Vêtements low cost du Bangladesh : comment ne plus se sentir coupable <!-- --> | Atlantico.fr
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La pétition lancée sur le site Avaaz "Des vêtements sans culpabilité" atteindra bientôt un million de signatures.
La pétition lancée sur le site Avaaz "Des vêtements sans culpabilité" atteindra bientôt un million de signatures.
©Reuters

Revue de blogs

Le drame de Dacca au Bangladesh et son millier de victimes de la mode pas chère continue à révolter, à troubler et à contraindre les marques à revoir leur politique de communication et peut-être même de production. Mais comment acheter à bas coûts sans blesser ?

La pétition lancée sur le site Avaaz "Des vêtements sans culpabilité" atteindra bientôt un million de signatures. Depuis l'effondrement d'un immeuble d'ateliers de confection infernaux au Bangladesh, les t-shirts et petits hauts pas chers ne seront plus jamais aussi pimpants moralement, à Seattle ou à Bordeaux. Acheter pas cher sans contribuer à un assassinat collectif d'autres femmes à l'autre bout du monde, voilà ce qui agite les consciences, les blogs et les marques.

Mensonges et impasses

Le blog du communicant 2 0est exaspéré par les mensonges et les maladresses des marques depuis le drame, pétrifiées par les conséquences pour leur image, déjà réduite en charpie sur tous les réseaux sociaux à l'international. "Et si les marques textiles cessaient leur com cousue de fil blanc?". Au menu, les contorsions des marques ou distributeurs français trahis par leurs étiquettes retrouvées sous les décombres, et, au final, une signature d'un accord sur de simples mesures anti-incendie présenté comme une avancée majeure dans la responsabilisation des entreprises commanditaires.

"Qu'on arrête les conneries!'

Il cite aussi une blogueuse de mode, Fashionmama,dont le cri du cœur résume et le sentiment de culpabilité général et l'impasse qui se présente. 

"J’ai honte des conditions dans lesquels sont produites mes it-bags, mon it-Tshirt. Si la mode aujourd’hui c’est ça, je n’en veux pas. Sommes-nous devenus insensibles à l’horreur, à la misère? Ne sommes-nous plus capables de compassion et d’éthique? Notre sens des valeurs s’est-il perdu quelque part entre le néo-libéralisme, les fashion-week et la crise économique ? Nous sommes responsables, mais sommes nous coupables ? (...) Je sais bien que je n’ai pas le pouvoir de changer le monde. Ni toi. Je peux par contre décider de faire suffisamment de bruit pour qu’on arrête les conneries et qu’on puisse mettre de vraies réglementations, un peu partout."

Une lectrice a aussitôt riposté : "Et? tu proposes quoi? S’indigner, c’est très bien…. mais quelle est la solution ? Acheter un T-shirt fait en France à 100€ quand tu as 3 gamins à habiller avec 1000€/mois, c’est l’idéal en théorie, et en pratique? Loin de moi l’idée de cautionner tout ça, mais j’attends ta solution réaliste pour changer les choses.Tu oublies aussi de parler des personnes qui fabriquent les tablettes et autres smartphone, dans des conditions tout aussi dures…Mais là, silence radio, parce que l’ipad, c’est sacré; lacher 500€ ne signifie pas que les petites mains qui le fabriquent sont mieux loties que celles qui fabriquent ton tshirt Mango ou H&M."

Sanctionner les marques irresponsables ? 

Le dialogue classique des bons sentiments et des dures réalités commence à trouver quelques issues de secours, entre des ONG qui suivent depuis longtemps ces injustices et consommateurs plus enclins à écouter. Antonio Manganella,qui mène le plaidoyer de l'ONG Terre solidaire, en pointe sur les conditions de travail d'ailleurs, définit l'étape suivante.

"En raison [d'un] vide juridique, certaines des marques impliquées dans le drame de Dacca ont pu refuser en bloc leur responsabilité. Certes, sous la pression médiatique, 31 marques ont accepté de signer un accord pour la sécurité des usines qui permettra de mener plus de contrôles. Mais ce « geste » ne doit pas laisser croire que le problème est résolu. Les gouvernements des pays occidentaux, pays d’origine des donneurs d’ordres, doivent responsabiliser, par la loi, les sociétés mères. La France peut montrer l’exemple en introduisant une obligation de vigilance dans le droit permettant notamment aux ouvriers victimes d’abus dans leur pays de disposer de recours judiciaires à l’encontre des donneurs d’ordres. En rendant les abus très « coûteux », les entreprises seront incitées à prévenir les violations des droits. La responsabilité n’incombe pas aux seuls consommateurs, mais c’est en tant que citoyens que nous avons le devoir de demander à nos élus d’œuvrer pour que de tels drames ne se répètent plus".

Un rapport publié en 2012 par la Fédération des droits de l'homme sur les conditions de travail en Chine préconisait déjà la transparence des commanditaires occidentaux du textile ou de l'électronique et relevait l'indifférence de ceux-ci sur le nombre exorbitant d'heures supplémentaires et sur l'interdiction de se rassembler ou de manifester. Mais il relève aussi que les ouvriers chinois ont changé, là aussi en partie raison de la circulation de l'information par les réseaux sociaux. Les grèves ne sont plus rares, les négociations salariales ne sont plus un blasphème.

La fin du T-shirt à 10 centimes? 

L'ère du T-shirt à quelques centimes est peut-être révolue. En écho des incessantes manifestations qui se déroulent actuellement au Bangladesh pour un relèvement du salaire minimum,Terra Ecosignale aussi que d'après un article du New York Times, l'ère des "pays ateliers" pourrait s'achever,  faute de "trop pauvres" à exploiter :

 "Bien des économies ont eu leur« phase T-shirt » dans l’histoire, nous rappelle ce mardi Adam Davidson dans le New York Times. Au Cambodge, où, il y a quelques jours, le plafond d'une usine de chaussures vient de s'effondrer sur les ouvriers, en Chine, et même en Angleterre à la fin du XVIIIème siècle, un même scénario s’est répété. Des paysans miséreux rejoignent la ville pour travailler à l’usine dans des conditions difficiles et contre un salaire très faible mais bien meilleur que celui des champs.(...) Quel avenir se dessine au Bangladesh ? Cette fois-ci les usines vont probablement rester, même si les conditions de travail et les salaires progressent. Car, à part peut-être en Birmanie, plus aucun pays ne compte assez de pauvres pour faire tourner ces usines".

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