La bienséance selon Google : cette terrifiante vision du monde qui transpire du mode d'emploi officiel des Google Glasses<!-- --> | Atlantico.fr
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Les conseils d'utilisation des Google glasses sont parfois déroutants.
Les conseils d'utilisation des Google glasses sont parfois déroutants.
©Reuters

Dans la matrice

Les conseils d'utilisation des Google glasses sont parfois déroutants, tant ils relèvent des principes de vie et de socialisation les plus élémentaires. Des indications qui cachent les ambitions réelles de Google.

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : Dans sa liste des choses "à faire et à ne pas faire" (voir ici) avec des Google glasses, le géant du web donne aux "expérimentateurs" des conseils qui pourraient relever de l'évidence : ne pas s'énerver lorsque les gens posent des questions sur lesdites lunettes, les enlever au restaurant, demander l'autorisation des personnes avant de les prendre en photo… Ces indications sont-elles l'émanation d'une volonté plus profonde de Google d'accompagner constamment nos vies, de s'y introduire ?

Daniel Ichbiah : Pour ce qui est des conseils donnés par Google sur l'usage des Google glasses, il fait savoir que la firme marche sur des œufs. Car si on va au bout de la logique, il s'agit d'une intrusion extrême dans la vie privée des gens, qu'il s'agisse de ceux qui les qui les portent ou de ceux qui les croisent. Porter des Google glasses, cela revient à exposer en permanence sa vie privée. Un jour, des applications de reconnaissance des visages se développeront, et elles se vendront comme des petits pains. Une consultation peut ainsi être lancée sur les personnes croisées ; on saura leur nom, leurs goûts, leurs habitudes de consommation… C'est pourquoi les porteurs de Google glasses vont susciter une très forte méfiance.  Comme Google a conscience de cela, l'entreprise se montre très prudente.

Il faut aussi savoir une chose sur Babak Parviz, le chef de projet des Google glasses : je l'avais interviewé en 2009 lorsqu'il était à l'université de Washington, époque à laquelle il travaillait sur un projet de lentilles connectées. Il aurait peut-être pu les développer dès aujourd'hui, mais il y a fort à parier que Google a calmé ses ardeurs, pour d'abord passer par les Google glasses. Car une fois que les gens porteront des lentilles virtuelles, plus personne ne pourra savoir qui peut les espionner ou non. Google avance donc avec prudence, d'autant qu'à une époque Gmail a suscité un tollé, tout comme Google Street View. Il est même étonnant que les Google glasses ne choquent pas davantage.

Les indications données dans cette notice ne peuvent cacher le fait que Google sait très bien les problèmes que posent les Google glasses, notamment au niveau des photos. C'est pourquoi je dis qu'ils marchent sur des œufs. La société est sur la sellette dans beaucoup de pays d'Europe, mais pas que : en Inde elle a été condamnée à 5 milliards d'euros d'amende pour violation de la vie privée. Les procès sont multiples au travers du monde. Bien que les dirigeants déclarent qu'ils n'affichent pas de publicités sur leurs lunettes, ils n'en ont pas besoin ; il suffit que vos habitudes soient connues pour vous orienter vers certains produits en ensuite empocher une commission.

De quelle manière la généralisation des Google glasses pourrait-elle changer les relations entre les personnes ? Pourquoi ?

Toute personne qui pourrait avoir un intérêt financier lors d'une rencontre avec quelqu'une trouverait dans les Google glasses une manne d'informations en temps réel. Beaucoup de gens filmeront, aussi, tout en sachant que la vidéo sera stockée sur un serveur dans un endroit inconnu. Le souci est là, et je pense que la gêne sur la vie privée sera telle que le lancement devrait être houleux.

Une porteuse de Google glasses a  récemment été agressée dans un bar. Une prise de conscience - parfois violente, certes - est-elle en train de voir le jour ?

Les réactions suscitées par la rencontre avec des porteurs de Google glasses sont encore trop méconnues. Je ne sais pas moi-même comment je réagirais. Peut-être demanderais-je au journaliste qui m'interroge de les enlever avant de commencer. Mais ce qui fait bien plus peur, c'est le projet de lentilles connectées, qui arriveront de toute façon un jour.

Au final, quelle est la société rêvée de Google ? Les Google glasses y jouent-elles un rôle central ?

Si on veut comprendre Google, il faut savoir que c'est pour l'essentiel une agence de vente de publicité. Google, via les mots-clés, est là pour vendre de la publicité, et rien d'autre. Avec les Google glasses, on peut imaginer que l'appareil nous indiquera différentes adresses en fonction de ce que nous recherchons, où se trouvent les prix les plus bas… Ou encore, un système de reconnaissance pourrait identifier le flanc que nous sommes en train de regarder, pour nous informer qu'il y en a de moins chers en face… Les applications sont infinies. C'est ça, le but des Google glasses, nous amener à nous rendre dans des enseignes réelles, pour récupérer une commission au passage.

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