le nucléaire et les énergies fossiles en même temps me semble une vue de l’esprit et être profondément irréaliste.

Comment trouver ces milliards nécessaires à la transition énergétique ?

Le coût actuel des énergies fossiles pour un pays comme la France est de 65 Milliards d’euros chaque année, montant qui peut varier avec les prix du pétrole.

Le coût global de la transition énergétique comprenant l’isolation des bâtiments très mal isolés, la construction des éoliennes et panneaux solaires etc. est de 1500 Milliards d’euros environ sur 20 ans soit 75 Milliards d’euros par an. Les lecteurs feront des bonds en lisant ces chiffres car il ne faut pas oublier de comparer ce chiffre aux 65 Milliards d’euros de coût annuel des énergies fossiles. Ce rendement de 4% (65/1500) est tout à fait intéressant pour un pays comme la France. Il nous affranchit de plus des incertitudes géopolitiques et de la poussée à venir des prix du pétrole et du gaz lorsque nous aurons atteint le pic pétrolier.

En revanche, on remarque qu’un tel coût sur une longue durée n’est réaliste que si la banque centrale prête par le biais de banques publiques ou privées beaucoup d’argent à EDF : c’est sans doute plus intelligent que de faire 4000 Milliards d’euros de quantitative easing comme la Fed pour relancer l’économie par la baisse des taux et la spéculation sur les marchés financiers ! L’Etat est absolument incapable de trouver de telles sommes ; le secteur privé non plus. Le secteur privé n’a d’ailleurs pas des horizons de temps de 20 ans, temps nécessaire pour une politique de l’énergie.

Enfin, pour le pays qui se lance dans la transition énergétique, il est nécessaire qu’une partie importante de la production d’équipements reste sur son territoire, sinon le déficit commercial explosera et le pays finira ruiné. Tout doit être fait pour favoriser les producteurs d’équipement français ou étranger sur le sol français : financements, droits de douanes d’environ 20% sur le secteur.

Dans ces conditions, le premier pays qui s’engagera réellement sur la voie de la transition énergétique verra son économie croître et créera beaucoup emplois tout en ayant une énergie à un prix abordable. Pour remplacer les 65 Milliards d’euros d’énergies fossiles, environ un million de travailleurs supplémentaires sont nécessaires dans les nouveaux secteurs (production d’équipement, production d’énergie…)

Mais pour cela, il faut avoir de l’audace comme les gaullistes ont pu en avoir en lançant le gigantesque plan nucléaire français après 1973. Qui aurait alors cru que la France passerait en 25 ans de 100% de consommation d’énergies fossiles à 50% tout en ayant des coûts énergétiques très bas ?

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