Une nouvelle étude constate l’inefficacité de l’homéopathie : faut-il en finir avec les traitements en granules ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Une nouvelle étude constate l’inefficacité de l’homéopathie : faut-il en finir avec les traitements en granules ?
©

Pour ou contre

Une récente étude australienne conclut que rien ne permet de prouver l'efficacité de l'homéopathie. D'autres études vantent pourtant ses bienfaits. Bilan des effets prouvés ou non de cette médecine douce.

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

Voir la bio »

Atlantico : Le Conseil national de la recherche en santé et en médecine australien vient de publier une étude sur l'efficacité de l'homéopathie (lire ici) qui conclut que rien ne permet de prouver l'efficacité de ce type de traitement. Partagez-vous leurs conclusions ? 

Nicole Delépine : L’étude australienne souffre de sa technique de macroanalyse prisonnière de l’« evidence based medecine »  dite médecin des preuves, qui est celle de la pensée unique hégémonique actuelle qui élimine tout ce qui ne vient pas d’elle. Cette méthodologie suppose que la somme des articles publiés sur un sujet apporte la « certitude scientifique ». Pourtant les connaissances scientifiques du moment ne sont que des vérités transitoires même dans les sciences dures telles que la physique… Einstein nous l’a rappelé il y a déjà longtemps…

Cette technique souffre de biais gravissimes démontrés ailleurs qui lui ôtent en fait toute valeur probante.

Seules les études publiées dans des revues à comité de lecture sont analysées. Or la publication apporte de très nombreux biais :

1°) Le propriétaire de l’étude choisit de la soumettre à publication ou pas selon son intérêt propre qui ne coïncide pas forcément avec celui de la science. Lorsque qu’un article est soumis par un laboratoire les données sont parfois falsifiées ou enjolivées pour servir le laboratoire (rappelez-vous le scandale du VIOXX [1]).

2°) Les revues décident de publier ou pas un article qui leur est soumis selon des critères qui privilégient considérablement la forme  par rapport au fond et aussi malheureusement parfois l’intérêt de leurs clients principaux (les gros laboratoires pharmaceutiques qui assurent souvent plus de 80% du budget des grandes revues) sur l’intérêt de la science.

3°) Seules les études prétendues « de méthodologie rigoureuse » sont prises en compte avec une surreprésentation considérable des études multicentriques randomisées alors que ces études sont généralement biaisées de manière imperceptible par leur recrutement inhomogène.

L’ensemble de ces biais aboutit à ce que les auteurs de macroanalyses tirent leurs conclusions en ne regardant que la partie émergée de l’iceberg. Et ils sont certains qu’elles sont scientifiques parce que sorties de l’ordinateur. L’homme soumis à la société technicienne qui le transforme en objet robot. Mais comme on a coutume de le rappeler nos amis américains  « sheet in, sheet out » On  ne sort de l’ordinateur que ce qu’on y met.. et l’authentification des données est toujours plus importante que leur traitement.

Une étude monocentrique bien conçue et réalisée par des auteurs sans conflits d’intérêt serait en réalité beaucoup plus adaptée à l’évaluation de cette médecine fidèle au serment d’hippocrate qui traite chaque patient non seulement en fonction du symptome  mais aussi et surtout de son terrain propre.

D'autres études, dont l'une menée par une équipe de médecins suisses en 2011 (lire ici), vantent pourtant les bienfaits de cette médecine douce. Qui s'agit-il de croire ? 

J’ai regardé soigneusement cette publication de Santé, Nature, Innovation et les références citées. Il est bien évident qu’on ne peut rayer d’un trait les avancées de l’homéopathie même si les critères de la « médecine des preuves » la rejettent. Nous venons de voir les biais méthodologiques qui entachent l’EBM et la transforment en religion plus qu’en méthode scientifique. Donc l’homéopathie, ancienne méthode de soins ne peut être évaluée par les mêmes chemins et est condamnée  par ses nouveaux prêtres sans plus de réflexion.

En tant que médecin clinicien depuis plus de quarante ans, on ne peut qu’être frappé par les témoignages accumulés des patients. Certes au début on évoque l’effet placebo, mais l’accumulation des récits désintéressés des malades devrait nous ramener à l’humilité qui ne devrait jamais nous quitter même si nous ne comprenons pas tout.

L’étude réalisée pour le gouvernement suisse sur l’efficacité de l’homéopathie, « Homeopathy in Healthcare – Effectiveness, Appropriateness, Safety, Costs », dirigée par le Docteur Gudrun Bornhöft et le Professeur Peter F. Matthiessen. (1) est une vaste étude réalisée par une entité officielle sur l’homéopathie.

Elle conclut non seulement que l’homéopathie fonctionne, mais également qu’elle est beaucoup plus économique que la médecine conventionnelle. Près de deux-tiers des professionnels de santé en Suisse reconnaissent les bienfaits des médecines alternatives, environ 40 % les utilisent, et 85 % de la population souhaite qu’elles soient intégrées au système de santé officiel. Son absence de nocivité reconnue devrait convaincre de son usage dans toutes les situations bénignes ou certaines pathologies chroniques dans lesquelles l’allopathie additionne les effets positifs et nocifs qui rendent souvent son usage au long cours impossible.

Pour certaines pathologies bénignes, ne vaut-il pas mieux préférer l'homéopathie à l'absence de traitement ? 

