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Pourquoi se réjouir du recul de l'excédent commercial allemand est un peu prématuré
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De quel côté penche la balance ?

L’excédent commercial allemand a diminué, passant de 18,2 milliards d'euros en décembre 2013 à 17,2 milliards d’euros en janvier. Peut-on y voir une tendance au tassement de l'excédent commercial allemand ?

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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Atlantico : L'excédent commercial allemand est passé de 18,2 milliards d'euros en décembre 2013 à 17,2 milliards d'euros en janvier 2014, ce chiffre est-il significatif d'une tendance à la baisse de l'excédent Allemand ou s'explique-t-il par une autre raison ?

Guillaume Duval : Tout d'abord il faut être prudent sur les évolutions d'un mois sur l'autre. Mais il y a depuis plusieurs mois déjà, une tendance au tassement de l'excédent commercial allemand. D'une part, car il se tasse également sur la zone euro elle-même, dans la mesure où la zone euro reste dans une dynamique économique très lente, très faible. Et d'autre part, il tend aussi à se tasser sur les pays émergents dont l'activité économique est elle-même assez incertaine, puisqu'elle est dans une phase de décélération marquée. Donc il y a des raisons de penser qu'au-delà de ce chiffre mensuel qu'il ne faut pas surestimer, il y a une tendance à la stabilisation tout au moins de l'excédent Allemand, qui devrait se prolonger cette année. D'autant que parallèlement, il y a un certain nombre de mesures prises par l'Allemagne qui favorisent plutôt le développement de la demande intérieure Allemande, notamment à travers la mise en place progressive du SMIC, ainsi que le développement de la dépense publique en matière d'infrastructure en particulier. Donc, dans le cadre du nouveau programme de la nouvelle coalition qui s'est mise en place au début 2014, on devrait assister à un petit accroissement de la demande intérieure Allemande qui devrait se traduire, là aussi, par une limitation des excédents.

Si le gouvernement Allemand se réjouit des chiffres de l’excédent commercial allemand en zone euro qui serait tombé à 700 millions d'euros pour l'année 2013 selon le communiqué de presse de la Destatis (l'équivalent allemand de l'Insee), prouvant ainsi que le pays apporte sa contribution à un l'équilibre de la zone euro, que peut-on dire de ce chiffre et de son mode calcul ?

Il y a une tendance là-aussi de long terme de la réduction de l'excédent extérieur fait par l'Allemagne sur la zone euro, l'excédent extérieur Allemand en 2007 avant la crise était de 181 milliards d'euros et les deux tiers, soit un peu plus de 100 milliards d'euros provenaient de la zone euros. En 2012, l'excédent extérieur était de 185 milliards d'euros, et seulement un tiers provenait de la zone euros. Donc le chiffre qu'annonce le gouvernement Allemand traduit la poursuite de cette tendance. Ceci dit, il faut être prudent sur la manière de calculer ces chiffres. Il y a deux façons de comptabiliser le commerce extérieur, et en particulier de comptabiliser les marchandises qui transitent par un pays. En première analyse, on peut compter les flux qui proviennent d'un autre pays, donc c'est probablement ce que traduisent les chiffres que l'on mentionne aujourd'hui. Simplement, par exemple dans un pays comme les Pays-Bas, cela n'a strictement aucun sens, car ces produits sont des importations en provenance de Chine et d'ailleurs. En particulier, certains produits arrivent à Rotterdam dans des containers et ne font que traverser les Pays-Bas pour aller en Allemagne. Donc d'habitude, on comptabilise ces marchandises qui sont en transit, en fonction de leur pays de départ, de leur pays de fabrication, et non pas en fonction de la dernière frontière qu'ils ont traversé. Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. L'an dernier déjà, le chiffre qui avait été transmis par le gouvernement allemand à cette époque là de l'année était un chiffre beaucoup plus faible que les 68 milliards réels, car ce sont des chiffres qui sont établis et affinés par la suite, et qui aboutissent par une publication en fin d'année sur les chiffres officiels de l'année précédente. Donc il est probable que ces 700 millions soient relevés fortement dans le futur. Mais cela n'empêche pas qu'il y ait une tendance lourde à la réduction de l'excédent commercial allemand sur la zone euro.

Quel est alors, le meilleur mode de calcul ?

Le mode de calcul le plus significatif sur le plan économique est évidemment de prendre en compte le pays d'origine. Cela n'a aucun sens de comptabiliser comme des importations européennes les produits qui passent par Rotterdam et qui transitent aux Pays-Bas avant d'arriver en Allemagne.

Quelle est finalement la part de l'excédent commercial Allemand dans celui de la zone euro ? Quelles conséquences concrètes, les résultats Allemands ont-ils sur la zone euro elle-même et sur les autres Etats membres de l'Union Européenne ?

La zone euro est dans une situation qui n'a pas de sens. Nous avons dégagé l'an dernier un excédent de la balance courante qui doit être de l'ordre de 260 milliards d'euros, soit plus de 2% de PIB de la zone euro. Cela signifie que l'on aurait pu consommer et investir en zone euro deux points de PIB en plus l'an dernier, sans que cela ne pose de problème de financement de l'activité. Ce qui signifie que l'on aurait pu créer 1,2 millions d'emplois dans la zone euro au lieu d'en perdre 1.2 millions. Sur ces 260 milliards d'euros d'excédents extérieurs de la zone euro, 200 milliards proviennent des excédents allemands. Ce qui est nouveau depuis l'an dernier et ce qui est un problème, c'est que l'ensemble des pays en crise - la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande - ont eux-aussi dégagés un excédent extérieur. Ce qui explique que l'excédent extérieur de la zone euros soit supérieur à l'excédent allemand. C'est en particulier un problème pour la France, car si ces pays sont en excédents, c'est surtout parce qu'ils ont moins importés. C'est en particulier un problème difficile pour la France, car notre pays contrairement à l'Allemagne, exporte peu hors zone euro et beaucoup en zone euro. Le serrage de ceinture très fort des pays en crise aboutit à une situation d'excédents extérieurs au dépend, en particulier de l'exportation française. Cela explique en partie les difficultés que nous rencontrons dans notre commerce extérieur.

Quelle serait la solution à cette situation ?

La solution la plus raisonnable, à la fois pour les Allemands, pour nous, mais aussi et pour les pays en crise, ce serait d'avoir des politiques économiques moins restrictives en Europe. La BCE aujourd'hui retire des liquidités du marché, elle fait le contraire de ce que fait la FED Américaine. Il faudrait avoir une politique monétaire qui soutienne davantage l'activité, et des politiques budgétaires moins restrictives pour soutenir la demande intérieure dans la zone euro. Des politiques moins restrictives n’accroîtraient pas les déficits car des politiques très restrictives ne réussissent pas à réduire le déficit non plus.

Il y a une marge de manœuvre énorme avec les excédents extérieurs que l'on a décrit tout à l'heure, nous en profiterions tous.

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