Voilà pourquoi certains enfants deviennent des harceleurs de cours de récré<!-- --> | Atlantico.fr
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Des jeunes élèves lors de l'appel et d'un rassemblement dans la cour d'une école.
Des jeunes élèves lors de l'appel et d'un rassemblement dans la cour d'une école.
©MARTIN BUREAU / AFP

Harcèlement scolaire

Alors que l’Assemblée nationale examine une proposition de loi pour combattre le harcèlement scolaire, les experts en savent désormais plus sur les racines du phénomène.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Ce mercredi, L’Assemblée nationale examine une proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Que sait-on actuellement de la diversité des profils des enfants harceleurs en France ? Quels sont leurs principaux facteurs caractéristiques ?

Pascal Neveu : Quelques chiffres  donnés par le gouvernement :

- 700 000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire, dont la moitié de manière sévère, soit 5 à 6%  des élève

- au total 55 828 sollicitations et 14 445 appels ont été traités via le numéro vert  3020

- 55% des élèves en situation de harcèlement sont touchés par la cyberviolence

Les filles sont davantage exposées à des formes spécifiques de cyberviolence, à caractère sexiste et sexuel (cybersexisme). Elles sont notamment trois fois plus touchées par des actes de « sexting ».

Les harceleurs n’ont pas de profil précis. Ils sont de toute catégorie sociale.

Qu’on soit du 16ème arrondissement ou du 93… il n’y a pas de profil type et d’autant plus si on se cache dans les beaux quartiers, où on ne soupçonne pas un tel profil de harceleur.

Il faut absolument une vigilance qui porte sur plusieurs « repères » :

- les intimidations, insultes, moqueries ou menaces en ligne

- la propagation de rumeurs

- le piratage de comptes et l’usurpation d’identité digitale

- la création d’un sujet de discussion, d’un groupe ou d’une page sur un réseau social à l’encontre d’un camarade de classe

- la publication d’une photo ou d’une vidéo de la victime en mauvaise posture ;

- le sexting, défini comme « des images produites par les jeunes (17 ans et moins) qui représentent d’autres jeunes et qui pourraient être utilisées dans le cadre de la pornographie infantile ».

Le gouvernement ne cesse de promouvoir des règles afin de prévenir et sanctionner des actes qui peuvent mener au suicide de jeunes.

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Dans quelle mesure ramener les profils des harceleurs à des enfants victimes de violences domestiques est-il trop réducteur ?

Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Cette violence se retrouve donc au sein de l’école : elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. Lorsqu’un enfant ou un adolescent est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement.

Ces agressions répétées impactent l’enfance et l’adolescence de près de 700 000 élèves environ, toutes catégories sociales confondues.

Il existe ce qu’on appelle l’identification à l’agresseur. Précisément « j’ai été victime et donc je reproduis sur l’autre », mais ces chiffres ne sont pas si importants. Il est trop facile et réducteur d’expliquer et justifier. Il faut réprimer car ce sont des vies en jeu, des parcours de vie qui seront impactés psychologiquement.

Il existe surtout un potentiel de haine et d’agressivité chez toute personne, et force est de constater que le nouveau monde, les réseaux sociaux, les jeux en ligne intensifient le potentiel agressif de jeunes qui ne mesurent pas les conséquences de leurs impulsivités, de leurs pulsions de mort. On dévesre sa haine sur les réseaux, on like ou pas, on tweete…

Voir les harceleurs comme des « lourdauds décérébrés » n’exclut-il pas une partie des enfants, plus pernicieux et intelligents, capables d’alterner entre élève studieux et modèles et agressivité dans la cour de récréation ?

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Ils ne sont pas forcément « décérébrés ». Les études montrent bien qu’un ado avec un fort QI peut harceler un autre camarade.

La perception d’une différence chez l’autre et la stigmatisation de certaines caractéristiques servent souvent de prétexte pour les élèves intimidateurs.

Cette différence, très subjective, va  varier d’un groupe à un autre. L’apparence physique (poids, taille, couleur ou type de cheveux),  l’orientation sexuelle ou supposée (garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine, sexisme…), un handicap (physique, psychique ou mental), un trouble de la communication qui affecte la parole (bégaiement), l’appartenance à un groupe social ou culturel particulier, des centres d’intérêts différents sont autant de motifs choisis par le groupe pour isoler et nuire à la victime des attaques.

Les bourreaux sont à la fois intelligents, capables d’instrumentaliser les autres, et d’autres comme vous le dites des gros « débiles » capables du pire.

Rappelez vous des deux méchants dans la série « Il était une fois l’homme ».

L’émergence d’internet a-t-il multiplié les actes de harcèlement… et les profils des auteurs ?

Hélas, avec l’utilisation permanente des téléphones, des réseaux sociaux, le harcèlement entre élèves se poursuit en dehors de l’enceinte des établissements scolaires.

On parle alors de cyber-harcèlement. Le cyber-harcèlement est d’ailleurs défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

Téléphones portables, messageries, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies se font le relai du harcèlement.

Ce que les études démontrent c’est que plus le « climat » scolaire et les équipes enseignantes sont déficientes, plus le harcèlement se développe car il n’y a pas de surveillance et de signalements.

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Face à la diversité des profils des harceleurs, comment aider leur identification par le personnel éducatif et les parents afin de mieux protéger les enfants du harcèlement ?

Professionnellement nous avons nous en tant que psy un devoir de signalement.

Même si je vais me mettre à dos les enseignants suite à mes propos, il est pour eux ce même devoir.

Nous ne pouvons pas nous regarder devant un miroir si jamais un drame a lieu, si un enfant se suicide, s’il se cache dans les toilettes, s’il se scarifie…

J’ai hélas suivi de nombreuses affaires où les enseignants, les proviseurs fermaient les yeux.

J’ai en souvenir un jeune, exclu, déjeunant seul, insulté, menacé de mort… Personne n’a réagi.

Il n’osait pas le dire à ses parents, par honte et culpabilité. Jusqu’à une tentative de suicide.

Notre société devient aveugle face à la détresse et la souffrance des autres. Sauf qu’il s’agit de la jeunesse, de celles et ceux auxquels nous nous devons transmettre des morales, des devoirs et sur lesquels nous pourront pouvoir compter plus tard… sans leur faire vivre l’indifférence, mais le respect de soi-même.

Le respect de l’autre… et l’Humanité !

A ne jamais oublier.

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