Wolfgang Amadeus Mozart : « un auto entrepreneur de génie pour le monde entier »<!-- --> | Atlantico.fr
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©AFP

Ces personnages de l’histoire qui ont changé le monde

Mozart est à l’affiche de tous les grands festivals de musique organisés cet été . Comme chaque année, Mozart sera encore le compositeur le plus joué, le plus écouté. Ce succès mondial dure depuis deux siècles et demi… Il y a bien une raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Mozart n’est pas seulement un musicien de génie, c’est aussi un des hommes politiques les plus habiles, les plus écoutés, parce qu’il ne travaillait pas pour les « princes » mais pour le petit peuple. Son message est universel. Il valait bien que nous te rencontrions pour cette série d’entretiens. Imaginaires certes, mais tellement passionnés.

Né en 1756 dans une famille de musiciens, à Salzbourg,  Wolfgang Amadeus Mozart met très vite ses talents de petit prodige de la musique à exécution en composant sa première œuvre à l’âge de cinq ans. Connu à travers l’Europe grâce aux voyages qu’organise son père, il revient à Salzbourg pour être compositeur à la cour. Mais ce poste convient mal au jeune virtuose, épris de liberté et d’indépendance. 

Il va alors s’émanciper pour devenir le premier compositeur de l’Histoire à se mettre à son compte, voulant gagner sa vie par les concerts et cours qu'il donne. Ce qui sera loin d’être une entreprise toujours facile… Il meurt à l’âge de 35 ans, d’une longue maladie rénale, pendant l’écriture de son fameux requiem, cette messe pour les morts dont il n’a cessé de dire qu'il avait l’impression d’écrire pour lui. Il nous a donc reçu entre deux concerts, deux partitions  par une nuit d’insomnies puisqu’ils ne dormait jamais..

JMS : Bonjour Wolfgang. Alors vous, vous avez eu une carrière un peu plus chaotique que votre légende aujourd’hui, non sans fausse note si je puis me permettre. Vous êtes le premier compositeur freelance de l’Histoire… Est-ce que l’on peut dire ça ?

Wolfgang Amadeus Mozart : J’ai fait sortir la musique du carcan de la noblesse et de la soumission à une classe sociale. J’ai voulu être le premier à pouvoir gagner ma vie grâce à la musique et en dehors de la cour. Donc, oui, j’ai fini par devenir indépendant, freelance, comme vous dites.

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Avant, nous, les musiciens, étions des exécutants, considérés comme des domestiques du divertissement, des troubadours. Nous étions d’un rang social inférieur. La cour ou les aristocrates nous commandaient une œuvre pour une réception, un événement et nous créions à la demande. Il m’est même arrivé de devoir jouer pour des chiens ! Rendez-vous compte !

Je trouvais ça injuste d’être déconsidérés à ce point. Je ne voulais pas être un simple laquais. Le talent, c’était moi qui l'avais, pas eux !

JMS : Alors, revenons à l’origine de ce talent, est-ce que vous étiez un enfant prodige ou est-ce juste que vous avez reçu une très bonne éducation d’un père fort ambitieux pour vous ?

Wolfgang Amadeus Mozart : Amadeus, mon deuxième prénom, signifie « aimé de Dieu » et j’avais ces qualités innées : une oreille absolue – je savais retranscrire n’importe quelle note que j’entendais, une mémoire eidétique – je retenais tout ce que je voyais comme une photographie – un avantage non négligeable pour retenir les partitions, et puis l’art de faire s’accorder, s'harmoniser les notes et instruments.

Mais tout ça n’aurait rien été sans la pratique. Le piano était mon quotidien, j’en faisais plus de six heures par jour – même enfant. Je n’ai jamais été à l’école.  Très vite, j’ai composé, avant même de savoir écrire la musique. Jusqu’à sept ans, c’est mon père qui retranscrivait sur manuscrit ce que je créais.

