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Moudjahidin du Web : les conséquences dramatiques de l'explosion d'une nouvelle "jihadosphère"
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Bonnes feuilles

David Thomson raconte l’histoire des petits soldats du jihad français, ces adolescents qui ont appris l’islam jihadiste sur Internet, loin des mosquées et à l’insu de leurs parents. Extrait de "Les français jihadistes", aux éditions Les Arènes (2/2).

David Thomson

David Thomson

David Thompson est reporter au service Afrique de RFI, et a notamment couvert la guerre en Lybie et les révolutions arabes en tant que correspondant. Il est également l'auteur du livre Les Français jihadistes.

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« La grande révolution à venir, c’est la génération Internet »

Cette « jihadosphère » souterraine a réellement émergé des entrailles du Web au début de la décennie 2010 en investissant massivement et sans complexe les réseaux sociaux. Cette prédication touche désormais un nombre infiniment plus grand de jeunes, pas toujours sensibles au jihad, ni forcément musulmans. « Internet a donné accès aux francophones comme moi à toute une série de discours traduits qu’on n’aurait jamais pu comprendre ou entendre ailleurs. Jusqu’à l’an 2000, les gens avaient accès à quoi quand on parlait d’islam ? Au discours de l’imam de leur quartier et puis on était confrontés seuls au Coran, c’était tout. Aujourd’hui il faut bien comprendre que cette jeunesse qui a eu 15 ans en 2001, donc autour de 25 aujourd’hui, elle a été éduquée, elle a eu accès à toute une série de discours qui n’étaient pas disponibles avant les années 2000. Donc on est face, effectivement, à une nouvelle génération de musulmans. Aujourd’hui il y a Internet, les forums, YouTube, Facebook, toutes ces choses qui font que les gens ont une vision des choses plus large pour peu qu’ils fassent des recherches évidemment. Le monde a vraiment changé. À une époque, c’était infiniment petit, ne fusse qu’avec les jihadistes de Bosnie. Ceux qui allaient là-bas étaient vraiment des convaincus, des gens qui lisaient des bouquins, des marginaux complets. Aujourd’hui la masse est toujours inculte, mais tout a beaucoup changé. Je le vois avec l’exemple de l’audimat d’une vidéo. Je me rappelle très bien en 2008, donc il n’y a pas longtemps, une vidéo de type radical, c’est-à-dire où on voit l’entraînement des jihadistes, des camps, etc., allait faire au max, avec le temps, 1 000 à 1 500 vues. Parce que beaucoup de gens n’étaient pas intéressés ou ne tapaient pas des mots-clés qui menaient à ce genre de vidéos. Aujourd’hui, on voit que des vidéos assez hard entre guillemets font 30 000 ou 40 000 vues en une semaine ou deux. »

Selon Mickaël-Abu Rayan, cette explosion du Web jihadiste a pour conséquence de décupler le nombre des adeptes, mais aussi d’augmenter les risques de passages à l’acte violents. « Le fait d’avoir propagé Internet est certainement l’acte le plus suicidaire de l’Occident. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’image, de l’image YouTube. YouTube, c’est pas très vieux. C’est une dizaine d’années tout au plus. On est en face d’une génération de jeunes de 18-20 ans, qui avait 8-10 ans au début du Web de masse et des réseaux sociaux, qui s’est éduquée seule par Internet au point de devenir des aliens, des mutants parfaits, par rapport à leurs familles. Tous les jours, moi j’entends untel est parti faire la hijra en Syrie, untel a quitté ses parents sans leur dire. Tous les jours. Parce qu’ils sont en face de gens bien gentils liés à eux par le sang, mais qui sont dans un paradigme de pensée totalement étranger à eux qui se sont éduqués sur Internet. Et ça, c’est la grande révolution à venir, cette génération Internet. Moi sur les quarante ans de ma vie, il n’y en a que dix qui sont islamistes. Mais je te laisse imaginer qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un jeune qui depuis son enfance est dans l’islamisme. Les jeunes Occidentaux musulmans, c’est-à-dire éduqués ici même, ils sont d’une autre race. C’est des gens qui ont été bercés depuis leur enfance par le 11 Septembre, Ben Laden, Zawahiri, Zarkaoui, etc. Bon, c’est pas tous les jeunes Maghrébins, la plupart de ceux-là, ils sont dans Lionel Messi, le foot, OM-PSG, etc. Mais honnêtement si beaucoup de jeunes musulmans avaient des compétences techniques en matière de bombes, il y aurait de gros dégâts. En fait la chance de l’Occident, c’est qu’ils ont affaire en général à des musulmans soit excités, soit en quête d’une identité. Ceux-là, ils vont sur le Net, ils mettent des photos de sabres, de combattants. C’est un peu leur Che Guevara à eux, comme ceux qui avant avaient au mur un poster de Che Guevara, de Bob Marley ou le A de anarchie. Chez les musulmans c’est ça, mais il n’y a pas beaucoup de musulmans qui sont structurés, qui ont une stratégie, qui ont des connaissances techniques en chimie, en explosifs, etc. Parce que si c’était le cas, on aurait vraiment assisté à des actes très graves. Pourquoi ? Parce qu’il faut aussi avouer que de l’autre côté aussi on pousse le bouchon très loin, avec les Femen, avec les Charlie Hebdo et compagnie. On pousse, on pousse. C’est comme si on disait alors les musulmans vous allez réagir ? Vous attendez quoi pour réagir ? Et moi j’avoue, je suis très étonné qu’il n’y ait pas plus de terrorisme. »

Extrait de "Les français jihadistes", aux éditions Les Arènes, de David Thomson, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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