Voilà pourquoi les vieilles recettes du complexe militaro-industriel occidental ne permettront pas de gagner la nouvelle guerre froide avec la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping lors d'une revue des troupes à Hong Kong.
Le président chinois Xi Jinping lors d'une revue des troupes à Hong Kong.
©ANTHONY WALLACE / AFP

Bras de fer avec Pékin

L'Occident a longtemps estimé être supérieur sur le plan technologique et militaire face à ses rivaux. La Chine défie l'Occident en termes d'armes conventionnelles et nucléaires.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Atlantico : L’Occident a longtemps pensé qu’il jouissait d’un avantage technologique substantiel sur tout rival militaire potentiel. L’Armée populaire de libération défie pourtant l’Occident en termes d’armes conventionnelles et nucléaires. Pourquoi le complexe militaro-industriel de l’Occident ne gagnera pas une nouvelle guerre froide ?

Guillaume Lagane : La Chine a un objectif stratégique : avoir une armée « de classe mondiale », égaler la puissance américaine en 2049, pour le centième anniversaire de la république populaire, c’est-à-dire la prise de pouvoir par les communistes contre les nationalistes, en 1949. Pour cela, elle a mis ses considérables moyens en œuvre : elle a aujourd’hui le deuxième budget militaire mondial, derrière les Etats-Unis mais en croissance rapide, et encore une partie de ses dépenses est-elle sans doute sous-estimée. Il y a près d’un million de soldats dans l’APL. Pékin crée de premières bases militaires à l’étranger : Djibouti et le Tadjikistan aujourd’hui, le Gabon, Sri Lanka ou le Cambodge peut-être demain. Rien de comparable toutefois avec le vaste réseau des Etats-Unis ou même de la France (Afrique, EAU, et nos Outre-Mer).

Quel est l’état de la menace et de l’avancée technologique de l’armée et de la marine chinoises ? Pourquoi le complexe militaro-industriel part perdant face à l’essor de la Chine, notamment dans le domaine de la haute technologie militaire ?

La Chine a désormais plus de navires que les Etats-Unis : elle avait 340 bateaux en 2021 contre 294 pour la Navy. En 2030, le fossé sera encore plus grand : elle aura alors 440 navires contre 290 pour l’Amérique. Mais les Etats-Unis gardent des atouts technologiques : les trois porte-avions chinois ne sont pas au niveau de leurs homologues américains, les sous-marins américains gardent un avantage. En matière aérienne, la Chine a 2800 avions dont 2500 de combat. Elle est au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et la Russie. Mais, là aussi, pas d’avion comparable à l’avion furtif américain F35. Un autre avantage des Etats-Unis, comme de la France d’ailleurs, c’est que leur armée combat, ce qui n’est pas le cas des Chinois, sans expérience réelle de la guerre.

Les conflits en Ukraine et en Israël n’ont-ils pas épuisé les ressources et détourné l’attention du complexe militaro-industriel occidental par rapport à la menace chinoise ?

Les Etats-Unis sont très conscients qu’il est difficile de mener une guerre sur deux fronts. Or, la priorité donnée à la Chine (le « pivot vers l’Asie) a souffert du soutien massif à l’Ukraine. Aujourd’hui, l’appui à Israël détourne les moyens vers l’Etat hébreux en termes de munitions notamment. Mais les penseurs de Washington ne sont pas naïfs. Ils savent que « si la Russie est la météo, la Chine est le climat ». A cette aune, la lutte contre le Hamas, un conflit régional dans une partie du monde de toute façon instable, n’est qu’un orage passager.  

En termes de missiles hypersoniques, de lasers, de robots spatiaux en orbite et des ballons à haute altitude, la Chine est-elle inarrêtable ?

Elle a fait de grands progrès : une étude a montré que le porte avion Gérald Ford serait détruit par une salve de 24 missiles hypersoniques qui seraient tirés, pour certains, depuis le désert du Gobi. On se souvient de la violation de l’espace aérien américain par un ballon chinois l’été dernier. Autant de « moments Spoutnik » qui donnent à réfléchir et pourraient relancer l’effort de défense occidental, notamment en matière d’intelligence artificielle où la Chine est très en pointe. Est-elle inarrêtable ? J’observe que sa croissance économique stagne cette année et que le président Xi multiplie les signes de défiance envers son armée.

Les progrès rapides de la Chine en tant que superpuissance militaire ne doivent-ils pas pousser à un meilleur partenariat entre les gouvernements occidentaux, les entreprises dans le domaine de la défense et la recherche ?

Oui, bien sûr. Il faut d’ailleurs prendre garde à ne pas voir la rivalité sino-américaine de manière trop bilatérale. La Chine est assez isolée : en dehors de la Corée du Nord et de la Russie, elle a peu d’alliés dans le Pacifique. Elle est environnée de pays qui ne l’aiment pas beaucoup comme l’Inde. Comme si les Etats-Unis était détesté par le Canada ! L’Amérique au contraire peut s’appuyer sur un réseau d’alliés très étroit, de la Corée du Sud au Japon (troisième puissance économique mondiale) en passant par Taïwan. Elle coopère aussi avec le Viet Nam et les Philippines, sans parler de l’Australie. De plus, les Européens sont présents dans la zone « indo-pacifique ». La France a même organisé cette année des manœuvres militaires au Japon (exercice Brunet-Takamori) !

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