Voilà pourquoi la crise de la fertilité masculine semble avoir été largement surestimée<!-- --> | Atlantico.fr
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Un Professeur du Centre d'étude et de conservation du sperme humain à Rennes effectue une micro-injection d'un spermatozoïde dans un ovocyte.
Un Professeur du Centre d'étude et de conservation du sperme humain à Rennes effectue une micro-injection d'un spermatozoïde dans un ovocyte.
©MARCEL MOCHET / AFP

Bye bye Spermageddon

Dans une étude dévoilée en mai dans la revue Human Fertility, des chercheurs ont réévalué les précédentes conclusions de scientifiques en 2017 sur le déclin de la qualité du sperme. Ces constats antérieurs reposaient sur des hypothèses erronées.

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun

Sylvain Mimoun est gynécologue, andrologue, psychosomaticien. Il est directeur du Centre d'andrologie de l'hôpital Cochin à Paris; Il est également chroniqueur radio et TV, notamment au Journal de la santé (France 5) où il tient la rubrique "Questions sexo".

Il est l'auteur de "La masturbation rend sourd : 300 idées reçues sur la sexualité " aux éditions First.

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Marion Boulicault

Marion Boulicault

Marion Boulicault est doctorante en philosophie au MIT et est chercheur en neuroéthique au Center for Neurotechnology.

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Atlantico : Depuis longtemps, les scientifiques s’inquiètent du déclin soit disant inévitable de la qualité du sperme. Dans une étude publiée en mai dans la revue Human Fertility, ils ont réévalué l'étude de 2017, en expliquant qu’elle reposait sur des hypothèses erronées. Que sait-on aujourd’hui, du déclin de la qualité du sperme en Occident ?

Sylvain Mimoun : Ce que l'on se dit entre spécialistes, c'est que l'on a peut-être vu le verre à moitié vide alors qu'il était encore plein, et que donc cette vue de l'esprit n'est pas si vraie que ça. Aujourd'hui on s'appuie plus sur la qualité de la santé de l'homme qui éjacule, et des conséquences, ou non, que cela peut avoir. On ne peut pas s'appuyer uniquement sur l'étude du sperme en lui-même pour dire que la population est en déclin.

Maintenant, il n'y a que cette étude qui semble le démontrer, mais dans les mois et années à venir, nous aurons probablement plus de recherches allant dans ce sens, ce qui nous confortera dans l'idée d'un statu quo de la fertilité masculine. Pour le moment, ce que l'on a pu faire, c'est qu'avec une fertilité masculine moins bonne, on a essayé de pousser des méthodes pour essayer moins de spermatozoïdes possibles. Dans les fécondations in vitro, par exemple, on utilise beaucoup moins de sperme que lorsqu'on fait une insémination. D'où l'intérêt de pouvoir utiliser cela compétitivement et régulièrement.

Marion Boulicault : L'étude de 2017 repose sur un certain nombre d'hypothèses problématiques. Il s'agit notamment des éléments suivants :

Les allégations concernant le déclin précipité des spermatozoïdes supposent que le nombre de spermatozoïdes dans les pays développés anglophones et d'Europe occidentale des années 1970 constitue l'optimum de l'espèce.

L'hypothèse selon laquelle la fertilité masculine varie proportionnellement au nombre de spermatozoïdes n'est étayée par aucune preuve disponible. La baisse du nombre de spermatozoïdes ne prédit pas une baisse de la fertilité. 

Le mécanisme causal proposé pour la diminution du nombre de spermatozoïdes suite à l'exposition à des perturbateurs endocriniens environnementaux n'est pas étayé par les tendances géographiques et historiques du nombre moyen de spermatozoïdes dans la population.

L'utilisation de deux catégories intitulées « occidental » et « autre » dans l'analyse du nombre de spermatozoïdes, comme le montre la principale méta-analyse de 2017 sur les études sur le déclin du sperme, est scientifiquement erronée et intègre des hypothèses tendancieuses et contraires à l'éthique dans la conception de l'étude. Ces agrégations statistiques masquent la diversité entre les zones rurales et urbaines au sein des nations et masquent le fait qu'il existe des données très limitées sur le nombre de spermatozoïdes des individus dans les pays classés dans la catégorie "Autre". 

Pourquoi le critère du nombre de spermatozoïdes se révèle être un faux indicateur ? Que dire de l’influence de l’âge et de l’origine géographique des sujets pour ce type d’études ?

Sylvain Mimoun : Tout ne se base pas seulement sur le nombre, ce qui compte c'est la qualité du sperme au sens large et la qualité de la santé de l'individu qui émet ce sperme. Aujourd'hui, ce qu'on essaye de faire, c'est d'aller vers des solutions pour comprendre comment tout cela marche.

Si on devait conseiller un proche, on lui dirait: "Plus tu es jeune, mieux c'est pour toi" (pour avoir des enfants), donc en effet, l'âge intervient beaucoup. Si on a plus de cinquante ans pour te dire qu'on va commencer à faire des enfants, on sait que le bilan sera moins bon que si l'on en a trente par exemple.

Mais bien-sûr, d'autres facteurs liés à la vie entrent en jeu. Les femmes par exemple, sont très fécondes à vingt ou vingt-cinq ans, mais peu sont prêtes à avoir un enfant. Il y a des raisons sociologiques qui invoquent la nécessité de vivre autrement. Au moment où elles sont le plus fécondes elles s'empêchent d'être enceintes en prenant une contraception, et en attendant plus tard pour l'être, ce sera forcément plus compliqué.

Ce qui est vrai pour les femmes devient vrai pour les hommes aussi. On dira que globalement, l'âge prime pour jauger de la fertilité d'un individu, plutôt que le nombre de spermatozoïdes.

Que sait-on aujourd'hui de la baisse de la qualité du sperme en Occident ?

Marion Boulicault : J'ai évoqué ce sujet dans un article qui vient de paraître dans le Guardian. "La leçon de la recherche sur le déclin du sperme n'est pas que nous sommes confrontés à une extinction humaine imminente (du moins pas pour des raisons liées au sperme). C'est plutôt le fait plus banal mais précis qu'il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas sur la relation entre la santé reproductive des hommes et la pollution de l'environnement. C'est à cet angle mort que nous devrions nous intéresser. Une longue histoire sexiste de scientifiques se concentrant avec zèle sur la reproduction des femmes a conduit les chercheurs à négliger la fertilité des hommes. L'héritage du lobbying de l'industrie chimique et de la recherche financée par l'industrie fausse notre connaissance des effets de l'exposition aux plastiques sur la santé humaine. Et le fait de traiter les corps masculins blancs comme la norme de l'espèce nous incite à ignorer la majorité de la population mondiale." (extrait du Guardian). 

Le fait de se concentrer uniquement sur la métrique masculine laisserait-elle de côté les interactions clés entre les spermatozoïdes, l'appareil reproducteur féminin et l'ovule ?

Sylvain Mimoun : Bien-sûr, on omet beaucoup de choses. Les chercheurs essayent de trouver comment contourner l'obstacle. Pour les inséminations intra-utérines, parce qu'on a raccourcit le parcours que le spermatozoïde doit franchir, au lieu de le mettre dans le col, et qu'il (le sperme) ait à franchir un certain nombre d'obstacles, on va le déposer directement dans l'utérus pour que le chemin soit le plus court possible. Et je pense qu'il y aura de belles avancées dans cette direction.

Je pense qu'à l'avenir, la recherche se focalisera plus sur ces aspects de la fertilité, cet article n'est qu'une prémisse à une longue suite. Plus on ira là dedans, plus on comprendra comment contourner les obstacles, et mieux ce sera.

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