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Voilà comment savoir si le système de ventilation d'un immeuble est de taille à affronter une pandémie (et voilà ce qu'il faut faire pour y parvenir)
©ANTONY DICKSON / AFP

Risques de contagion ?

La diffusion du Covid par aérosol a été largement prouvée depuis le début de la crise sanitaire. La ventilation des bâtiments apparait comme un enjeu primordial.

Emmanuel  Vanoli

Emmanuel Vanoli

Emmanuel Vanoli est ingénieur de Dassault Systèmes, spécialisé dans la mécanique des fluides et l'aérodynamique. Emmanuel Vanoli a mis au point un système de circulation de l'air pour limiter la contagion dans des zones à risques. Il a testé son idée dans des hôpitaux et souhaite l'étendre à des lieux qui accueillent du public comme les salles de spectacle, les transports en commun.

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Atlantico.fr : La diffusion du Covid par aérosol a été largement prouvée depuis le début de la crise sanitaire. En ce sens, pourquoi la ventilation des bâtiments apparait-elle comme un enjeu primordial ?

Emmanuel Vanoli : Avec la Covid-19, nous sommes confrontés à des particules de très petites tailles. Les aérosols sont inférieurs à 5 micron-mètres et du fait de cette taille, les courants d’air ont un impact majeur sur la propagation des particules. Dans un bâtiment, la ventilation va dicter les mouvements d’air et la ventilation a un impact très important à ce propos.

Arrivons-nous à bien connaître les flux d’air qui se propagent dans nos bâtiments ?

Cela demande différents niveaux d’analyses et de modélisations. Le premier niveau est de bien comprendre qu’en fonction du volume de la pièce, la ventilation renouvèle l’air. Mais, la propagation se fait de manière locale et globale étant donné qu’elle se passe dans plusieurs pièces. Si l’on veut comprendre le problème dans son entièreté, il faut analyser les flux d’air, ainsi ils vont nous fournir le mouvement du virus. La modélisation 3D est alors très importante car elle nous donne accès à cette information. À partir de cela, on peut décider si il y a des actions à prendre ou pas pour limiter la propagation.

Quelles actions doivent-alors être prises ?

Si l’on se rend compte que la propagation est dirigée vers une certaine direction, cela peut être l’occasion d’un réaménagement intérieur. Ainsi, cela éviterait la présence de certaines personnes dans une zone à risque. La seconde approche va être la mise en place de barrières physiques comme des plexiglass dans un self ou entre deux bureaux ou la prédisposition de certains panneaux d’affichage pour bloquer certains flux d’air. La dernière solution est de modifier les bouches de soufflage, soit dans leur position, soit dans leur forme pour venir canaliser les flux d’air dans les zones qui nous intéressent.

Est-ce que nous utilisons ces solutions actuellement ?

Il y a des études préliminaires lorsque l’on conçoit des bâtiments sur ce sujet là mais jusqu’à présent, nous n’avions pas besoin d’aller à ce niveau de détail. On voulait savoir si nous étions capables de bien recycler au niveau d’une pièce et ça suffisait. Quand l’air devient l’ennemi, il faut aller beaucoup plus loin. Il faut savoir comment il se propage pour anticiper ces choses là. Le risque principal est local, au sein dune pièce. La contamination dune pièce vient de l’émission de particules plutôt que par laspiration.

Les technologies que nous utilisons chez Dassault Systèmes étaient fortement utilisées dans le secteur automobile et aéronautique. Cela fait plus de trente ans qu’elles sont connues et cela fait seulement quelques années qu’on les utilise dans le secteur de la construction et du bâtiment. Ce savoir faire acquis dans des domaines complètement différents se transpose à de nombreuses problématiques comme ici durant la crise.

Les couloirs sont-ils aussi des pièces importantes de propagation ?

Dans notre type de propagation, nous ne préférons pas modéliser une seule pièce, mais plutôt l’étage complet ou un bloc de pièces. Nous voulons être en mesure de capter l’influence du système de ventilation dans l’ensemble de l’étage. On a travaillé sur un petit hôpital dans l’est de la France qui avait un système de ventilation avec seulement des extractions d’air (simple flux où l’air neuf venait des fuites par les fenêtres). Le positionnement des systèmes de ventilation créait un courant d’air naturel au sein de l’étage qui favorisait une mauvaise circulation de l’air. Elle allait d’une zone dédiée au patient Covid vers une autre. Cela était issu de la conception du bâtiment et si l’on ne le modélise pas en entier, il était impossible de capter ce phénomène là.

Des solutions ont été mises en place comme l’ouverture de fenêtres dans des positions stratégiques. Lorsque l’on a ouvert une fenêtre en plein milieu du couloir, on a apporté de l’air neuf et cassé le mouvement de propagation. On a aussi ouvert une fenêtre pour créer un second courant d’air qui venait bloquer le sas entre les deux zones. Nous avons donc créé une barrière naturelle, aérodynamique, qui limitait la propagation d’un air vicié.

On pense alors qu’ouvrir une fenêtre est quelque chose de simple mais pourquoi les hôpitaux ne le font pas ?

À tort, on va tout de suite penser que la compréhension de ce phénomène est une chose aisée mais elle demande tout un travail de modélisation. La simulation 3D, offre un aspect visuel des phénomènes physiques qui permettent de comprendre l’enjeu de ce qu’il se passe et d’apporter des solutions. Avec ces outils, on arrive à communiquer avec des médecins ou le grand public et de faire comprendre nos conclusions. Nous travaillons d’ailleurs avec beaucoup d’hôpitaux sur cet aspect.

Il n’y a pas de risque zéro mais avec la modélisation, nous n’avançons plus en aveugle. Le problème avec le Covid est qu’on ne le voit pas et qu’il n’existe pas de nombreuses manières de visualiser les phénomènes.

Des systèmes de ventilation équipés de lumière UV tueur de virus représentent-ils une option intéressante pour limiter la propagation de l’épidémie ?

Cela peut être une solution. Lorsque l’on fait nos modélisations, nous allons plutôt nous intéresser à ce qu’il se passe au sein de la pièce et non dans les conduits. Dans les conduits, il y a les filtres, les gaines, le virus peut se déposer sur les surfaces et y rester. Tout système de filtration va tout de même dans le bon sens.

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