Le pape dont le charisme avait fini par masquer le vrai visage : Jean-Paul II, le grand politique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape Jean Paul II sera canonisé ce dimanche.
Le pape Jean Paul II sera canonisé ce dimanche.
©Reuters

Saint homme

Neuf ans seulement après sa disparition, Jean-Paul II est à la veille d'être canonisé. Retour sur son action déterminante, qui a façonné l'Europe de la seconde moitié du XXe siècle.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Jean-Paul II, qui s'apprête à être canonisé ce dimanche, a profondément marqué la deuxième moitié du XXe siècle. Dans quelle mesure son vécu dans la Pologne communiste l'a-t-il inspiré ? Quel rôle a-t-il ensuite joué dans la chute de l'empire soviétique ?

Nicolas Diat : La négation des libertés fondamentales par la dictature communiste en Pologne a durablement marqué Jean-Paul II. Voilà un homme qui a lutté pendant des décennies contre un régime dictatorial. La spécificité spirituelle de la Pologne a également joué. Là-bas, l’Eglise est toujours restée une force et une puissance de résistance. Elle n’a jamais abdiqué. Jean-Paul II est donc par nature un résistant.

Une fois élu pape en 1978, il poursuit cette résistance de manière inlassable. Pour lui, il ne fait pas l’ombre d’un doute que le mur qui divise l’Europe en deux doit tomber. C’est d’autant plus impressionnant qu’à l’époque personne n’y croyait. Tout le monde avait acté la permanence des  régimes soviétiques. Mais lui demeure convaincu que c’était la résistance spirituelle qui permettrait de briser le mur.

Le symbole le plus éblouissant de cette lutte reste ses premiers voyages en Pologne, alors que le régime communiste est toujours en place. L’onde de choc est considérable auprès de la population et des dirigeants; Brejnev comprend tout le danger qu’il représente. Si Jean-Paul II est aujourd’hui le héros de la nation polonaise, et si personne ne le surpasse, c'est tout simplement parce qu'il a permis à tout un peuple de comprendre que la liberté était en marche. Il incarnait physiquement cette liberté tant désirée.

Staline avait lancé : « le pape, combien de divisions ? » Quelles étaient les forces politiques de Jean-Paul II, ses relais sur le terrain ?

Il y a bien évidemment Solidarnosc, qu’il a littéralement porté avec Lech Walesa. Un syndicat libre, pour la nomenklatura communiste, constituait une hérésie ! Et son autre arme, c’était les mots. "N"ayez pas peur", avait-il dit le jour de son intronisation. La phrase, qui depuis a été énormément reprise, fut à l’origine destinée aux Polonais et à toutes les populations recluses derrière le Rideau de fer. Puis, quelques années après, il reçoit Mikhaïl Gorbatchev au Vatican... L'ancien ennemi numéro un est accueilli avec tout le protocole qui sied à une visite d’Etat, mais nous sommes après la chute du mur de Berlin... Des deux, on voit bien qui est le gagnant !

Cette chute du Rideau de fer était-elle une fin en soi pour lui ? Avait-il une vision pour la suite ?

Sa déception a été forte. Il imaginait que la chute du communisme donnerait naissance à un grand souffle spirituel en Europe, alimenté par les ex-républiques soviétiques qui en seraient le poumon. Cette réunification spirituelle de toute l’Europe n’a pas eu lieu. Très vite, Jean-Paul II constate que les peuples privés de liberté pendant tant d’années n’avaient plus de préoccupations spirituelles. La course à la consommation a conduit à une crise extrêmement grave de l’Eglise dans ces pays. Ses derniers voyages en Pologne tranchent avec ceux du début; alors que dans la première décennie de son règne, le successeur de Pierre compte sur la foi de son peuple pour retrouver la liberté, il dénonce ensuite avec force les progrès du matérialisme et d'une forme de crise de la religion.

Par la suite, même affaibli, a-t-il continué de jouer un rôle politique ?

Le cœur de son pontificat se situe dans les premières années. Les dernières sont marquées par la maladie, la souffrance et un affaiblissement de plus en plus difficile. Il restera aussi comme le pape qui n’a pas voulu démissionné, contrairement à Benoît XVI, qui fut son principal collaborateur. Mais, même si la mémoire individuelle passe, la mémoire collective retiendra pour longtemps l'héritage de ce pape proprement hors du commun.

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