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Les pays émergents sur le fil du rasoir
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Les pressions successives sur les devises internationales ont fragilisé l'économie de nombreuses nations.

Alain Pitous

Alain Pitous

Alain Pitous, Directeur Général Adjoint Associé de Talence Gestion (@alainpitous).

Talence Gestion est une société de gestion de portefeuille indépendante spécialisée dans la gestion sous mandat pour les particuliers et la gestion de fonds commun de placement en actions.

Précédemment, il a été pendant 5 ans (2009-2014) Deputy CIO d’Amundi (850 Milliards d’Euro sous gestion) et gérant du fonds Amundi Patrimoine de 2012 à juillet 2014.

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Les deux derniers mois ont été difficiles pour de nombreux pays émergents. L’Argentine et la Turquie ont particulièrement souffert. Régulièrement l’Asie, la Russie ou certains pays d’Amérique Latine ont subi une pression sur leur devise ou leur taux longs. Les difficultés rencontrées lors de ces épisodes de tensions ont conduit les pays en question à adopter des politiques économiques plus conformes aux standards recherchés par les investisseurs. Ayant ainsi appris du passé, les dirigeants ont aussi veillé à moins dépendre de l’extérieur pour financer leur besoin. 

Globalement, la situation économique des pays émergents était beaucoup plus saine fin 2017 qu’elle ne pouvait l’être fin des années 2000 par exemple. Les financements extérieurs étant très majoritairement en Dollar, les années 2016 et 2017 avaient aussi permis à de nombreux pays de reconstituer une marge de manœuvre appréciable pour faire face à un éventuel ralentissement. 
Hélas, la situation n’est pas homogène d’un pays à l’autre et, dès les premiers signes de hausse du Dollar et surtout dès que des doutes ont commencé à poindre sur la croissance, les plus fragiles ont été sanctionnés par les marchés. 
Pour des raisons différentes mais avec un résultat assez comparable, la Turquie et l’Argentine ont été les deux pays les plus touchés. L’Argentine avait pris un ensemble de mesures structurelles bien accueillies par les investisseurs, hélas l’inflation mal maîtrisée a tout perturbé. En juillet, elle dépassait 30% en rythme annuel. Le pays s’est depuis le début 2018 enfoncé dans une spirale très négative : inflation, baisse de la devise et hausse des taux. Dans la panique cette semaine, la Banque Centrale Argentine a monté ses taux courts à 60% ! Le risque désormais est de voir la croissance ralentir très fortement. Les indicateurs récents n’incitent pas à l’optimisme : ces derniers temps la conjoncture tenait grâce à la consommation des ménages mais depuis 2-3 mois un ralentissement net est constaté. Le Fonds Monétaire International a été appelé à la rescousse mais les mesures à mettre en œuvre n’incitent pas à l’optimisme au moins à court-terme. 
La Turquie, outre des problèmes géopolitiques qui rendent la situation plus complexe encore, subit elle aussi les inconvénients d’une trop forte dépendance aux flux internationaux. La balance des paiements est très déséquilibrée et les besoins pour financer l’économie turque sont tels que les créanciers ont perdu confiance. Ils ont massivement vendu de la livre turque et diminué leur concours à l’économie. La sanction a été immédiate : baisse de la livre (-40% depuis le début 2018), hausse des taux longs, hausse de l’inflation…Pour des raisons de politique interne, le gouvernement retarde la hausse des taux courts et cherche de l’aide extérieure pour financer son développement. A ce stade, il est difficile de savoir si ces recherches porteront leur fruit mais en attendant, l’économie ralentit et la confiance des investisseurs s’étiole au fil des semaines. 
Tout le débat désormais est de savoir si ces deux situations vont « contaminer » les autres pays émergents. Il nous semble que le risque de contagion venant de ces pays est faible voire quasiment nul…mais…les investisseurs internationaux vont être très prudents et particulièrement exigeants dans les semaines à venir. Ils vont passer au crible les pays les uns après les autres pour essayer d’éviter de se trouver dans une situation proche dans les mois ou les semaines à venir. 
Les filtres sont toujours les mêmes : les pays les plus endettés (généralement en Dollar), ceux dont la banque centrale est peu indépendante et ceux qui voient l’inflation augmenter depuis plusieurs vont être mis sous grande surveillance dans les mois à venir : L’Afrique du Sud, l’Indonésie ou même l’Inde ont subi de lourds dégagements sur leur devise récemment. L’instabilité politique constitue également un facteur de méfiance supplémentaire comme par exemple au Brésil.
Compte tenu du fait que la volatilité va globalement progresser dans ces pays dans les semaines à venir, surtout si la banque centrale américaine continue de monter ses taux, il est probable que les gérants internationaux limitent le poids alloués aux pays émergents. Nous considérons que pour un investisseur particulier, il est trop tard pour vendre, mais il est encore trop tôt compte tenu des incertitudes pour renforcer ou initier des positions. 

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