Le recours à des médecins alternatives peut être intéressant pour éviter les molécules chimiques dont les effets secondaires sont très importants et le rapport bénéfice/risque défavorable dans le cadre de pathologies légères. C'est ce qui conduit certains praticiens à envoyer le patient vers des médecins ayant acquis des compétences plus diversifiées, dont l’homéopathie.

Et les patients s’en portent mieux et s’en réjouissent . A l’heure où la population a été conditionnée à ne plus tolérer un trouble sans prescription d’un traitement (ce qui souvent serait aussi bien ), il faut absolument privilégier les traitements les moins toxiques et les moins coûteux et l’homéopathie entre dans ces deux cases.

Le drame est que l’hégémonie de la médecine allopathique basée sur la chimie a drastiquement fait disparaître l’enseignement de ces médecines alternatives et donc les médecins compétents pour prescrire. Car comme la médecine chinoise par exemple, l’homéopathie est un art médical qui associe technique et apprentissage de l’abord du patient unique qui nécessite une ordonnance adaptée à sa pathologie présente mais surtout à l’ensemble de sa personne ses antécédents familiaux et personnels, ses réactions aux médicaments etc . Bref une médecine adaptée à chaque individu unique qui défie les règles de la médecine fondée sur les statistiques  qui ne veut rien entendre d’autre.

Comme pour notre exercice en oncologie, l’adaptation des doses d’un produit de chimiothérapie à chaque patient ne peut être reproduite dans un essai randomisé où par définition il faut que chaque patient d’un des deux groupes reçoive un traitement préalablement écrit et donc inadapté dans le détail à son problème et dont l’efficacité ne peut être démontrée par la « médecine dite des preuves ».Le « terrain » est capital dans cet exercice et oublié de nos  traitements imposés venus d’en haut comme en cancérologie.

Je pense donc que l’homéopathie qui a fait ses preuves dans le monde depuis plus de deux siècles mérite sa place dans notre éventail de solutions mais qu’elle doit faire appel à des médecins formés à cette technique adaptée à chacun et donc ne pouvant se contenter de médecins robotisés et imprimant une ordonnance pré-remplie de leur ordinateur.

Il faut rouvrir des enseignements dans nos facultés de ces médecines alternatives qui viennent heureusement compléter nos panoplies de marteaux piqueurs chimiques nécessaires dans les pathologies lourdes mais à éviter absolument dans les situations bénignes qui peuvent être tolérées avec l’aide de solutions plus légères. Il faut aussi permettre des consultations longues et donc rémunérées en conséquence car cette pratique humaine adaptée prend du temps . C’est aussi pour cela que les patients en sortent plus satisfaits que des usines à soins hospitalières ou des cabinets de ville en secteur 1  qui doivent multiplier les patients pour survivre.

Existe-t-il des pathologies pur lesquelles l'homéopathie serait plus efficace ? 

Bien sûr il y a des domaines privilégiés, par exemple les enfants touchés par des infections respiratoires des voies supérieures semblent avoir  moins de rechutes et besoin de moins d’antibiotiques que ceux prenant des médicaments conventionnels. Les patients atteints d’allergie  type rhume des foins au printemps, angines virales à répétition nous disent aussi leur satisfaction de recourir à l’homéopathie dans ces situations.

L’homéopathie conduit à moins de dépendance vis-à-vis des médicaments. « Parmi plus de 500 patients souffrant de maladies rhumatismales, presque un tiers ont pu arrêter de prendre leurs médicaments conventionnels, et un autre tiers ont pu réduire leurs prises » d’après l’étude de sante natureinnovation. C’est aussi le rendu de nos patients quand ils osent nous parler de leurs « autres » traitements.

Les traitements homéopathiques de l’infertilité seraient également intéressants. Le Dr Tisserand qui commente cette analyse de l’homéopathie dans cette newsletter insiste sur les « ponts entre les deux médecines » dont effectivement on ne parle jamais mais qui sont quotidiens chez nos patients :

« La compréhension du terrain et de la personnalité du patient telle qu’elle est appréhendée par un homéopathe modifie complètement le suivi du malade. Elle oriente le sens des investigations complémentaires, et même parfois des prescriptions allopathiques complémentaires.

Par exemple, on ne donnera pas le même traitement hormonal ou la même pilule à une femme « Pulsatilla » qu’ à une femme « Lachésis » car nous savons qu’elles ne les métaboliseront pas de la même manière. Nous ne donnerons pas le même tranquillisant à une femme « Ignatia » qu’avec une femme « Argentum Nitricum ». Il y a des ponts et des équivalences entre les deux médecines et cela n’est jamais décrit ».

Il y a beaucoup à apprendre des autres types d’approche de la médecine pour les cliniciens allopathes dont je fais partie et si nous n’avons pas le temps de tout faire gardons-nous de jeter l’anathème sur ce que nous ne connaissons pas particulièrement quand ces pratiques sont non toxiques et satisfont de nombreux patients.

Défendons les formations universitaires de ces pratiques afin qu’elles ne soient pas discréditées par des pratiquants non formés comme la médecine chinoise qui nécessite des années d’apprentissage et que certains réduisent à de l’acupuncture .

Et comme disait  Samuel Hahnemann, le fondateur de l’homéopathie, aux médecins qui le critiquaient  « il est moins coupable d’ignorer quelque chose que de refuser de l’apprendre ».


[1] Voir entre autres la face cachée des médicaments de Nicole Delépine, 2011, éditions Michalon

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !