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La Justice à la barre
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EDITORIAL

L’arrestation de Dominique Strauss-Kahn et les premières heures de son traitement judiciaire nous interpellent sur la Justice, souhaitée et souhaitable.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Quelle que soit sa sensibilité politique, et même si bien sur c’est d’abord à la victime présumée qu’il faut penser, nous ne pouvons rester insensibles aux images qui nous assaillent en boucle depuis l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn. La sortie menottée du commissariat de Harlem dans un premier temps, et surtout lundi soir celles du tribunal pénal de Centre Street face à la juge Melissa Jackson.

Cette Justice nous frappe par son mode opératoire différent du nôtre (le rôle du procureur, la place laissée à la défense, l’enchaînement des audiences, etc.) et par le traitement médiatique qui en est fait (autorisation des images, vécu en direct des audiences, etc.). Mais la justice américaine nous frappe surtout par son incroyable célérité, son impartialité et son imperturbable mécanique.

Une justice qui n’hésite pas à arrêter quelques heures à peine après la plainte reçue d’une victime présumée un des hommes les plus puissants de la planète, dirigeant l’une des plus importantes institutions internationales, l’interpellant et le sortant d’un avion qui l’emmenait en Europe pour une entrevue avec la chancelière allemande et une réunion avec les ministres des Finances européens.

Viendra ensuite le transfert de l’aéroport J.F. Kennedy au commissariat de Harlem pour y passer la nuit, en sortir menotté, encadré de près et exposé, certains diront exhibé, aux médias. 24 heures plus tard, lundi après-midi, ce sera un nouveau transfert, cette fois-ci pour Rikers Island à New York, sans doute l’une des prisons les plus dures des Etats-Unis, après une comparution de moins d’une heure face à un juge qui, redoutant un risque de fuite, maintiendra une détention, dont on annonce déjà qu’elle pourrait, au terme d’un éventuel procès, être prononcée pour plus de 70 ans.

Quelle est la bonne vitesse de la Justice ? Le bon équilibre entre transparence et vie privée ?

Aucun statut ne peut justifier un quelconque traitement « privilégié ». Il est à l’honneur de la Justice de s’exercer de façon indifférenciée. Certes. Il nous arrive aussi fréquemment en France de nous plaindre de la lenteur de la justice, parfois accusée d’être à deux vitesses entre les anonymes et les autres, ou pas assez indépendante vis à vis du pouvoir politique. Mais nous devons reconnaître que nous sommes interpellés par la démonstration qui nous est faite depuis 72h de la machine judiciaire américaine.

D’autre part, lorsque nous connaissons le pouvoir d’influence de la sphère médiatico-virale dans laquelle nous vivons aujourd’hui et nos penchants voyeuristes pour ce genre d’affaire, il est difficile de sortir de ce premier épisode sans avoir le sentiment que Justice a déjà été rendue. Sur les terres de la plus grande démocratie du monde, qui est aussi une scène médiatique constamment « on air », la justice est rapide, visible, exposée, démonstrative, implacable. 

Finalement, entre quelques heures et quelques années de procédure telle que nous pouvons le vivre en France sur certaines affaires politico-judiciaires, quelle est la bonne vitesse de la Justice ? le bon équilibre entre information et exposition ? Entre protection des victimes, présomption d’innocence et démonstration de force d’une Justice qui se doit d’être implacable, radicalement égalitaire, dissuasive face à d’éventuelles tentations d’immunités ?

Nous vivons également sans doute une époque qui a soif de justice, qui souffre d’inégalité, en quête de nouvelles aspirations. Une époque en exigence intransigeante d’exemplarité, où les représentants du « pouvoir » doivent prendre garde à ne pas se brûler les ailes face à une opinion publique qui a aussi ce besoin révolutionnaire, sacrificiel, de brûler ses icônes.

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