Lui était professeur de violon et compositeur à la cour, déjà. Il a été reconnu pour être un très bon pédagogue. Ma sœur, Nannerl, a préféré le clavecin et en jouait très bien. J’ai ensuite eu le droit à des classes musique à travers l’Europe, toujours organisées par mon père, pour intégrer toutes les spécificités de la musique européenne. C’était un peu un programme Erasmus avant l’heure… Vienne au Palais de Schonbrunn chez l’impératrice, Munich, Mannheim, Francfort, Bruxelles, Versailles à la cour de Louis XV et même Londres ! Puis après l’Italie, où j’ai appris l’art de l’opéra et le classicisme romantique. Nous restions quelques mois à chaque fois. Tous m’ont découvert et adoré. C’était facile.

Mais, quand je suis revenu à Salzbourg, il y avait un nouvel archevêque en place, le comte Colloredo. Il n’acceptait pas que je voyage, il voulait me garder à sa cour, à ses ordres. Moi j’avais grandi. Je devais faire valider chaque jour tout ce que je composais… En plus par des italiens, le clan des Salieri – un compositeur qui me jalousait affreusement. Puis, Colloredo était vieux jeu, je n’écrivais que de la musique religieuse,  c’était barbant ! Avec lui, ça ne l’a pas fait…Moi, je ne trouvai pas mon inspiration dans la religion mais beaucoup chez les femmes ou dans les choses de la vie. Je me foutais du quand dira-t-on et je voulais que ma musique veuille dire quelque chose. 

JMS :Vous étiez donc un peu trop foufou pour la cour. Faire des courbettes, ça n'était décidément pas votre truc. Vous avez claqué la porte de cet archevêque sur un coup de tête, ou plutôt un coup de pied au derrière…

Wolfgang Amadeus Mozart : Vous faites référence au comte d’Arco, un chambellan au service de Colloredo, une vraie canaille. Il n’a pas accepté que je démissionne. Avec Colloredo, ils n’ont pas réussi à me retenir alors il m’a mis dehors à coup de pied! C’est resté dans l’Histoire. Cela dit, j’ai eu de la chance. Jean-Sébastien Bach, avant moi, avait fait un mois de prison quand il avait quitté son poste auprès du comte de Weimar. Malgré la renommée, nous étions loin d’être des artistes libres.

De toute façon, j’avais assez obéi, j’en avais marre. A 25 ans, j’avais envie d’autre chose. Je suis parti à la recherche d’un autre emploi à travers l’Europe. Je voulais gagner de l’argent de mes doigts de pianiste, de mes compositions et pouvoir me produire devant un public autre que des courtisans. Je voulais être auto entrepreneur de musique comme vous dites , en France . Pourquoi le peuple n’aurait-il pas, lui aussi, été sensible à ma musique ?

J’ai toujours considéré que le principe du génie était de ne pas savoir se soumettre, de ne jamais rentrer dans le rang, d’être imprévisible…

Alors je ne sais pas si moi, j’étais fou fou ou trop en avance sur mon temps. On m’a dit esprit rebelle, insoumis, éternel adolescent. Enfant, j’avais fait le tour de toutes les cours d’Europe, choyé et adoré des monarques, été fait chevalier par le Pape à 13 ans, donc déjà beaucoup d’honneurs… J’avais envie de grandes choses et surtout pas de rester au statut de musicien de cour. Ma servitude musicale avait atteint ses limites. C’est pourquoi j’ai voulu tout révolutionner…

JMS : Racontez-nous alors les premières années de musicien indépendant.

Wolfgang Amadeus Mozart : Je me suis finalement posé à Vienne, lieu incontournable de la musique classique pour conquérir le public autrichien, à 26 ans. Pour gagner ma vie, j’ai dû donner des cours, ce n’est pas ce qui me passionnait le plus. En plus de ça, mon grand rival, Salieri, a terni ma réputation en faisant fuir mes élèves. Il m’a accusé d’attouchements sur certaines d’entre elles ! Moi, qui ai composé Don Juan, comme si j’avais besoin de ça ! Bref…

Je donnais des concerts, où les participants me faisaient des souscriptions, c'est-à-dire qu'ils prenaient en charge une partie de la représentation à laquelle ils allaient assister. Une billetterie avant l’heure, si vous préférez. Mais là encore, ça ne marchait pas comme je voulais. Des opéras comme Don Giovanni ou Les Noces de Figaro, qui mettent des mois à être prêts, ont été joués moins d’une dizaine de fois seulement…

J’avais des amis banquiers, et certains ont bien essayé de m’aider, certains frères de ma loge aussi. Mais vous savez ce que c’est, les francs-maçons, ils sont devenus un peu paranos quand ils ont considéré que j’avais trahi leurs secrets dans mon opéra, La Flûte enchantée, en révélant des rites franc-maçonniques. Beaucoup m’ont par la suite boycotté.

