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iPhone : voyage au cœur des usines chinoises d'Apple
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Revue de blogs

Un article du New York Time, une pièce de théâtre, une émission de radio : la saga de l'iPhone illustre aujourd'hui pour les Américains la délocalisation de leurs emplois en Chine, l'aveuglement devant les conditions de production de ces produits "parfaits" et le crépuscule de la classe moyenne américaine.

Les ouvrières licenciées de l'usine de lingerie Lejaby n'ont pas lu un long article dans le New York Times du 21 janvier dont les blogs américains parlent, et qui relate leur propre histoire : la fuite du travail, de leur travail, ailleurs. A travers l'externalisation de la fabrication du iPhone en Asie, le processus est décortiqué par le New York Time sans passion, comme un rapport de médecin légiste après l'irréparable, pour illustrer le crépuscule de la classe moyenne américaine.

A cause d'un écran en plastique qui se rayait trop facilement, il y a longtemps, à un mois du lancement du premier iPhone, les établissements Foxconn de Shenzen, en Chine, sont devenus la capitale d'Apple. On croise dans l'article Obama, Steve Jobs, le responsable de la production de Apple, les nouvelles classes moyennes de Shenzen, la classe moyenne américaine déchue. L'animation qui accompagne l'article pour expliquer à travers un iPhone comment les jobs ont déserté l'Amérique est l'un des liens les plus re-tweetés depuis sa mise en ligne.

La parution de l'article coïncide avec la diffusion par une radio publique le 6 janvier d'un monologue écrit pour la scène de l'enquêteur-comédien Mike Daiseyqui transforme ses enquêtes de société en one-man-show. Sa dernière,The life and agony of Steve Jobs, raconte comment ses yeux - ceux d'un adorateur de Apple - ont été ouverts quand il a décidé d'aller voir par lui-même sur place les conditions de fabrication des produits Apple, en se faisant passer pour un client potentiel . L'émission This life in America a diffusé son enquête adaptée, Mr Daisey et l'usine Apple. [audio et transcription]. A Shenzen, il interroge en particulier des ouvriers de Foxconn, le fabricant des iPhones et autres belles marques, dans de gigantesques établissements où travaillent 30 000 ouvriers et où les cantines peuvent accueillir 4000 personnes à la fois.Voici quelques passages de l'émission :

Le silence des usines 

"Nous descendons dans l'usine, des espaces de production ou 20 000, 25 000, 30 000 ouvriers travaillent dans une seule et gigantesque unité. Ils peuvent exercer une sorte de fascination. Il y a une sorte de beauté à l'industrialisation à une telle échelle. Ce n'est pas la peine de le nier. Il y a une sidération à voir tant d'ordre étalé devant vous.C'est facile de glisser dans une sorte de rêve érotique stalinien, mais je tente de lutter en regardant les visages. On me balade de long en large dans les allées. La première chose que je remarque, c'est le silence. C'est tellement calme.

Chez Foxconn, vous êtes sanctionné si vous parlez sur la chaîne de montage. Dans les usines que j'ai visitées, je n'ai jamais vu personne parler sur la chaîne de montage mais ça va plus loin que ça. En tant que créature du monde développé, je m'attends à ce qu'une usine qui produit des composants électroniques complexes fasse un bruit de machines, mais dans un endroit où le coût de la main d’œuvre est effectivement zéro, tout ce qui peut être fait à la main est fait à la main. Peu importe la complexité de vos composants électroniques, ils sont assemblés par des milliers et des milliers de petits doigts qui travaillent de concert. Et dans ces vastes espaces, le seul bruit est le bruit des corps qui bougent constamment, sans jamais s’arrêter."

[...] Je n'arrête pas de penser, combien de fois souhaitons-nous qu'il y ait plus de choses faites à la main ? Oh, nous en parlons tout le temps, n'est-ce pas ? J'aimerais que les choses aient cette touche humaine'. Mais ce n'est pas vrai. Il y a plus de choses faites à la main maintenant qu'il n'y en a jamais eu dans l'Histoire du monde. Tout est fait à la main. Je le sais. J'ai été là bas. J'ai vu les ouvriers monter des composants plus fins que des cheveux humains. L'un après l'autre. Tout est fait à la main."[...]

Les petites ouvrières

"Et je lui dis, vous avez l'air jeune. Quel âge avez-vous ? Et elle me dit, 13 ans. Et je dis, 13 ans ? Vraiment jeune. Ça doit être dur de trouver un boulot à Foxconn quand on a que - et elle dit : Oh non. Et ses copines sont toutes d'accord, ils ne vérifient pas vraiment l'âge. Les compagnies dehors subissent des inspections, mais les ouvriers m'ont dit que Foxconn est toujours au courant quand il va y avoir une inspection. Alors, ce qu'il font, ils ne vérifient pas l'âge. Ils retirent juste tout le monde de l'unité de montage concernée, et ils mettent les travailleurs les plus âgés qu'ils ont sur cette chaîne. "

Rencontre avec des ouvriers 

"Le N-hexane est un solvant pour nettoyer l'écran du iPhone. Il est très bien parce qu'il s'évapore un peu plus vite que l'alcool, ce qui signifie que vous pouvez gagner un peu de temps sur la chaîne et essayer de tenir les objectifs. Le problème est que le n-hexane est neurotoxique, et tous ces gens ont été exposés. Leurs mains tremblent de façon incontrôlable. La plupart ne peuvent plus tenir un verre. Je parle à des gens dont les articulations des mains ont été désintégrées par le travail à la chaîne, à répéter les mêmes gestes des centaines et des centaines de milliers de fois. {...]

Mais il faudrait que quelqu'un s'en soucie. Il faudrait que quelqu'un à Foxconn et chez les autres sous-traitants s'en soucie. Ce qui veut dire qu'il faudrait que quelqu'un chez Apple et Dell et les autres clients s'en soucient. Actuellement, personne dans l'écosystème s'en soucie assez pour imposer ça. Et donc quand vous commencez à travailler à 15 ou 16 ans, quand vous atteignez 26, 27 ans, vos mains sont détruites". 

L'iPad

"Je parle à un homme plus âgé, à la peau tannée. Sa main droite est tordue, en griffe. Elle a été écrasée sous une presse chez Foxconn. Il dit qu'il n'a pas été soigné, et qu'elle a guéri comme ça. Et comme il était devenu trop lent, il a été licencié. Aujourd'hui, il travaille dans une usine de bois. Il dit qu'il préfère ça. Il dit que les gens sont plus gentils et les heures de travail plus raisonnables. Il travaille environ 70 heures par semaine. 

Et je lui demande ce qu'il faisait quand il travaillait à Foxconn, et il dit qu'il travaillait sur les fermetures en métal des ordinateurs portables, et qu'il a travaillé sur l'iPad. Quand il dit cela, j'ouvre ma sacoche, et je sors mon iPad. Et quand il le voit, ses yeux s'écarquillent, parce que - ironie ultime de la mondialisation - actuellement, il n'y a pas d'iPad en Chine. Même si chacun d'entre eux a été fabriqué dans les usines de Chine, ils ont été emballés dans les boîtes parfaitement minimalistes d'Apple et expédiés à travers les mers, pour que nous puissions en profiter. 

Il n'en a jamais vraiment vue, une de ces choses qui lui ont pris sa main, et je le lui passe. Il le prend. Les icônes s'allument, et il caresse l'écran avec sa main écrasée et les icônes glissent d'avant en arrière. Et il dit quelque chose à Kathy [la traductrice], et Kathy traduit : "Il dit que c'est comme de la magie".

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