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Voile ou soutane : le manque de discrétion des croyants, une contradiction avec leur discours "d'humilité"
©Reuters

Bonnes feuilles

L’identité chrétienne fait débat en France! D’un côté, les tenants d’une affirmation musclée face à l’islam, à la crise migratoire et au ’déclin’ de l’Europe; de l’autre, les partisans de la culture du dialogue enseignée par tous les papes depuis Vatican II. Comment expliquer cette focalisation identitaire? Quelle place pour les croyants dans la société? La foi doit-elle se confondre avec des frontières nationales? Natacha Polony, Fabrice Hadjadj et Don Paul Préau répondent à ces questions cruciales à travers une discussion passionnée et captivante, sans faux-semblant ni fausse pudeur. Extrait de "Chrétiens français ou Français chrétiens" aux éditions Salvator (1/2).

Fabrice Hadjadj

Fabrice Hadjadj

Fabrice Hadjadj, essayiste et dramaturge, dirige Philanthropos (Institu européen d’études anthropologiques à Fribourg, Suisse). Il collabore aussi au Figaro littéraire et à Art press, ainsi qu’à Panorama et à Prier.

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Don Paul Préaux

Don Paul Préaux

Don Paul Préaux est prêtre, il est modérateur de la Communauté sacerdotale Saint-Martin.

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Natacha Polony

Natacha Polony

Natacha Polony est directrice de la rédaction de Marianne et essayiste. Elle a publié Ce pays qu’on abat. Chroniques 2009-2014 (Plon) et Changer la vie (éditions de L'Observatoire, 2017).

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Natacha Polony : La discrétion qui est demandée consiste, dans l’espace public, à ne pas se vivre comme un individu valorisant ce qu’il est, mettant en avant son identité. C’est le travers typiquement moderne auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Il ne s’agit plus seulement de témoigner d’une foi mais d’affirmer : « Moi je suis cela, moi je suis chrétien, moi je suis musulman et j’ai aussi mes racines, mon histoire… » Ce travers-là est profondément destructeur de toute société. Il doit être distingué, je pense, de la simple volonté pour un croyant de témoigner de sa foi. C’est pourquoi d’ailleurs je ne suis pas choquée ou gênée par le fait que des prêtres choisissent de porter la soutane, qu’on puisse voir des habits religieux dans l’espace public.

D’autant plus qu’il s’agit là de personnes qui ont choisi une vocation pour la vie, un engagement total. Pour les laïcs c’est en revanche différent : en affichant publiquement leur identité, ils peuvent paraître vouloir l’imposer aux autres. La discrétion est aussi un simple principe de politesse Je pense à cette autre citation évangélique : « Que ta main droite ignore ce que fait ta main gauche » (Mt 6, 3). Cette phrase du Christ dans le Sermon sur la montagne résume bien cette vision extrêmement complexe. En effet, il ne s’agit pas, si j’en crois l’Évangile, de porter sa foi comme un étendard, justement en vertu du principe d’humilité, et en même temps, ce principe d’humilité et cette façon de vivre sa foi doivent rayonner. Il n’y a pas besoin pour autant d’en faire affichage.

J’avais l’autre jour un débat avec une jeune fille voilée qui me disait avec un air presque provocant : « Est-ce que mon voile vous choque ? » Je lui ai répondu : « Votre voile me gêne parce qu’il signifie, en tant que femme, que vous êtes coupable du désir que vous suscitez. » Elle me répond : « Vous n’avez rien compris ! C’est par humilité que je le porte. » Je lui dis que je connais le verset de la sourate du Coran sur le voile. En effet, la croyante doit être humble et donc rabattre sur ses atours son voile…

Tout d’abord, il n’a jamais été question de cacher les cheveux. Mais cette sourate émet une contradiction : quelle est en effet l’humilité qui consiste à venir montrer à tous comme je suis pure, combien je suis pudique ? Est-ce vraiment de l’humilité ? C’est possible dans un monde où toutes les femmes portent le voile et où l’on se fond dans la masse. Ici, il ne s’agit plus de se fondre dans la masse. C’est la même chose, je pense, pour toutes les religions. Dans le contexte actuel où l’islam aux yeux de certains est une religion qui poursuit un dessein politique, toutes les religions doivent s’interroger sur ce principe d’humilité et de discrétion et le faire coïncider avec la culture laïque qu’on ne va pas supprimer.

Extrait de "Chrétiens français ou Français chrétiens" de Natacha Polony, Fabrice Hadjadj et Don Paul Préaux, aux éditions Salvator

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