Et puis, il y avait les frais pour les représentations, qui se sont révélés bien plus élevés qu’attendus: loyers, instruments, locations de matériels, déguisements, …

JMS :Justement, certaines mauvaises langues disent que vous demandiez souvent de l’argent à vos amis. Un artiste n’est donc pas un bon gestionnaire ?

Wolfgang Amadeus Mozart : J’étais dépensier, c’est vrai…Mais dites-vous bien que le système n’était en rien comparable à ce que vous connaissez actuellement. Nous n’étions pas rémunérés de manière juste. Regardez : écrivant une œuvre pour un commanditaire, celle-ci ne m’appartenait plus. Je recevais de l’argent à la livraison de l’œuvre, mais quand elle était rejouée dans un théâtre, plus rien n’allait dans ma poche. De même, saviez-vous que je suis à l’origine de votre hymne national ? Si vous écoutez mon 25ème concerto pour piano, vous comprendrez… Un ami à moi, Ignace Pleyel, a aidé Rouget de Lisle à composer la Marseillaise, et lui a soufflé ces quelques notes. Vous me direz que c’est un hommage... Mais quand même, les droits d’auteur, que nenni ! Ils ont été mis en place quelques années après ma mort, la guigne ! Non mais, savez-vous qui, encore aujourd’hui en 2016, vend le plus de disques ? Moi ! Incroyable, non ? Et je ne touche rien !

Les artistes n’étaient pas faits pour gagner de l’argent… Composer n’a jamais payé, disait mon père. Sinon j’aurai été le plus riche de toutes les générations!

JMS : Vous avez composé les Noces de Figaro où vous avez dénoncé tous ces privilèges sociaux, mais la noblesse s’est sentie insultée et vous a commandé moins d’œuvres, donc moins de revenus pour vous…

Wolfgang Amadeus Mozart : J’ai toujours détesté la politique, mais l’opéra comique m’amusait. J’ai repris la pièce de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, parce que je trouvais que la contestation des classes sociales, le tout en musique, avait de la gueule comme on dit. Le valet et le maître voyaient leurs rapports sociaux s’inverser, j’avais hâte de voir la tête de tous ces aristocrates qui se prenaient au sérieux. 

Là a été là mon erreur, sur le plan stratégique du moins : même en ayant pris mon envol, je restais dépendant. Le pouvoir, l’argent et la culture, c’était les nobles et la cour. Eux seuls avaient l’éducation musicale et des goûts musicaux à l’époque. Ils n’étaient pas prêts à entendre ça, ça n’était pas ce qu’ils vous commandaient, si vous aviez pu voir la tête de l’empereur Joseph II !

Vous économiste, diriez que c’était une logique de la demande à laquelle il fallait répondre : un besoin, une réponse.

Moi, quand j’ai proposé des choses un peu plus originales, sans qu'on me les commande, les mœurs n’étaient pas encore prêtes. Le marché n’était pas là. 

Beethoven, dont j’ai su très tôt qu’il aurait cette destinée hors norme, a réussi ce que je n’ai pas réussi. Il a vécu au début du XIXème siècle et beaucoup de choses avaient évolué. Il avait des mécènes qui lui attribuaient des fonds, mais il n’était pas redevable sur ses compositions. Il était libre et créait à son goût, laissant le public venir à lui. Il organisait de véritables concerts. Ludwig n’a pas répondu à une demande, il a écrit ce qu'il voulait imposer à son public et attendu de voir si cela fonctionnait.

Ca n’était pas un succès fou non plus, mais c’était 15/20 ans plus tard, des révolutions avaient éclaté un peu partout en Europe. Le monde avait considérablement changé. La monarchie est devenue de moins en moins à la mode, la bourgeoisie s’était émancipée et avait intégré les scènes politiques et économiques et demandait des choses nouvelles. Le grand public a commencé à devenir consommateur de musique, lui aussi. 

JMS : Maintenant, quel regard portez-vous sur la marchandisation de la musique? 

Wolfgang Amadeus Mozart : Le capitalisme est devenu libérateur pour les artistes, il a changé les manières de créer mais aussi d’écouter de la musique. Les compositeurs d’aujourd’hui ont bien de la chance de ne plus être asservis. Ils ne vivent plus dans une cage.

Au contraire, la musique est partout, à la portée de tous. C’est désormais le public qui détermine si c’est un succès ou non. Parfois c’est très étonnant, vous êtes beaucoup moins exigeants que mes commanditaires de l’époque…

JMS : Vous aimiez les femmes et aviez ce côté Don Juan, comme le héros de l’opéra que vous avez composé. Votre premier amour, Aloysia Weber, avait choisi un autre prétendant.  Vous avez donc partagé la vie de Constance, sa sœur, qui vous a aimé jusqu’au bout, même si on vous a dit un peu libertin. Pourtant, on le sait moins, mais à sept ans, vous aviez été charmé par Marie-Antoinette, que vous aviez promis d’épouser. Pas de regret ?

Wolfgang Amadeus Mozart : C’est vrai, quelle histoire ! Je l’avais rencontré à la cour de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Elle avait 7 ans et moi 6. Je jouais devant sa famille et en descendant du piano, je me suis retrouvé les fesses à terre. La honte ! Elle est venue me relever et m’embrasser : je lui ai dit qu'un jour je l’épouserai. C’était une créature très douce et très joviale. Quand j’ai suivi ce qu'elle est devenue, elle me faisait penser à moi : son goût de la fête, des dépenses démesurées et du luxe… Et puis elle est morte jeune, comme moi. 

Mais, elle aurait quand même dû m'écouter : elle n’aurait peut être pas eu une vie aussi faste, mais elle aurait gardé sa tête !



JMS : Mozart, on vous a longtemps cherché un héritier. Que répondez-vous quand on vous compare à Emmanuel Macron, souvent qualifié de votre génie, et qu'on dit de lui que c’est « Mozart de la finance », « Mozart de la politique ». Il n’a pas trop mal réussi son coup au final, non?

Wolfgang Amadeus Mozart : Vous savez, des fils spirituels, on m’en a attribué des centaines, de tous les pays et de toutes les couleurs. De Michael Jackson à ce jeune Macron, dès qu'un individu fait montre d’un peu de talent un peu plus précocement que les autres, on ressort mon nom. 

Alors, ce jeune Emmanuel. Je dirai que, philosophe et pianiste, il aurait eu sa place à la cour des rois, mais je ne dirai pas laquelle !

De toute façon, moi, je ne fais pas de politique, je n’y ai jamais rien compris. J’ai composé 626 œuvres en 30 ans de service, à composer la nuit, répéter le jour…Alors imaginez-vous que vos histoires de 35 heures ou de retraite à 65 ans me font bien rire.

JMS : Parlons cinéma alors. Milos Forman a réalisé ce magnifique film, Amadeus, sur vous, votre histoire. Tout votre génie en ressort indemne, mais il semble que vous n’étiez pas le préféré de la cour, et Antonio Salieri, votre rival, serait même à l’origine de votre mort. Vous a-t-il vraiment assassiné ?

Wolfgang Amadeus Mozart : Il se serait confessé dans les dernières années de sa vie. Je pense qu'il a seulement lancé la rumeur pour qu’on parle de lui. Mes rapports étaient de nature complexe avec Antonio, tantôt réciproquement impressionnés de nos œuvres respectives, tantôt jaloux du statut et de la notoriété de l’autre. Lui, c’était le chouchou de la cour. Il était bien trop croyant pour imaginer un plan aussi diabolique que de me tuer. De toute façon, les enquêtes ont montré que ce sont les traitements médicaux que l'on m’a infligés qui m’ont rendu plus malade que je ne l’étais, et qui ont fini par m’achever, sans que je puisse finir ce requiem…

Pour aller plus loin : 

Amadeus, Milos Forman

Entretiens imaginaires, Jean Marc Sylvestre

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