Grève du maquillage : les hommes préfèrent-ils vraiment les femmes au naturel ?

Atlantico : Une récente étude menée par la Bangor University tend à prouver que les hommes préfèrent les femmes lorsqu'elles ne sont pas maquillées, ou du moins lorsqu'elles le sont moins. Dans quelle mesure cette étude est-elle surprenante ? Que faut-il en déduire ?

Jean-François Amadieu : Cette étude prend effectivement le contre-pied des autres travaux réalisés sur le sujet, notamment aux Etats-Unis. On peut partir sur plusieurs pistes d'interprétations : d'une part, le contexte britannique peut différer de celui des Etats-Unis, ce qui ne serait pas étonnant au vu et au su des différences qu'on observe entre pays. D'autre part, il existe une deuxième explication pour éclairer cette contradiction : il est vrai que les hommes n'apprécient pas l'excès de maquillage. Pour autant les visuels l'étude, présentée sur le site de l'université, ne font pas état de femmes particulièrement maquillées. Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que l'excès – et pas uniquement de maquillage, mais aussi de chirurgie esthétique ou d'artifices quelconques, –  déplait. On est davantage dans la recherche du naturel, aujourd'hui. Néanmoins, il faut tout de même s'attarder sur la façon dont l'étude a été menée : le résultat reste foncièrement contradictoire avec l'ensemble des autres études traitant de cette problématique.

Davantage que les hommes, cette étude fait état d'un constat d'autant plus troublant : les femmes également se préfèrent sans maquillage mais, comme les hommes, elles sont persuadées que ça n'est pas le cas des autres. Le maquillage s'est-il finalement imposé comme une norme relativement incontournable ?

C'est le cas, indéniablement. Depuis longtemps. Ce que dit cette étude et qui est vrai, on en avait déjà (et souvent) fait le constat, c'est que les hommes comme les femmes ont tendance à penser qu'il faut être "plus que nécessaire". La vision qu'ont les gens de ce que les autres pensent est effectivement faussée. C'est particulièrement vrai chez les femmes, qui ont plus tendance encore que les hommes à chercher à être plus que nécessaire. Plus maquillée, plus mince, et cætera. On ne sait pas comment les autres pensent, et cette étude le confirme encore une fois. Par rapport à une norme, et qu'il s'agisse de maquillage, de minceur ou de tour de poitrine, on sait que les femmes tendent à se positionner selon ce que les hommes souhaitent.

Si chez les femmes, l'apparat principal est le maquillage, trouve-t-on un équivalent chez les hommes ? Dans quelle mesure est-ce comparable ?

Le phénomène ne se reproduit pas vraiment chez les hommes. L'industrie cosmétique masculine n'est pratiquement pas développée, et par conséquent on ne trouve pas de réel équivalent. Il existe bien des crèmes pour hommes mais, et cela se vérifie dans le monde entier, le maquillage reste très clairement l'apanage des femmes.

Pour les hommes, le principe se retrouve déporté ailleurs : ce que représente le maquillage des femmes se retrouve chez les hommes sous forme de vêtements ; et parfois (mais plus rarement) d'accessoires et de bijoux.

Le maquillage peut-il s'apparenter à ce qu'étaient les peintures de guerre jadis ? S'agit-il de paraître plus imposant, plus charismatique ? Est-ce que cela modifie la perception que l'on a d'une personne ?

Effectivement. Il est certain que le maquillage modifie la perception que l'on peut avoir de quelqu'un, et encore une fois c'est quelque chose qu'on sait déjà. Les travaux de Nancy Etcoff, que je mentionne dans mon livre, en font clairement état. Le maquillage, tel que c'est démontré dans ses travaux, modifient la perception d'une façon plus subtile et plus globale que la simple notion de beauté, de séduction. En fait, le maquillage influe également sur l'idée que les gens pourront se faire de vous de prime abord, et ce sur des domaines aussi variés que la sympathie ou l'honnêteté, mais aussi… la qualité et les compétences. Une femme maquillée paraitra plus sympathique et plus compétente qu'une femme sans maquillage (ce qui peut s'avérer rédhibitoire en entretien d'embauche). En revanche, une femme trop maquillée donnera l'air d'être malhonnête, en cela qu'elle triche de façon plus assumée, plus visible. Tout est, finalement, affaire de juste milieu.