60 ans de la TVA : pourquoi elle n'est pas la taxe injuste si souvent décriée<!-- --> | Atlantico.fr
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La TVA a été mise au point en France il y a 60 ans.
La TVA a été mise au point en France il y a 60 ans.
©Reuters

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Le 10 avril 1954 a été mise en place la version actuelle de la taxe sur la valeur ajoutée – la TVA –. Un impôt simple, rémunérateur et peu remis en cause par l'opinion publique. Autant d'avantages qui lui ont même permis de faire école à l'étranger.

Eric Pichet

Eric Pichet

Eric Pichet est un économiste français, spécialiste en finance de marché, en économie monétaire, en économie fiscale, en gouvernance d’entreprise et en gouvernance publique. Il est professeur de finance à la Kedge Business School.

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Atlantico : La TVA a été mise au point en France il y a 60 ans, et s'est imposée dans les pays développés comme l'impôt le plus "efficace". En quoi la TVA est-elle un dispositif qui a révolutionné les politiques fiscales ? Sur quoi reposent ses bons résultats ?

Eric Pichet : Il ne faut pas exagérer le caractère si innovant de la TVA mise en place en 1954. Ce n'était en fait que le dernier avatar d'un impôt sur la production qui avait été instauré bien auparavant frappait pour toutes les ventes à chaque étape de la production. L'idée de Maurice Lauré, son instigateur,  a été de simplifier la perception de cet impôt sur les ventes en imposant le prix de vente et en permettant aux entreprises de récupérer cet impôt sur tous leurs achats. Elles ne déboursent donc que la différence, alors que dans l'ancien système, elle payait directement, et le répercutait ensuite sur le prix de vente. La grande idée de Maurice Lauré est en fait de faire jouer à l'entreprise le rôle de percepteur de cette TVA sur un prix hors taxe. C'est là que se trouve l'idée géniale. Mais au final bien sûr, dans tous les cas, c'est sur le consommateur que repose la charge de cet impôt.

Cette taxe a représenté 140 milliards d'euros en 2013, donc pas loin de la moitié des 300 milliards d'euros de recettes fiscales de l'Etat. La TVA est un impôt très rentable car nous avons une administration fiscale performante et qui n'est pas corrompue ce qui permet à quasiment 99% des impôts dus d'être recouverts. Et comme les entreprises sont très suivies en France, il est très difficile de frauder, notamment pour une entreprise déjà bien installée.  

Même si son taux est discuté, et alors qu'elle est de loin l'impôt qui frappe le plus les Français, la TVA est finalement assez peu remise en cause par l'opinion publique (par rapport à l'impôt sur le revenu et l'ISF). Quelle est la recette de cette "tolérance" populaire ?

C'est bien évidemment l'aspect largement indolore de cet impôt. Les consommateurs ne se rendent pas vraiment compte qu'ils paient de la TVA puisque ce qui compte pour eux, c'est le prix TTC, ils raisonnent en effet rarement en prix hors taxe. Par contre, ce que le consommateur appréhende, c'est l'évolution d'un prix. Donc, quand est décidée une forte variation d'un taux de TVA (comme cela a été le cas pour la restauration), il y a un effet d'élasticité du prix très forte. Par contre, quand vous la faite passer de 19,6% à 20% (depuis le 1er janvier 2014, ndlr) personne ne n'y voit quoi que ce soit.

La TVA est souvent accusée d'être un impôt "injuste" car frappant proportionnellement plus les plus modestes et étant dégressif. Est-ce une critique recevable ?

Cela dépend de l'analyse que vous faites et des principes que vous accordez à l'impôt. Dans l'absolu, la TVA est effectivement un impôt inique dans la mesure où, quel que soit votre revenu ou votre niveau de vie, vous payez exactement le même montant d'impôt si vous achetez le même bien. Mais en revanche, il s'agit d'un impôt facile à recouvrer, qui rapporte beaucoup à la collectivité, et qui suit une forme de logique :vous payez si vous consommez. De plus la modulation à la baisse du taux de TVA sur les biens de première nécessité a été faite pour corriger justement cet aspect critiqué.

Le système de la TVA a eu tendance à se complexifier avec la généralisation des taux réduits, parfois subtils à appliquer. Cette TVA à deux (voire trois) vitesses est-elle efficace ? A-t-elle sapé le principe de base de la TVA ?

Cela ne nuit pas à son efficacité, mais il y a effectivement un débat entre l'OCDE et Bercy. L'OCDE considère en effet qu'un impôt à 5,5% – qui est donc un taux très bas – correspond de fait à une niche fiscale. L'idée est qu'à partir du moment où l'on fixe un taux qui s'applique à tout le monde, un taux avec une telle réduction est suspect. Ce n'est pas une vision absurde. Le cas de la presse par exemple (dont le taux de TVA est de 2,1%, comme les médicaments remboursés ndlr) s'inscrit significativement dans cette optique. Cependant, je doute que ce soit très significatif puisque le taux réduit s'applique sur les besoins de bases, or les dépenses d'alimentation représentent entre 15% et 16% de la dépense d'un ménage. 

Propos recueillis par Damien Durand

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