Universités : la Française des Jeux chargée des inscriptions ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Universités : la Française des Jeux chargée des inscriptions ?
©Reuters

Loto éducatif

Interdites de sélection sur des critères légitimes, les universités françaises gèrent désormais leurs inscriptions via tirage au sort. Mais à la fac comme au loto, on perd plus souvent que l'on ne gagne.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

Voir la bio »

J’avais très envie de discuter avec un responsable de l’Unef des problèmes d’inscription à l’université et du manque de places dans certaines filières mais, pour tous mes efforts, ça n’a pas été possible.

OK, je suis bien parvenu à avoir le responsable des relations avec la presse de l’organisation cinq minutes au téléphone il était sur l’autoroute lorsque je l’ai contacté et avait promis de me rappeler au moment de la pause pipi, mais il a dû se rencarder entre temps sur les horreurs que je m’étais permis d’écrire sur l’ancien président du grand syndicat étudiant progressiste l’an dernier et a préféré faire le mort en ignorant jusqu’à mes textos désespérés.

C’est la vie, si j’ose dire…

C’est tout de même dommage parce que l’Unef est, en France, l’un des principaux moteurs de l’opposition au principe d’une sélection en première année de fac, professant généralement que les études supérieures sont une sorte de droit universel qui ne devrait souffrir aucun « pré-requis » autre que le bac, l’État ayant le devoir sacré de s’adapter à la demande sans souci d’efficacité ou de gestion.

Dans un monde idéal, débarrassé de toute contrainte pratique, je serais d’ailleurs assez d’accord avec ce point de vue. Une université conçue comme un lieu de « culture pour la culture », que l’on fréquenterait dans le seul but de développer ses neurones et sans projet professionnel particulier, gagnerait en effet à être ouverte au plus grand nombre. Dans le monde tel qu’il est, pour autant, c’est une définition qui ressemble davantage à celle d’une MJC qu’à celle d’une usine à diplômes.

Parce qu’elle ne permet pas à ses facs de choisir leurs étudiants sur la base de leurs compétences et de leur motivation réelle à s’inscrire dans telle ou telle licence, la France est devenue la championne du monde de l’échec ou de l’abandon en cours de route. Et parce que les amphis post-bac sont encombrés de touristes, les meilleurs éléments ont pris l’habitude de privilégier les grandes écoles sur l’université ou, au minimum, d’aller décrocher un BTS ou un DUT afin de s’épargner temporairement la compagnie des branleurs et de ne faire leur retour dans le circuit qu’en troisième année.

Filières McDo et Burger King

On pourrait bien sûr s’accommoder de la situation, décider que l’ancien DEUG fait désormais office de garderie et que les choses sérieuses ne commencent qu’avec la licence, ce qui est d’ailleurs le cas depuis des années, mais la poursuite de la massification, et l’arrivée de dizaines de milliers d’étudiants supplémentaires (+ 40 000 pour la prochaine rentrée) est en train de faire exploser le système, qui n’est même plus capable de leur trouver un morceau de banc d’où consulter leurs mails ou rédiger leurs statuts Facebook. D’où l’idée de confier la gestion des inscriptions à la Française des Jeux, le tirage au sort des étudiants passant désormais pour raisonnable.

Mon bonhomme de l’Unef, si j’avais pu lui parler, m’aurait peut-être rétorqué qu’il suffit de créer davantage de places en augmentant, par exemple, les impôts de Liliane Bettencourt ou les charges sociales des entreprises ; j’aurais alors répondu que multiplier les inscriptions en STAPS, en socio ou en psycho servirait surtout à alimenter McDo et Burger King, principaux employeurs des diplômés de ces filières, en emballeurs de hamburgers et ne réglerait pas le problème de l’échec d’étudiants mal orientés.

La « sélection », au sens de l’examen attentif du dossier d’un candidat et du conseil sur la pertinence de choisir une formation sans débouchés, et telle qu’elle est pratiquée dans la plupart des pays « normaux » (avec de meilleurs taux de réussite), finira probablement par s’imposer comme la seule solution viable. L’Unef fera la gueule, il y aura des manifs et des poubelles incendiées, j’essaierai d’appeler le chargé de com’ qui ne me répondra pas, je me moquerai quand même de lui dans une chronique, mais il est probable que tout le monde ou presque s’en portera mieux (sauf les fast-food sans doute, qui auront plus de mal à recruter).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !